Le CHU d'Angerspartage plus que le soin - L'Infirmière Magazine n° 263 du 01/09/2010 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 263 du 01/09/2010

 

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Horizons

Le Centre hospitalier universitaire d'Angers (49) a récemment reçu la visite de Roselyne Bachelot et de Frédéric Mitterrand. L'occasion de mettre en avant la politique culturelle qu'il mène depuis cinq ans.

«Vous nous rejoignez dans le patio ? Les musiciens sont là ! » Une phrase surprenante dans un hôpital, et pourtant ordinaire pour Christelle, infirmière au CHU d'Angers. Ici, l'art est un « partenaire du personnel hospitalier ». Dans le cadre du programme interministériel « Culture à l'hôpital », élaboré en 1999 et actualisé en 2010, encouragé par la signature d'une convention entre l'Agence régionale de l'hospitalisation et la Direction régionale des affaires culturelles des Pays de la Loire, le CHU d'Angers a décidé de structurer et de développer sa politique culturelle, tant en direction des personnes hospitalisées que du personnel soignant. L'établissement a, ainsi, inscrit dans son projet d'établissement un volet culturel qui touche, chaque année, 7 000 hospitalisés et proches, et 800 soignants. Lors de son hospitalisation, le patient peut découvrir une oeuvre plastique, littéraire, musicale, pratiquer un art, échanger avec un artiste en résidence, visiter un musée, afin de « s'évader quelques instants du quotidien hospitalier et d'appréhender autrement son hospitalisation ».

Complémentarité

Ces quelques heures partagées avec un artiste ou une oeuvre interrompent la routine des soins et interpellent le patient sur un autre registre que celui de la maladie. « Soigner, ce n'est pas seulement soigner le corps. La culture peut aider à oublier même momentanément le poids de la maladie », a souligné Roselyne Bachelot lors de sa visite au CHU, le 12 juillet. Pour Marie-Christine François, cadre supérieure de santé du Pôle hémato-néphrologie-transplantation et réanimation médicale, les activités culturelles sont essentielles : « Mon identité d'infirmière m'amène à considérer le soin au-delà de la technique. La relation, l'aide, le soutien, le support ou la réinsertion sont aussi des soins qui doivent nous préoccuper. La culture va aider à resocialiser les personnes, les remettre en contact avec la vie "traditionnelle". Pour moi, cela vient en complémentarité du soin et de l'accompagnement relationnel. »

Comme onze de leurs collègues de l'Orchestre national des Pays de la Loire, voilà deux ans que Danielle Husson et Michel Barbin, respectivement altiste et violoniste, interviennent régulièrement au CHU d'Angers, dans le cadre du projet « Musique au CHU ». Le partenariat avec l'orchestre permet aux patients d'assister à 25 concerts par an dans différents services de soins, au personnel hospitalier d'assister aux représentations dans les salles de concert, et prévoit la diffusion prochaine de concerts sur le réseau interne de télévisions du CHU. Les musiciens jouent sous un arbre dans le patio d'un service, dans les salons des familles, au détour d'un couloir et même dans les chambres. Confrontés à des situations parfois difficiles, ces deux musiciens professionnels partagent des moments d'émotion et de plaisir avec les patients : « Ce qui est important, c'est le contact humain, amener de la musique vivante de l'extérieur. Certains malades voient pour la première fois un violon et surtout d'aussi près. C'est complètement différent d'un concert regardé à la télévision ! » La présence des musiciens « dans les murs » permet aux patients de garder un lien avec la ville, de « continuer à vivre comme s'ils n'étaient pas à l'hôpital. »

Une dynamique diversifiée

Pour assurer la qualité des actions, le CHU s'appuie sur l'expertise des artistes et des nombreux organismes et associations culturels locaux : l'Orchestre national des Pays de la Loire pour la musique classique, l'association Aladesh pour le rap et la musique assistée par ordinateur, le festival de cinéma Premiers Plans, les musées d'Angers, la compagnie Raconte, spécialisée dans les contes, les bibliothèques municipales...

