Prélèvement à la source : mode d’emploi - L'Infirmière Libérale Magazine n° 353 du 01/12/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 353 du 01/12/2018

 

FISCALITÉ

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Lisette Gries  

À partir de janvier prochain, l’impôt sur le revenu sera prélevé au titre de l’année en cours et non plus de la précédente. Pour les professions libérales, le système a ses spécificités.

Réforme repoussée, remise en question, puis finalement maintenue, le prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu entrera en vigueur dès janvier 2019. Celui-ci sera directement ponctionné sur le salaire, afin de supprimer le décalage dans le temps entre la perception des revenus et le versement de l’impôt correspondant. « Pour ceux qui connaissent des changements de situation financière et familiale, l’impôt s’adaptera plus vite », souligne le ministère des Finances(1). En revanche, le mode de calcul de l’impôt, lui, ne change pas. Tous les revenus du foyer seront pris en compte, un barème progressif continue de s’appliquer, de même qu’un système de réductions fiscales et de crédits d’impôts. Enfin, il sera toujours obligatoire de déclarer ses revenus de l’année précédente au cours du printemps, et les contribuables continueront de recevoir un avis d’imposition.

Principe général

À partir de la déclaration de revenus 2017, l’administration fiscale a calculé le taux moyen d’imposition, qui correspond à la part du revenu global du foyer que représente le montant de l’impôt. Par exemple, un couple marié sans enfants déclare un revenu annuel de 70 000 € et ne bénéficie d’aucune réduction fiscale. Il devra payer 7 487 € au titre de l’impôt sur le revenu. Son taux moyen d’imposition est donc de 10,7 % (7 487 = 10,7 % de 70 000). S’ils sont salariés, leurs employeurs prélèveront directement 10,7 % de leur salaire.

Il se peut que le couple ait opté pour des taux individualisés. Si Madame touche 45 000 € et Monsieur 25 000 €, elle sera imposée à hauteur de 12,7 % et lui de 7,1 %. Ces taux seront ajustés à partir de septembre 2019, en fonction des données transmises dans la déclaration de revenus 2018, au printemps. Enfin, si un changement de situation intervient (naissance d’un enfant, décès, perte d’emploi, augmentation de salaire…), ils pourront toujours demander un nouveau calcul de leur taux d’imposition en cours d’année.

Les particularités de l’exercice libéral

Ce principe ne peut pas s’appliquer tout à fait tel quel pour les Idels. Comme pour les autres professions libérales (déclarant des bénéfices non commerciaux, ou BNC), l’administration fiscale prélèvera le 15 de chaque mois, sur leur compte, un acompte de l’impôt de l’année en cours. Pour celles qui ont choisi le prélèvement trimestriel, ces acomptes seront prélevés quatre fois par an : 15 février, 15 mai, 15 août et 15 novembre. Le taux de l’impôt et le montant des acomptes versés ont été transmis par les Finances publiques avec le dernier avis d’imposition. Ils ont été calculés à partir des revenus 2017 et seront réévalués à partir de septembre 2019, en fonction des informations fournies dans la déclaration de revenus 2018.

Le même principe de calcul s’applique : le taux varie en fonction des revenus et de la situation du foyer. Il est aussi possible d’opter pour un taux individualisé, et une demande de réévalution peut être formulée en cours d’année en cas de changement de situation. « Attention, en cas de demande de baisse des acomptes, il ne faut pas trop sous-estimer son BNC sur l’année, avertit Michel Chassang, président de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL). En cas d’erreur de plus de 10 %, il y aura un rattrapage, mais aussi des taxes. »

2018, une année « blanche » ?

