Les libérales voient jaune - L'Infirmière Libérale Magazine n° 353 du 01/12/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 353 du 01/12/2018

 

ACTUALITÉ

Caroline Coq-Chodorge  

« Notre auto, c’est notre bureau », déclaraient récemment des Idels à nos confrères du Télégramme ?*. Confrontées à l’augmentation du coût du carburant, les Idels et leurs représentants demandent une revalorisation des frais kilométriques et la défiscalisation de l’achat de la voiture.

Le 17 novembre dernier, près de 200 000 gilets jaunes ont organisé des barrages filtrants sur tout le territoire. À l’origine de ce mouvement, la hausse du coût du carburant et de sa fiscalité. Les Idels l’ont observé, l’ont rejoint parfois, car la voiture est un outil de travail pour la plupart d’entre elles. Émilie Gandubert, Idel à Agris en Charente, parcourt « chaque jour 150 à 200 km. Je fais de nombreux allers-retours entre le domicile des patients, mon cabinet et le laboratoire d’analyses situé dans une autre commune. Depuis novembre 2017, je paie huit à neuf euros de plus pour mon plein, qui dure entre deux jours et deux jours et demi. L’indemnité forfaitaire de déplacement (2,50 euros pour chaque visite), et l’indemnité kilométrique de 0,35 centimes le kilomètre, au-delà de 2 km, ne couvrent pas tous ces frais. »

Trop-plein

Sous couvert de l’anonymat, une infirmière libérale installée dans le Doubs a sauté le pas : son profil Facebook affiche désormais le logo des gilets jaunes. Elle aussi roule près de 200 km par jour, qui plus est avec un 4x4, pour affronter les routes enneigées dans cette zone de montagne : « Ce mouvement, c’est un trop-plein de la population. Je paie beaucoup de charges, beaucoup d’impôts : où va cet argent ? On nous saigne de plus en plus. Le prix du carburant, c’est la goutte d’eau. Je suis d’accord pour penser à la planète. Mais je fais comment ? Je veux bien faire des efforts, mais il faut nous aider. »

Les organisations syndicales d’Idels réclament de nouvelles aides fiscales : « On aimerait pouvoir déduire plus avantageusement des impôts les frais kilométriques », explique Daniel Guillerm, vice-président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). « On voudrait des avantages fiscaux supplémentaires, confirme Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil). Une revalorisation des indemnités kilométriques sur le plan fiscal, ou la défiscalisation de certains frais, comme l’achat de la voiture. »

Une prime inutile

Que faut-il penser des aides du gouvernement pour l’achat de voitures plus économes ? « La prime à la conversion permet de changer un véhicule ancien. Or, nous roulons dans des voitures neuves », poursuit Catherine Kirnidis. Quant au bonus écologique pour l’achat d’une voiture électrique, il soulève « beaucoup de questions : l’autonomie est-elle suffisante pour rouler une journée. Comment recharger ? » Et si Catherine Kirnidis reconnaît que quelques Idels font leur tournée, en ville, à vélo ou en trottinette électrique, « il faut pour autant porter notre matériel, le sac des prélèvements… En ville, les infirmières optent souvent pour la moto ou le scooter, plus faciles à garer ». Pour Émilie Gandubert, « c’est un sujet très compliqué. La vie actuelle est de plus en plus difficile, et la pollution est de pire en pire. C’est difficile d’avoir les idées claires ».

* Voir l’article publié le 14 novembre sur le site www.letelegramme.fr

À DISTANCE DES GILETS JAUNES

Au mouvement des gilets jaunes le 17 novembre a succédé celui des infirmières, le 20 novembre. Et celles-ci ont été interpellées par les citoyens mobilisés contre l’augmentation du prix du carburant. Leurs organisations syndicales ont gardé leurs distances, tout en manifestant de la sympathie : « Parmi les Idels, il y a bien sûr une connexion d’idées avec les gilets jaunes, c’est évident, explique Daniel Guillerm de la FNI. Mais nous ne voulons pas d’amalgame avec notre mouvement, qui est porté par des organisations syndicales. » Pour Convergence infirmière, Ghislaine Sicre insiste cependant : « Nous soutenons ces citoyens qui se mobilisent pour leur pouvoir d’achat. Nous voyons leurs difficultés, nous sommes à leurs côtés. Il y a des gilets jaunes parmi nos membres. »

EN CHIFFRES

Pour comprendre l’augmentation des prix du carburant, il faut dissocier le coût du pétrole et celui des taxes. Si le gazole a longtemps bénéficié d’un avantage fiscal, François Hollande puis Emmanuel Macron ont décidé d’aligner les fiscalités du gazole et de l’essence, en les augmentant.

→ En 2018, le sans plomb 95 est taxé 0,68 €/l, et le gazole 0,59 €/l En 2020, ces taxes seront alignées à 0,78 €/l.

→ Depuis 2016, le coût du l’essence a augmenté de 62 % et du celle du gazole de 70 %. En cause : l’envolée du cours du pétrole.

→ En octobre 2018, le coût hors taxe du SP 95 était de 0,62 €/l, celui du gazole 0,67 €/l. Début 2016, leur coût n’était que de 0,4 €/l et de 0,32 €/l.