Comme tous les visiteurs du service d'endocrinologie-diabétologie-nutrition depuis 2008, les deux ministres ont été accueillis par une exposition de 75 reproductions d'oeuvres dans les couloirs, les salles d'attente et même dans les chambres du service. Ces oeuvres ont été sélectionnées dans les musées d'Angers par les médecins, les infirmières, les personnels soignants et administratifs, qui souhaitaient non seulement offrir un plaisir esthétique aux usagers mais également encourager les discussions entre soignants et soignés.

Proximité inédite

S'appuyant sur la réussite de cette première action, le CHU et les musées d'Angers ont enrichi leur partenariat avec les Promenades au musée : depuis deux ans, trois mardis par mois, huit à dix patients visitent gratuitement le musée de la Tapisserie contemporaine. Et les résultats observés sont étonnants ! Jeanne Bimier, infirmière en éducation thérapeutique, nous explique : « Quand on se rend au musée, des discussions naissent au fil du chemin et de la visite. Une proximité inédite entre le soignant et le soigné se met en place. Ces échanges sont pleins de richesse, d'autant qu'ils sont à l'origine de multiples discussions. On ne peut pas soigner sans créer des liens avec le patient. Les participants apprennent également à mieux se connaître entre eux. Par la suite, leur engagement dans les ateliers collectifs d'éducation thérapeutique est plus aisé. C'est donc une chance supplémentaire pour ces patients de réussir leur prise en charge autonome. »

Le CHU s'appuie sur les dynamiques des territoires de la Ville, du département et de la région, mais aussi sur des associations nationales (Musique et Santé) ou des artistes indépendants, comme l'écrivain Rémi Checchetto, qui propose des ateliers d'écriture en neurochirurgie, ou l'illustrateur anglais Quentin Blake - connu pour sa collaboration avec Roald Dahl -, associé dès la construction de la maternité. La politique culturelle du CHU permet aussi de mettre en valeur son patrimoine architectural très riche, avec des visites insolites sous forme d'enquête ou des spectacles de trapézistes pour découvrir la chapelle du CHU sous un angle original !

Une politique culturelle de qualité au sein des établissements de santé implique de travailler avec des professionnels, ce qui a obligatoirement un coût. Outre la forte mobilisation d'Entr'Art, l'association culturelle du CHU, la politique culturelle du CHU a pu se structurer en 2005 grâce à une première subvention de 300 000 euros sur trois ans de la Fondation de la Caisse d'épargne. D'autres mécènes ont suivi : en 2009, le CHU a ainsi perçu 70 000 euros de subventions et d'aides extérieures. Une somme qui devrait doubler cette année.

La présence d'artistes dans un hôpital exige aussi un travail de médiation et d'organisation, qu'assure Anne Riou, attachée culturelle de l'hôpital, depuis 2005. Se définissant comme « un pont entre deux milieux, l'artistique et le médical », elle élabore les projets culturels en étroite collaboration avec les équipes de chaque service : « Leur implication est primordiale pour nous ! Sans eux, rien n'est possible. »

- http://www.culture.gouv.fr/culture/politique-culturelle/hopital/ : coordonnées des référents culturels des ARH ou des associations culturelles qui interviennent en milieu hospitalier ; nombreux exemples d'initiatives et conseils pour développer des actions culturelles à l'hôpital.

associations

Des infirmiers aux multiples talents

Le CHU soutient les infirmiers souhaitant développer leurs talents artistiques et leur permet de se former au chant avec l'association Musique et Santé. C'est une formation similaire qui a encouragé, voilà vingt ans, Josiane Salin, cadre supérieure de santé, à fonder Choraline, la chorale du personnel du CHU. Regroupant jusqu'à une cinquantaine de choristes et forte de sa participation aux rencontres des choeurs hospitaliers, Choraline se produit dans les services qui en expriment l'envie : « Nous essayons de proposer un répertoire varié qui puisse plaire au plus grand nombre. Et quand nous voyons un sourire, ou de la lumière dans les yeux d'un patient, c'est bon, c'est gagné ! »

D'autres soignants font profiter leurs patients de leurs propres talents, comme Nadia Pézeril, infirmière musicienne, qui accompagne deux fois par mois les musiciens de l'association « Chambres à airs » dans le service de pédiatrie.