L’heure de la mise en place - L'Infirmière Libérale Magazine n° 353 du 01/12/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 353 du 01/12/2018

 

DOSSIER MÉDICAL PARTAGÉ

ACTUALITÉ

Laure Martin  

Le 6 novembre, la Caisse nationale d’Assurance maladie et le ministère de la Santé ont officialisé la généralisation du dossier médical partagé (DMP). Objectif affiché : ouvrir 40 millions de DMP d’ici quatre ans. Et pour y parvenir, les autorités comptent sur l’aide et la mobilisation des professionnels de santé.

Le DMP, QU’EST-CE QUE C’EST ?

Agnès Buzyn l’a dit lors de son lancement, le 6 novembre : le DMP est « un rouage indispensable du système de santé ». Pourquoi ? Parce que ce carnet de santé numérique conserve et sécurise toutes les informations de santé des personnes bénéficiant d’un régime de sécurité sociale. En clair, il permet à un patient de partager ses données médicales avec un professionnel de santé, en ville ou à l’hôpital : résultats d’examens de biologie, de radiologie, traitements prescrits, antécédents médicaux ou comptes rendus d’hospitalisation. Il peut également ajouter les documents qu’il juge pertinents, et renseigner les coordonnées des proches à prévenir en cas d’urgence. Dès le lendemain de l’ouverture du DMP, « l’outil est enrichi de deux années d’historique médical du patient, communiqué par l’Assurance maladie, mais uniquement pourles actes portés au remboursement sans qu’il y ait pour autant de notion d’argent », indique Nicolas Revel, directeur de la Cnam. L’outil a également vocation à recueillir, dès avril 2019, les directives anticipées des patients pour la fin de vie. Les antécédents de vaccination pourraient en outre être intégrés par la suite. Le DMP ne se substitue, en aucun cas, au dossier professionnel, affirme-t-on du côté de la Cnam. Son objectif est de favoriser la coordination des soins, les relations ville-hôpital, de suivre en détail la prise en charge de pathologies lourdes et d’éviter les accidents thérapeutiques.

COMMENT FONCTIONNE CET OUTIL ?

Le DMP est gratuit, non obligatoire et confidentiel. Il peut être ouvert par le patient lui-même, par son médecin traitant, les pharmaciens équipés, les infirmières libérales et les agents des caisses primaires d’Assurance maladie (CPAM). L’ouverture du compte peut se faire par le biais du logiciel métier, s’il est DMP-compatible, ou via le site www.dmp.fr. Un travail est actuellement mené avec les éditeurs pour que les logiciels simplifient la consultation et l’alimentation du DMP. Afin que le dossier soit consultable facilement, il est également accessible via une application pour smartphone et tablette. Lorsque le DMP est ouvert par un professionnel de santé ou un agent habilité, ce dernier doit demander son consentement au patient, qui doit aussi accepter l’accès à son DMP par les professionnels de santé en cas d’urgence. Il peut modifier son choix à tout moment. Neuf grandes rubriques sont proposées au sein de chaque compte : synthèse, traitement, analyses, imagerie, comptes rendus, prévention, certificats, données de remboursement et espace personnel.

L’ACCÈS EST-IL SÉCURISÉ ?

Comme l’explique Yvon Merlière, directeur chargé du déploiement du DMP, l’accès est extrêmement sécurisé. Conservé par un hébergeur de données de santé agréé (Santeos, filiale du groupe français Atos), le DMP requiert, pour sa création, la carte Vitale du patient. Le professionnel de santé habilité doit aussi s’identifier avec sa carte professionnelle (CPS) s’il souhaite créer, alimenter et consulter le DMP d’un patient. Les agents des CPAM peuvent, quant à eux, utiliser leur carte professionnelle d’établissement (CPE) pour créer le DMP mais ils ne peuvent accéder au contenu du dossier.

Afin que le patient puisse se connecter à son DMP, il dispose d’un identifiant et d’un mot de passe, et reçoit un code à usage unique par courriel ou par SMS (renseigné au moment de la création de son DMP). À noter que l’absence de messagerie électronique ou de téléphone n’empêche pas la création d’un compte.

QUEL RÔLE POUR LES IDELS ?

