Rompues aux interruptions - L'Infirmière Magazine n° 259 du 01/04/2010 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 259 du 01/04/2010

 

Suivi des tâches

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Une étude menée en Australie met en lumière les astuces des infirmières pour ne pas perdre le fil au cours des soins.

Dès 7 heures du matin, en soins intensifs, une infirmière revêt un casque qui enregistre la direction de son regard, et le garde pendant quatre heures. Tobias Grundgeiger, chercheur en psychologie à l'université de Queensland (Brisbane, Australie) ne la suit pas lors des soins, mais reste disponible dans le service.

Via cette expérience, menée auprès de plusieurs ifirmières dans cette unité de 28 lits, le chercheur a étudié les mécanismes de la mémoire face aux interruptions de tâche. Les travaux ont été présentés à Pékin, en août, lors du congrès de l'Association internationale d'ergonomie (1). Ils sont repris dans le rapport du Center of Research Excellence in Patient Safety de Melbourne, qui réunit les recherches de l'année écoulée.

stratégies

« Chaque interruption commence avec un événement perturbant », pointe l'étude. Les infirmières y répondent par trois types de stratégie :

- la reconnaissance de l'événement (en prendre acte et poursuivre sa tâche) ;

- la réalisation simultanée de deux tâches (comme répondre à une question et effectuer une injection, avec le risque d'injecter trop vite ou avec un mauvais dosage) ;

- l'interruption stricto sensu (par exemple, quitter la chambre lors d'un soin, quand un collègue a besoin de vous).

libérer la pensée

L'étude a montré comment les infirmières ont « utilisé l'environnement » pour surmonter les interruptions, soulignant quatre façons d'y faire face :

- elles ont terminé la tâche en cours avant de répondre à la sollicitation, dans 22,2 % des situations.

- elles ont achevé une des étapes de la tâche en cours, comme noter une « constante » dans un formulaire spécifique, avant d'interrompre le soin pour 31,9 % des cas.

- les infirmières ont parfois gardé en main un « artefact », comme une seringue, pendant qu'elles se consacraient à une tâche interrompant l'initiale (16,7 % des interruptions). Tenir un objet « externalise le besoin de mémorisation et prolonge la tâche ». Cela permet de ne pas craindre d'oublier la tâche initiale, et libère la pensée pour l'action immédiate.

- elles ont également placé un objet en évidence pour faciliter l'effort de mémoire. Dans ce cas, elles balaient la chambre du malade d'un regard circulaire pour repérer un éventuel matériel, disposé en attente.

En raison de la gravité potentielle des erreurs engendrées par ces interruptions, Grundgeiger plaide pour que l'aménagement des espaces de soins facilite l'effort de mémorisation des personnels infirmiers.

1- T. Grundgeiger et col., « How