Recueillir l'indicible - L'Infirmière Magazine n° 262 du 01/07/2010 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 262 du 01/07/2010

 

Abus sexuels

Du côté des associations

« Parole d'enfants » contribue à améliorer les systèmes d'aide et de soins au bénéfice des enfants victimes d'abus sexuels.

en 1996, Claude Seron et sa femme, personnellement concernés par la question des abus sexuels, fondent « Parole d'enfants ». Psychopédagogue, Claude Seron travaille depuis toujours dans le domaine de la protection de la jeunesse, mais se trouve démuni lorsque la situation se présente dans sa propre famille. Le couple décide alors de s'intéresser de plus près au problème, réunit un juge d'instruction, une juge de la jeunesse et une conseillère de l'aide à la jeunesse : « C'était juste avant l'affaire Dutroux, resitue Claude Seron. Ensemble, nous avons fait le constat d'une carence dans les moyens mis en place pour évaluer les situations d'abus sexuels. En effet, il existait peu de services, seuls quelques psys privés étaient mandatés par le parquet. »

témoignages

Le premier objectif de Parole d'enfants sera donc de recevoir la parole de l'enfant, de la faciliter en cas de révélation d'abus sexuel, ou encore d'accompagner les professionnels inquiets lorsqu'ils observent des comportements sexualisés chez certains enfants. « L'enfant laisse entendre qu'il pourrait vivre des atteintes à son corps, ou reproduit des comportements sexualisés sans avoir été abusé, mais témoin de sollicitations importantes. » Comme c'est le cas, à présent, des équipes françaises, Parole d'enfants filme les séances d'audition, afin de recueillir les témoignages et de les analyser pour en repérer les indicateurs de crédibilité : « Nous intervenons sur mandat des autorités et des professionnels. Car nous avons, en effet, décidé de ne pas travailler à la demande des familles, pour ne pas intervenir dans des conflits de séparation où l'enfant peut être instrumentalisé. Que va faire un parent du recueil de la parole de son enfant ? La transmettre à son avocat, à charge de son ex-conjoint... »

toute la famille

Après avoir travaillé sur cet axe pendant plusieurs années, Parole d'enfants mesure, avec les affaires Dutroux et Fourniret notamment, que le recueil des témoignages d'enfants s'améliore. L'association décide alors de développer la prise en charge des victimes, souvent un peu abandonnées après la révélation des faits, reprenant ici la réflexion de Marinella Malacrea, pédopsychiatre au Centro per il bambino maltrato de Milan : « Rien ne sert de sortir ces enfants de l'enfer, si c'est pour les plonger dans le désert. » Parole d'enfants crée un centre de prise en charge thérapeutique pour l'enfant, sa fratrie et le parent non abuseur, où est également suivi l'auteur des abus s'il accepte de reconnaître les faits. Accompagner la famille entière est un parti pris important : « Il arrive fréquemment qu'à la suite de la première étape, autrement dit une conclusion rendue et partagée avec les professionnels et la famille, cette dernière ait du mal à réaliser. Nous pouvons accompagner une mère dont la fille de 5 ans a vécu des violences sexuelles, parce que, justement, cette mère souhaiterait - d'une certaine façon - que son enfant ne soit que dans l'affabulation... Nous travaillons avec elle, dans l'objectif que cela ait un impact positif sur elle et que cela l'aide à choisir le camp de son enfant plutôt que celui de son conjoint... Sans pour autant inciter à la rupture ! Mais bien parce que le lien mère-enfant est à consolider. On a souvent parlé de mères instigatrices, complices, aveugles, coopérantes... Il ne s'agit pas de les incriminer mais de soigner la relation. »

outils ludiques

Après avoir beaucoup travaillé en individuel, l'association développe à présent des groupes d'enfants (par âges) ainsi que des groupes d'adolescents auteurs de violences sexuelles. Parole d'enfants a élaboré ses propres outils autour de problématiques communes émergeant quel que soit l'âge, comme la culpabilité, la honte, la lassitude de répéter son histoire. « Nous utilisons des outils ludiques, comme les cartes de Memory pour traduire les émotions, ou encore le conte. » L'association liégeoise organise deux colloques chaque année : le premier en Belgique, et le second, à l'Unesco à Paris, ainsi que des formations auprès de professionnels dont plusieurs ont lieu en France sur les thèmes : « L'inceste, pourquoi le drame arrive » ; « La reconstruction du lien est-elle possible ? » ; « Soutenir les parents des adolescents auteurs d'agressions sexuelles » ; « Le conte comme outil thérapeutique dans le travail avec les enfants en difficulté... ». Parole d'enfants publie également des ouvrages spécialisés sur ces questions.

Contact

Parole d'enfants asbl

7c, bd d'Avroy

4000 Liège

Belgique

Tél. : 00 32 (0)4 223 10 99 et

57, rue d'Amsterdam

75008 Paris

Tél. : 0800 90 18 97

info@parole.be

http://www.parole.be/

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