Le salariat entre infirmiers n’est pas pour aujourd’hui - L'Infirmière Libérale Magazine n° 341 du 01/11/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 341 du 01/11/2017

 

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Actualité

Annabelle Alix  

L’an dernier, la publication du code de déontologie des infirmiers a supprimé l’interdiction, pour un infirmier, de salarier un confrère, un aide-soignant, une auxiliaire de puériculture ou un étudiant infirmier. Mais les syndicats font barrage à sa mise en œuvre.

Allez-vous bientôt pouvoir recruter un infirmier, un aide-soignant, un auxiliaire de puériculture ou un étudiant infirmier dans votre cabinet libéral ? L’interdiction de salarier n’est plus. Le code de déontologie des infirmiers, publié le 28 novembre 2016, a refondu l’article R 4312-48 du Code de la santé publique qui contenait cette interdiction.

Pour autant, le salariat reste encore impraticable. Les textes régissant la profession, notamment conventionnels, doivent être modifiés et adaptés en conséquence : détermination des modalités de facturation du salarié, intégration d’actes d’aides-soignants à la Nomenclature générale des actes professionnels…

Sur le modèle des médecins ?

À l’origine de cette idée, un avis rendu par l’Autorité de la concurrence, en mai 2016. Après lecture du projet de code de déontologie des infirmiers, celle-ci se prononce en sa défaveur. Selon elle, le code impose des restrictions de concurrence disproportionnées par rapport aux objectifs de santé publique qu’il poursuit. L’Autorité émet alors des recommandations. Et, parmi elles, figure l’idée d’un salariat encadré entre confrères, qui prend sa source chez les médecins.

Ces derniers sont autorisés à embaucher un médecin collaborateur salarié. En tant qu’employeur, le médecin installé en libéral souscrit, à ses frais, une assurance en responsabilité civile, qui couvre l’activité du salarié en cas de dommages causés aux tiers.

De son côté, « le médecin salarié intervient pour le compte et au nom de son employeur, précise l’Autorité de la concurrence. Cependant, le lien de subordination qui encadre la relation [des médecins], pour tout ce qui relève de l’organisation du travail et de la gestion du cabinet, n’interfère en rien sur la relation du médecin salarié avec le patient ». L’indépendance est ainsi préservée. Comme le prévoit l’article R 4127-87 du Code de la santé publique, chaque médecin exerce « en toute indépendance, sans lien de subordination, et dans le respect des règles de la profession, notamment le libre choix du médecin par les patients et l’interdiction du compérage ». Sur le plan pratique, les feuilles de soins affichent à la fois l’identification des médecins salarié et employeur. Elles permettent ainsi au premier de signer personnellement ses actes, et au second d’attester du paiement des honoraires.

Crainte d’une paupérisation

Les infirmiers pourraient emboîter le pas aux médecins. En théorie, l’idée pourrait, par exemple, séduire un infirmier souhaitant travailler en cabinet sans assumer les risques, les tâches et les responsabilités relatives à la gestion d’une entreprise. Il percevrait son salaire à la fin du mois, comme à l’hôpital. L’infirmier employeur pourrait ainsi développer sa structure en recrutant des infirmiers aux spécialités différentes de la sienne.

Mais les syndicats d’infirmiers libéraux rejettent l’idée en bloc. Les syndicats, résolument contre le salariat, comptent tout faire pour en bloquer la mise en œuvre. Les négociations conventionnelles seront leur terrain de jeu dans cette bataille anti-salariat. « La possibilité de salarier n’a jamais été une volonté de la profession, rappelle Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Elle nous a été imposée par l’Autorité de la concurrence. »

En pratique, « le recrutement d’infirmiers salariés dans les cabinets libéraux pourrait avoir un impact considérable sur la démographie de la profession, déjà surpeuplée au point de voir certains infirmiers réaliser essentiellement du nursing », développe le président. Par ailleurs, « le faible montant des honoraires ne permettrait pas à l’infirmier de verser un salaire décent à un confrère », s’insurge Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux. Les syndicats craignent une paupérisation de la profession, mais également le montage de sociétés de tailles plus importantes et « plus ou moins marchandes ».

Des propositions à l’étude

Durant les négociations conventionnelles, la question n’a pas encore été abordée. Mais la FNI a pris les devants. « Nous avons inclus dans nos propositions à la Cnamts sur la régulation démographique d’exclure le salariat du cadre conventionnel », indique Philippe Tisserand. Le syndicat propose à l’Assurance maladie de ne pas modifier la convention nationale des infirmiers, notamment son paragraphe 5.2.6 qui stipule que l’infirmière « ne donne l’acquit que pour les actes qu’elle a accomplis personnellement ». Les actes de l’infirmier salarié ne pouvant être facturés, ils ne pourraient donc être remboursés. La FNI propose également d’ajouter noir sur blanc, dans la convention, que la pratique du salariat en est exclue.

Pour l’heure, l’Assurance maladie, que nous avons sollicitée, ne souhaite pas exprimer publiquement son point de vue sur le salariat infirmier.

Quant au recrutement d’aides-soignants, d’auxiliaires de puériculture et d’étudiants infirmiers, il est totalement absent des discussions.