Alerter sur l’automédication - L'Infirmière Libérale Magazine n° 356 du 01/03/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 356 du 01/03/2019

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR FAIRE

Les médicaments d’automédication peuvent être utiles dans l’insomnie aiguë pour éviter le recours aux hypnotiques. « Cependant, ils ne doivent pas devenir un recours systématique, car ils entretiennent une dépendance psychologique sans résoudre le problème », alerte le Dr Vecchierini.

LA MÉLATONINE EN VENTE LIBRE

En France, la mélatonine est autorisée dans les compléments alimentaires à une dose apportant moins de 2 mg par unité de prise. La mélatonine, qui régule le rythme veille-sommeil, est indirectement contrôlée par la lumière. Sa sécrétion est maximale au cours de la nuit.

INTÉRÊTS

→ La mélatonine à libération immédiate présente une action chronobiotique à la dose de 0,5 à 1 mg, de quatre heures jusqu’à deux heures avant l’heure du coucher. Cette action peut être mise à profit lors de tendance à se coucher tard et à se lever tard afin d’essayer d’avancer progressivement l’heure habituelle d’endormissement. À une dose plus élevée (2 à 5 mg, sous la forme de préparations magistrales), la mélatonine a un léger effet soporifique qui permet de faciliter l’endormissement (prise trente minutes avant le coucher). « Dans les compléments alimentaires, les fabricants misent sur l’effet soporifique de la mélatonine en l’associant souvent à des plantes aux propriétés sédatives, mais la mélatonine n’a pas, à de faibles doses, d’effet inducteur du sommeil. Éventuellement, une forme à libération prolongée prise une heure avant le coucher pourrait être utile pour diminuer la latence d’endormissement et augmenter légèrement le temps total de sommeil », explique le Dr Vecchierini.

→ La mélatonine a aussi un intérêt dans les troubles liés au décalage horaire. Elle est alors utile en cas de voyage vers l’est pour avancer l’heure d’endormissement : « À prendre vers 20 h, heure locale, les premiers jours », précise le Dr Sylvie Royant-Parola. Elle a en revanche peu d’intérêt dans le sens est-ouest : comme une « dette de sommeil » s’est accumulée durant le voyage, l’endormissement est plus facile le moment venu.

→ La mélatonine n’est pas efficace si l’insomnie est en rapport avec un trouble anxieux.

Précautions

Des effets indésirables ayant été rapportés (céphalées, cauchemars, tremblements, troubles cutanés, digestifs…), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) déconseille sa prise, en automédication, en cas de maladies inflammatoires ou auto-immunes, chez les femmes enceintes ou allaitantes, les enfants et adolescents, en cas de troubles de l’humeur ou du comportement, d’asthme ou d’épilepsie (par prudence pour ces deux derniers, en raison de données contradictoires).

L’Anses met par ailleurs en garde contre le risque d’interactions avec les anticoagulants ou les antiagrégants plaquettaires (augmentation du risque hémorragique), les antiépileptiques, les corticoïdes et les autres hypnotiques (augmentation de la sédation). Un risque de somnolence est possible en journée, nécessitant une mise en garde aux personnes amenées à conduire un véhicule. En automédication, il ne faut pas dépasser la dose de 1,9 mg par jour.

LES PLANTES

→ La valériane est la plante la plus étudiée : plusieurs études contre placebo ont montré qu’elle améliorait l’endormissement et la qualité du sommeil. D’autres plantes sont fréquemment utilisées : houblon, eschscholtzia, aubépine, passiflore, mélisse, notamment.

→ Les plantes peuvent être utiles en cas de troubles légers du sommeil liés au stress ou à l’anxiété, sachant qu’un délai de deux semaines peut être nécessaire pour ressentir leur efficacité.

→ Précautions : le Cimicifuga et la ballote peuvent être à l’origine d’atteintes hépatiques. Le houblon est déconseillé du fait de ses propriétés œstrogéniques chez les femmes ayant des antécédents de cancer hormono-dépendant. Faute de données, les plantes sont déconseillées au cours de la grossesse.

LES ANTI-HISTAMINIQUES

→ La prométhazine (Phénergan) et la doxylamine (Donormyl…) sont disponibles sans ordonnance dans le traitement des insomnies occasionnelles. La durée du traitement ne doit pas excéder cinq jours.

→ Précautions : les antihistaminiques sont notamment contre-indiqués en cas de troubles urétroprostatiques (adénome de la prostate) et sont déconseillés aux personnes âgées (confusion, risque de chute). Ils exposent à un risque de somnolence et à des effets indésirables anticholinergiques.

Cas pratique

M. V. fait face à des soucis professionnelset familiaux qui l’empêchent de dormir suffisamment. Il est fatigué, ne veut surtout pas prendre de somnifère et vous indique qu’il est en train d’essayer la mélatonine, « une solution naturelle mais sans grand effet pour l’instant » !

Vous mettez en garde M. V. : la mélatonine n’induit effectivement pas de dépendanceni d’accoutumance, mais attention, prise au mauvais moment, elle peut perturber l’horloge biologique interne, voire être plus nuisible que bénéfique.

Entretien
Dr Sylvie Royant-Parola Psychiatre, présidente du réseau Morphée

Mélatonine : à manier avec précaution !

Quelles sont les indications de la mélatonine en préparation magistrale ?

Elle est d’une grande aide chez des enfants qui ont des troubles du rythme circadien avec retard de phase (coucher et lever très tardifs), dans le cadre de pathologies neurologiques, métaboliques, psychiatriques (dont l’autisme), ou chez les adolescents qui ont tendance à se coucher tard. De faibles doses de mélatonine suffisent pour resynchroniser le rythme veille-sommeil. Des doses plus élevées (jusqu’à 5 mg) sont aussi parfois utilisées pour favoriser l’endormissement, la mélatonine ayant alors un faible effet hypnotique.

Les compléments alimentaires renfermant de la mélatonine peuvent-ils être utiles ?

Leur maniement est extrêmement délicat ! Prise au mauvais moment, la mélatonine peut dérégler l’horloge biologique interne, même à faibles doses. De plus, elle peut avoir des répercussions sur d’autres fonctions de l’organisme puisqu’elle module l’humeur, le comportement sexuel ou encore le système immunitaire. Des recommandations canadiennes récentes demandent d’ailleurs à ce qu’elle soit uniquement disponible sur prescription médicale. En pratique, si aucune efficacité n’est constatée après dix jours, il est prudent d’arrêter les prises. Et dans tous les cas, ne pas dépasser quatre voire six semaines de traitement.