Boxe zéro douleur - L'Infirmière Libérale Magazine n° 349 du 01/07/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 349 du 01/07/2018

 

ACTIVITÉ PHYSIQUE

Actualité

Sophie Magadoux  

Une activité insolité est proposée aux patients de l’hôpital Charles-Perrens de soins psychiatriques à Bordeaux (Gironde) : la boxe à visée thérapeutique. Les ateliers sont animés par des soignants préalablement formés.

Cette année, six ateliers de boxe éducative adaptée (BEA) sont proposés aux patients de l’hôpital Charles-Perrens atteints de troubles psychiques à des degrés divers dont trois quarts souffrant de schizophrénie. Les séances sont organisées et animées par les soignants préalablement formés à cet outil thérapeutique insolite. Les ateliers concernent six des trente unités hospitalières, intramuros ou hors les murs, pour les adolescents, pour les enfants de six-douze ans, en service addictologie, en hôpital de jour et en service réhabilitation.

Toucher l’émotion

Lors des ateliers, un seul mot d’ordre : zéro douleur. « On ne frappe pas, on touche. Ce n’est pas de la boxe sportive », signale Patrick Gauthier, infirmier psychothérapeute de Charles-Perrens. Il est à l’initiative de ce projet novateur. La BEA, agent de remise en forme, offre aux soignants une nouvelle façon de travailler sur le schéma corporel, la motricité, la vélocité, la précision, le tout en sécurité. En même temps, elle agit sur l’estime de soi, la confiance en soi, la désinhibition et le contrôle de soi ou l’apprentissage de ce qui relève de la peur ou de la douleur. En d’autres termes, la BEA permet de travailler les émotions au moyen d’une approche corporelle. « Pour certains, se laisser toucher par quelqu’un d’autre constitue déjà un pas énorme », remarque le soignant. De plus, l’activité s’avère très facile d’accès. « Elle n’exige aucune condition physique particulière, ni de maîtrise technique. Elle est ludique et valorisante et favorise l’alliance thérapeutique », ajoute-t-il. Les ateliers sont encadrés par deux soignants et regroupent six à dix patients qui se retrouvent aussi bien en salle de sport qu’au stade ou encore dans une salle prêtée par un club de boxe. « Les groupes sont fermés ou non et leurs fréquence et durée varient en fonction de la problématique. Trois à quatre séances peuvent par exemple être suffisantes dans une prise en charge post-traumatique, à la suite d’une agression », remarque-t-il.

Animateurs de boxe éducative dans les services

Une première quinzaine de soignants, infirmiers, aides-soignants et assistantes sociales, ont été formés en 2017. Quinze autres le seront au dernier trimestre 2018. En deux fois trois jours, Patrick Gauthier et le Dr Pierre Morault, psychiatre, assurent la théorie, et Stéphane Raynaud, formateur et conseiller technique national boxe (ministère des Sports), et Julien Boussat, référent handi-boxe Nouvelle-Aquitaine et professeur de philosophie, encadrent la partie pratique. « Les soignants ne deviennent pas des spécialistes du sport, mais autonomes dans son utilisation. Nous rendons l’outil boxe suffisamment simple pour qu’ils se l’approprient et qu’il soit au service de leurs compétences thérapeutiques », insiste Stéphane Raynaud.

Activité peu coûteuse

Le module découle de la rencontre, en 2014, entre Patrick Gauthier et Julien Boussat. « Dans un premier temps, des animateurs de boxe venaient encadrer les séances. Puis, afin d’élargir la proposition, nous avons opté pour de la formation continue ouverte aux 1 500 employés du centre hospitalier Charles-Perrens », explique l’infirmier, qui a co-conçu le module avec Stéphane Raynaud. Et ce dernier de souligner : « Nous sommes issus de cultures différentes, mais la connaissance commune du handicap, surtout psychique, a été au cœur de nos échanges. » Une fois le personnel formé, l’activité s’avère peu coûteuse, puisqu’elle se pratique aussi bien sur un ring que dans une salle ordinaire. Seul investissement : des paires de gants. La Fédération française de boxe et le comité régional, partenaires de l’initiative, ont offert mille euros de matériel.

D’autres actions existent déjà au CHU, à l’Institut de formation en masso-kinésithérapie. Depuis deux ans, les élèves sont invités à s’initier aux valeurs du soin et professionnelles à l’occasion d’une journée d’intégration “boxe”, outil pédagogique d’apprentissage du respect de l’autre et de soi, en travaillant la confiance réciproque, le consentement mutuel, le prendre soin, ou encore le travail d’équipe.

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