Une charte pour l’accès aux soins | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 345 du 01/03/2018

 

POLITIQUE DE SANTÉ

Actualité

Marie Luginsland  

La quasi-totalité des syndicats des professionnels de santé a ratifié une charte, le 6 février, en gage de soutien au plan de renforcement de l’accès territorial aux soins lancé en octobre. Non sans rester vigilants.

Agnès Buzyn, ministre de la Santé, a convaincu des représentants des patients, des élus locaux et une trentaine de syndicats de professionnels de santé, dont les trois syndicats représentatifs d’Idels(1), de parapher une charte pour mettre en œuvre le plan de renforcement de l’accès territorial aux soins lancé en octobre. Ce plan prévoyait notamment le développement des maisons de santé, le déploiement d’IDE Asalée en zones sous-denses ou encore la diffusion de nouveaux protocoles de coopération (lire notre numéro de novembre, p. 11). Si Thierry Amouroux, du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI, CFE-CGC), non signataire, dénonce un coup médiatique centré sur l’exercice libéral, les syndicats d’Idels applaudissent une dynamique qui les engage aux côtés des autres professions.

Mais signer la même charte n’empêche pas les désaccords… Par exemple sur les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou le protocole Asalée. Pour justifier son paraphe, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) cite ainsi, dans un communiqué, le fait que la charte entende « développer l’exercice regroupé et coordonné sous toutes ses formes », le syndicat citant les pôles et MSP, ainsi que le protocole Asalée. Il salue la concrétisation d’évolutions qu’il a toujours défendues. La Fédération nationale des infirmiers (FNI), elle, a signé la charte car celle-ci annonce le développement de l’exercice pluridisciplinaire « sous toutes ses formes »… et pas seulement en MSP ou dans Asalée. Dénonçant « la réclusion des professionnels dans des MSP », la FNI se réjouit, par communiqué, de « l’évolution » du gouvernement sur ces sujets, et du fait que « la voie des IDE salariées et assistantes des médecins dans les MSP de ces derniers dans Asalée [ne soit] plus un sens unique ».

Changement de paradigme

Autre point clé de la charte, la mention aux protocoles de coopération, dont un arrêté publié trois jours plus tôt avait défini des priorités nationales (lire notre rubrique JO, p. 59). Le sujet est sensible, en témoigne par ailleurs la position de l’Ordre des infirmiers, qui préfèrerait à ces dispositifs localisés un élargissement durable des compétences infirmières (lire p. 27). Un changement de paradigme, en tout cas, satisfait Philippe Tisserand, président de la FNI : le terme “transfert de tâches” disparaît des textes. « Le gouvernement l’a abandonné au profit de la notion de partage des compétences. Il faudra veiller à ce que cette avancée se concrétise dans l’exercice coordonné et les coopérations interprofessionnelles. » Il invite à la recherche « de zones de compétences croisées entre les différentes professions ».

L’appui du numérique

La FNI et Convergence infirmière (CI), globalement plus réticentes que le Sniil quant à la charte, se déclarent aussi très prudentes face à l’application des textes relatifs aux coopérations. Dans le viseur, l’article 55 de la LFSS(2), qui se substitue à l’article 51 de la loi HPST(3) et doit faciliter la diffusion des protocoles de coopération validés par la Haute Autorité de santé (HAS) en donnant un plus grand rôle aux Agences régionales de santé au sein des territoires. Ghislaine Sicre, présidente de CI, redoute que ce texte ne soulève la question de la pérennité des coopérations mais surtout de la responsabilité qui pourrait peser sur la profession. Une profession qu’elle refuse catégoriquement de voir subordonnée aux médecins. CI voit toutefois dans l’exercice coordonné de nouvelles opportunités. Le syndicat souhaite l’émergence d’organisations innovantes de professionnels sur le territoire avec l’appui de solutions numériques et d’objets connectés, « telle l’application que nous allons expérimenter à l’automne », promet Ghislaine Sicre.

L’IPA en interface

Le Sniil, lui, refuse que la profession en soit réduite à suppléer le manque de médecins. Il revendique rôle et compétences spécifiques et estime qu’en cela l’exercice infirmier en pratiques avancées (IPA) peut constituer une place d’interface intéressante. « Mais, interpelle Catherine Kirnidis, présidente du Sniil, encore faudra-t-il veiller à la mise en œuvre des modalités de formation et de son financement. » Toute charte signée, les syndicats sont loin de baisser la garde.

(1) Convergence infirmière (CI), Fédération nationale des infirmiers (FNI) et Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil).

(2) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2018.

(3) L’article 51 de la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) du 21 juillet 2009 a permis la mise en place, à titre dérogatoire et à l’initiative des professionnels sur le terrain, de « transferts d’activités ou d’actes de soins ».

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