« Nous comptons sur les infirmières libérales pour ouvrir des DMP et pour en faire la promotion, notamment pour aider les patients qui ne sont pas mobiles ou en fracture numérique », indique Nicolas Revel. Les infirmiers ont d’ailleurs un accès complet au DMP (sauf avis contraire du patient), au même titre que les médecins généralistes, spécialistes, pharmaciens, biologistes, chirurgiens-dentistes, pharmaciens et masseurs-kinésithérapeutes. Il n’est en aucun cas question de contraindre les Idels ou les autres professionnels de santé à ouvrir des DMP. L’accord-cadre interprofessionnel (Acip), signé le 10 octobre 2018, entre la Cnam et l’Union nationale des professionnels de santé (Unps)(1) porte sur l’exercice coordonné et traite du DMP. L’accord porte un engagement politique de l’ensemble des professionnels de santé.

QUI A ACCÈS AUX INFORMATIONS ?

C’est le patient qui décide des informations qu’il souhaite faire apparaître dans son DMP et des professionnels qui peuvent les consulter. Il peut d’ailleurs masquer certains contenus à certains professionnels de santé, sauf à son médecin traitant. Il est averti dès qu’un document est ajouté à son DMP et qu’un professionnel se connecte pour la première fois à son dossier. Le médecin peut, lui aussi, décider de cacher une information sensible à son patient, le temps de le rencontrer en consultation d’annonce, par exemple. Ni la Cnam, ni les opérateurs privés ne peuvent avoir accès au DMP, assure le directeur de la Cnam, Nicolas Revel.

  • (1) Voir l’article paru dans le n° 352 d’ILM, p. 16.

UN PEU D’HISTOIRE

Lancé il y a quatorze ans, le DMP n’a jamais rencontré un franc succès auprès des professionnels de santé et des patients. D’ailleurs, seuls 500 000 DMP ont été créés sur cette période. En 2016, la Cnam a récupéré le déploiement du DMP. Résultat : après dix-huit mois d’expérimentation dans neuf départements, 1,8 million de DMP ont été ouverts.

Août 2004 : lancement du dossier médical personnel avec la loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance maladie.

Deuxième semestre 2006 : expérimentation avec des médecins libéraux, des hôpitaux et des réseaux de soins. Le gouvernement annonce qu’il se donnera le temps nécessaire pour lancer le DMP.

Avril 2009 : Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, annonce la relance du DMP pour 2010.

Janvier 2011 : les Français peuvent demander la création de leur DMP. Les éditeurs de logiciels se mettent à jour.

Fin 2012 : constat d’échec concernant le nombre de DMP ouverts.

Avril 2013 : Marisol Touraine, ministre de la Santé, parle d’un éventuel DMP 2.

Janvier 2016 : l’article 25 de la loi de modernisation de notre système de santé confie le dossier à la Cnam à la place de l’Asip Santé. Le dossier médical personnel devient le dossier médical partagé.

2017 : déploiement dans neuf départements tests. Le capdu million de DMP créés est franchi fin 2017.

Mai 2018 : la création de DMP est possible pour les mineurs.

Juillet 2018 : les pharmaciens qui sont équipés du logiciel métier à jour peuvent ouvrir des DMP.

Septembre 2018 : création en ligne du DMP dans tous les départements via le site www.dmp.fr.

Printemps 2019 : intégrationd’un espace dédiéaux directives anticipées.

Entre 2020 et 2022 : ajout d’un carnet de vaccination.

QUELQUES DOUTES PERSISTENT…

Si les Idels peuvent créer, consulter et alimenter les DMP de leur patient, un bémol persiste : la compatibilité des logiciels professionnels. « Ils ne sont pas forcément calibrés pour que les Idels puissent ouvrir et consulter les DMP, rappelle Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national des infirmiers. Une évolution technologique est nécessaire pour que les Idels s’équipent. » Avant d’ajouter : « Cela relève des négociations conventionnelles que la Cnam doit reprendre avec les syndicats représentatifs des Idels, de façon à envisager des modalités telles que celles proposées aux pharmaciens [ils sont rémunérés 1 euro par DMP créé dans leur officine, NDLR] afin de permettre une montée en charge du nombre de DMP créés par les Idels. » En attendant, elles peuvent utiliser le site www.dmp.fr.