Et si on faisait comme si... ? - L'Infirmière Magazine n° 260 du 01/05/2010 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 260 du 01/05/2010

 

chirurgie pédiatrique

Reportage

Grâce à l'acharnement d'une infirmière, Josiane Kerbiriou, des séances régulières d'information par le jeu sont proposées au CHU de Brest, aux enfants et à leurs parents avant l'opération. Un soutien utile, qui permet de mieux vivre cette épreuve et de mieux soigner.

«Qui est déjà venu à l'hôpital ? » Selon les réponses des familles qu'elle vient d'accueillir, Josiane Kerbiriou oriente son intervention, rebondit sur un mot ou une remarque... Josiane est infirmière à la consultation de chirurgie pédiatrique du CHU de Brest, où elle anime des séances d'information par le jeu, avec l'appui de l'association Sparadrap (1). Objectif ? Aider enfants et familles à mieux appréhender une opération chirurgicale. La démarche, soutenue par le professeur Bertrand Fenoll, et par l'ensemble de l'équipe médicale du service, est très originale. Il s'agit, pour l'intervenante, de créer par le truchement du jeu un espace de communication qui permette aux familles d'exprimer leurs questionnements et leurs craintes. Cela sert à dédramatiser. Le dialogue aide à dénouer les angoisses.

Le lieu choisi est intime, avec des tables basses de formes et de couleurs joyeuses. La séance d'information se déroule en deux temps. D'abord une première approche de « débroussaillage ». Josiane commence par expliquer le déroulement de l'arrivée de l'enfant dans le service : comment il va être accueilli, pourquoi on va lui faire une toilette, les raisons pour lesquelles il ne dînera pas la veille de son intervention. Les mots sont choisis, simples et efficaces.

Chirurgiens en herbe

Tout en parlant doucement, Josiane regarde chaque personne puis, l'air de rien, fait apparaître des personnages Playmobil. La réserve du groupe commence à laisser place à une curiosité croissante qui anime petits et grands. L'infirmière repère les idées reçues pour les rendre aussitôt inoffensives, fait fondre les préjugés les uns après les autres.

Les Playmobil permettent de planter le décor d'une salle d'opération. Les mains se tendent alors pour attraper, toucher, palper, sentir, se munir des figurines... On observe le choix de sa voisine, on envie celui de son voisin. On s'approprie le temps d'un instant un scialytique miniature avant de prendre dans les mains un lit-jouet...

Cette première approche crescendo est suivie d'un jeu de rôles qui se déroule dans une autre pièce. Josiane avance méthodiquement en restant à l'écoute. Elle invite les enfants à se déguiser avec de vraies casaques de chirurgien. On prend la place du docteur, le temps de comprendre. Peu à peu, l'infirmière les amène à jouer leur propre opération. On passe du jeu au jeu de rôles en quelques instants avec la poupée Legacy, que l'on va endormir, dans une ambiance décontractée. Par instants, tout de même, à la vue de certains instruments, quelques regards d'adultes s'assombrissent et questionnent.

Chacun ressortira néanmoins apaisé de cette expérience unique dont l'équipe médicale récolte également les fruits. Le professeur Fenoll constate « une nette amélioration de la perception de l'enfant et de la famille, les parents modifiant leurs jugements sur l'intervention ». Cette approche sensorielle valorise en effet le rôle des proches quand l'enfant est hospitalisé. « Les collègues sont satisfaits, eux aussi, de recevoir des enfants bien préparés. Ils sont plus détendus, ils savent comment la journée va se dérouler, reconnaître l'usage du matériel, les codes et couleurs des badges..., ajoute Josiane. Pour les équipes soignantes, c'est un apport non négligeable au regard de la qualité des soins. Cela favorise, notamment, une meilleure prise en charge de la douleur. Et puis, c'est gratifiant de voir que l'on fait du travail dans le bon sens, qu'on apporte aux familles et aux enfants ce confort supplémentaire. »

Pérenniser l'activité

Un plus que Josiane aimerait voir pérennisé dans le temps et reconnu en haut lieu. Si ces séances d'information ont lieu régulièrement, c'est bien grâce à l'investissement de cette infirmière, porteuse du projet dès le début. Elle avait, en effet, répondu à un appel de l'association Sparadrap, en 2003, qui cherchait, 7 ou 8 équipes volontaires en France pour participer à une session de formation sur l'information donnée aux patients. L'idée était de déterminer la viabilité de leur formation dans le plan de formation national des CHU et des CH. Restait à savoir si les équipes s'investiraient suffisamment pour cette activité au sein des services.

Sept ans plus tard, à Brest, on peut dire que ces séances d'information « ont trouvé une place évidente, qui a cependant encore besoin d'être consolidée, explique Josiane. Le problème, c'est le temps, pouvoir se libérer suffisamment longtemps à l'avance pour organiser les séances. Aujourd'hui, il n'y en a qu'une seule par semaine, le mercredi, jour des enfants, groupée avec la consultation d'anesthésie afin de faciliter sa fréquentation. Mais ce n'est pas suffisant ». Et quand l'infirmière prend des congés, la séance d'information est annulée. « Tous les enfants devraient avoir accès à cette prise en charge, surtout ceux qui ont des pathologies lourdes. Le fait que ce temps de travail ne soit pas facturé aux patients est sans doute une bonne chose, mais est-ce durable ? », interroge Josiane. « C'est un temps infirmier qui n'est pas facturé, ce qui permet de garder un lien entre les familles et l'hôpital, estime le professeur Fenoll. Nous ne sommes pas là uniquement pour produire ! » L'infirmière pense, de son côté, qu'il serait préférable que cette activité d'information par le jeu soit reconnue au niveau de l'établissement, soit étiquetée « consultation infirmière » et fasse l'objet d'un poste dédié. « Sans quoi elle reste un service marginal et instable du fait de sa non-reconnaissance ! »

1- Créée en 1993, dans le but de former des soignants pour guider parents, enfants à mieux apprivoiser les peurs face au milieu médical. Aujourd'hui, l'association Sparadrap propose des plans de formation dans tous les CHU de France. Encore faut-il que l'information passe au sein des services !