Cette expression est souvent revenue dans les discussions autour du prélèvement à la source. Elle recouvre une certaine réalité : un dispositif permet effectivement aux contribuables de ne pas payer en 2019 à la fois l’impôt sur les revenus 2018 et ceux de 2019. Le crédit d’impôt de modernisation du recouvrement (CIMR) implique donc que les revenus 2018 ne soient pas taxés. Les réductions et crédits d’impôts acquis au titre de l’année 2018 (garde d’enfants, dons à des associations, etc.) sont en revanche maintenus, et feront l’objet du versement, au mois de janvier, d’un acompte de 60 % du montant de l’année précédente, directement sur le compte bancaire du contribuable. Le solde sera versé, lui, en juillet, après la déclaration fiscale.

« Il convient mieux de parler d’année grise », précise cependant Michel Chassang. En effet, pour les libéraux, le CIMR ne s’appliquera que sur les BNC non exceptionnels. Un comparatif sera établi avec les trois précédentes années. Si le BNC 2018 dépasse le bénéfice le plus élevé des années 2015, 2016 et 2017, alors l’excédent sera soumis à l’impôt sur le revenu. « Mais il sera taxé au taux moyen de l’impôt, pas au taux de sa tranche », souligne-t-il.

Par exemple, une infirmière libérale a réalisé un bénéfice de 37 000 € en 2015, 40 000 € en 2016, et 38 000 € en 2017, et elle a un taux moyen d’imposition de 8 %. En 2018, son BNC s’est élevé à 50 000 €. Logiquement, les 10 000 € supplémentaires (selon le bénéfice le plus élevé en 2016) auraient dû être taxés à 30 % mais, avec le PAS, il ne seront imposés qu’à 8 %. Cet impôt sur les bénéfices exceptionnels lui sera restitué totalement si son BNC 2019 est plus élevé que le BNC 2018. Si son BNC 2019 est inférieur à celui de 2018, mais supérieur aux 40 000 € de 2016 (le plus haut), alors le CIMR s’appliquera sur une fraction supplémentaire du bénéfice 2018 (mais pas sur sa totalité). « En définitive, si l’on hésite à décaler certaines recettes ou certaines dépenses, il faut bien calculer quel est son intérêt, pour éviter de faire une trop grosse avance de trésorerie à l’État, mais aussi pour ne pas avoir de taxe en plus d’un rattrapage fiscal à la fin de 2019 », conclut le Dr Michel Chassang.

En cas de création d’activité

Qu’elles ouvrent leur cabinet ou qu’elles rejoignent une équipe déjà installée, les Idels qui ont démarré leur activité libérale en 2018 ou qui s’apprêtent à le faire en 2019 ne peuvent pas entrer dans le cas ci-dessus. Celles qui débuteront leur activité en 2019 ont deux options : estimer leur bénéfice annuel et verser des acomptes dès le démarrage de l’activité, qui seront régularisés dès l’année suivante ; ou attendre septembre de l’année suivante (2020) pour s’acquitter de la totalité de l’impôt.

Pour celles qui ont démarré en libéral en 2018, les services fiscaux n’ont pas pu établir un BNC de référence, ni, donc, un taux moyen d’imposition et le montant des acomptes. En janvier, elles pourront se rendre sur leur espace personnalisé du site des impôts, et choisir de verser un acompte tenant compte de l’estimation de son BNC 2019. Après la déclaration de revenus 2018, le taux et les montants seront ajustés, et appliqués à partir de septembre 2019. Concernant le CIMR, dans un premier temps, l’ensemble de leur BNC 2018 sera considéré comme non-exceptionnel. Mais il sera comparé ensuite à celui de 2019, et si 2019 est une année moins faste que la première, l’excédent sera soumis à l’impôt. Un versement qui interviendra donc en septembre 2020… Il faut donc regarder son chiffre de près, et mettre de côté si nécessaire.

1. Voir le portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics : hwww.economie.gouv.fr

info +

→ Le guide en ligne de l’UNAPL : bit.ly/2QavXHW

→ La Ruche des infirmières libérales : bit.ly/2Q2a5i7

→ Le portail du ministère des Finances : bit.ly/2r1MUGF

Dans le prochain numéro, un sujet sur le prélèvement à la source du côté employeur, pour les Idels qui salarient une femme de ménage, une secrétaire, etc.

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