Au-delà des thérapies - L'Infirmière Magazine n° 259 du 01/04/2010 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 259 du 01/04/2010

 

Cancer

Éthique

Depuis 2008, le comité Éthique et cancer mène une réflexion sur les questionnements soulevés par les situations particulières liées à la maladie.

« Le rôle du comité est d'interroger, à partir de situations singulières qui lui sont soumises, les questionnements éthiques posés par les personnes qui y sont exposées afin de mieux les comprendre et, par là, d'essayer, par des recommandations appropriées, d'aider les soignants tout autant que les malades et leur entourage à affronter des situations de nature similaire(1) ». Près de dix-huit mois après son installation, le comité Éthique et cancer, créé par la Ligue contre le cancer, semble remplir la mission qu'il s'est assignée.

« Compte tenu de la prévalence de cette maladie, le cancer concerne, ou va concerner, quelque deux familles sur trois(2). C'est un domaine où la mort, l'expérimentation médicale, les effets thérapeutiques, l'inégalité d'accès aux traitements innovants... sont chaque jour soulevés. Dans ce contexte, le cancer est, sans doute, l'ensemble des pathologies se prêtant le mieux à une focalisation de la réflexion éthique. Nous recevons beaucoup de saisines, et nous opérons un tri, car nombre d'entre elles relèvent davantage de la médiation que de l'éthique, pour nous concentrer sur celles qui nous apparaissent aujourd'hui comme les plus emblématiques de la maladie », souligne le Professeur Axel Kahn, coprésident du comité.

Siégeant deux fois par an, l'instance a déjà rendu cinq avis sur des sujets ayant trait, notamment, aux réponses à apporter aux demandes de diagnostic préimplantatoire (DPI) pour une forme héréditaire de cancer, ou encore au secret professionnel et à l'assistance à la famille. S'agissant du premier, le comité a adopté une position très ferme : « On ne peut pas faire la promotion, estime-t-il, encore moins l'apologie de ce type de DPI, ni celle d'officines privées qui en vanteraient les mérites dans un but essentiellement lucratif(3). »

prévention

« Prendre connaissance des problématiques soumises au comité et participer à ces travaux m'a parfois conduite à réorganiser des processus de prise en charge au sein de mon département afin d'éviter que nous soyons confrontés à ce type de situation. C'est une sorte d'éthique préventive », souligne ainsi Olivia Ribardière, infirmière, cadre du département ambulatoire de l'Institut Gustave-Roussy. Pour forger ces recommandations, qui sont de nature consultative, le comité ne part pas de rien. Outre les fondamentaux de l'éthique du soin (bienfaisance, non-malfaisance, autonomie, justice...), il s'appuie sur une riche réflexion menée, durant près de cinq ans avant sa création formelle, par un groupe de la Ligue, déjà présidé par Axel Kahn. « Aujourd'hui, nous utilisons ces travaux préalables, tels le consentement aux soins des personnes en état d'entendement incertain, l'annonce de la maladie, les discriminations économiques d'accès aux soins ou celles faites aux sans-papiers, pour traiter des cas concrets à propos desquels nous tirons des leçons ; mais notre objectif est aussi de dépasser la question initiale pour ouvrir sur des questionnements plus larges », indique la professeure. De nombreux soignants ignorent qu'ils ont la possibilité de faire appel au comité lorsqu'ils sont en bute à une problématique éthique « mais, conclut Axel Kahn, ça viendra... » On n'en doute pas.

1 - Extrait de l'avis n° 2 du comité.

2 - En France, on compte 320 000 nouveaux cas de cancer chaque année et 144 000 décès.

3 - Avis consultables sur http://www.ligue-cancer.net

TÉMOIN

Marilène Lacaze « Prendre de la hauteur »

« Récemment, j'ai présenté au nom de l'équipe soignante et de celui de la HAD une saisine au comité éthique et cancer. Ce cas, qui avait trait au comportement violent de la famille d'une patiente envers les soignants intervenant au domicile, nous confrontait à un dilemme : fallait-il poursuivre ou arrêter la prise en charge ? », relate Marilène Lacaze, infirmière principale de la coordination des soins externes à l'Institut Gustave-Roussy (94). « Je ne connaissais pas plus que ça le travail du comité et j'ai été impressionnée par sa faculté à dépassionner le débat pour prendre de la hauteur de vue. La vision de représentants des patients a aussi nettement enrichi les échanges. Je pense que le travail en staff avait permis d'identifier la majeure partie des difficultés, mais nous avions besoin d'être confortés afin, devant une situation analogue, d'anticiper les mesures à prendre. Cependant, je regrette qu'il n'y ait pas plus d'infirmières membres de cette instance. Bref, si on me propose d'y participer, j'accepterai ! »