L’herbe est plus verte ailleurs - L'Infirmière Libérale Magazine n° 341 du 01/11/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 341 du 01/11/2017

 

VACCINATION HORS PRESCRIPTION

Actualité

Adrien Renaud  

Le passage en 2018 à onze vaccins obligatoires pour les enfants a remis la vaccination sur le devant de l’actualité. Un débat dans lequel les infirmières ne sont pas appelées à jouer les premiers rôles… du moins en France. Car, dans plusieurs pays étrangers, la vaccination est avant tout une affaire d’infirmières.

La grippe. C’est, à ce jour, la seule maladie contre laquelle les infirmières françaises sont habilitées à vacciner hors prescription. Et encore, il y a des restrictions : elles ne peuvent prendre en charge que certaines catégories de la population et elles ne peuvent pas réaliser la première injection. Une situation qui commence à irriter certains représentants de la profession.

C’est par exemple le cas de l’Ordre national des infirmiers, qui entend bien taper du poing sur la table à l’occasion de la mise à jour de l’arrêté de 2011 qui fixe la liste des personnes qu’une infirmière peut vacciner contre la grippe saisonnière. À l’heure où nous mettions sous presse, un nouvel arrêté était en effet attendu pour la fin octobre, mais il n’était pas encore sorti.

Ce texte devrait notamment élargir les populations ciblées par la profession (aux personnes hébergées dans un établissement médico-social ou souffrant de certaines pathologies, par exemple). Mais l’Ordre souhaite aller plus loin hors prescription : vaccination par les infirmiers de tous les adultes contre la grippe d’une part, et élargissement à d’autres vaccins, notamment pédiatriques, d’autre part.

Même son de cloche du côté des syndicats. « Il n’est bien sûr pas question de vacciner hors prescription la première fois, notamment en ce qui concerne les enfants, explique Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux. Mais les infirmières pourraient assurer les rappels, et ce, sans passer par le médecin. » La syndicaliste estime qu’en tant que profession de santé la plus proche de la population, les infirmières ne doivent pas être écartées si l’on veut développer la couverture vaccinale des enfants. Et bien qu’une telle idée puisse paraître saugrenue à des oreilles françaises, elle l’est beaucoup moins au-delà de nos frontières.

La vaccination, c’est nous, tabarnak !

Au Québec, par exemple, la vaccination fait partie des 17 “activités réservées” aux infirmiers. « C’est une activité pour laquelle nous sommes autonomes et qui ne nécessite pas d’ordonnance », explique Marie-Éve Arsenault, conseillère pour la consultation professionnelle à l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

En pratique, les médecins ou les sages-femmes peuvent aussi vacciner les enfants, mais Marie-Ève Arsenault estime que la majorité des immunisations sont faites par des infirmières. « Comme la vaccination est gratuite dans le secteur public, c’est là que vont la plupart des enfants, explique-t-elle. Or ce sont les infirmières qui vaccinent dans les établissements publics. »

Bien sûr, les professionnelles québécoises sont formées à la vaccination, que ce soit en formation initiale ou en formation continue. Et depuis bientôt quinze ans que les infirmières ont été sacrées « leaders professionnels dans le domaine de la vaccination » au Québec par une loi de 2003, le sujet ne fait « pas débat » à la connaissance de Marie-Ève Arsenault.

Nurse power

Un peu plus proche de nous, au Royaume-Uni, les infirmières sont également aux premières loges en matière de vaccination. « Les médecins vaccinent rarement chez nous, il s’agit principalement d’un rôle dévolu aux infirmières », explique Helen Donovan, responsable pour la santé publique au Royal College of Nursing, principale organisation professionnelle chez nos voisins britanniques. Une situation qui s’explique principalement par la manière dont est construit le système de santé outre-Manche. En effet, la plupart des vaccins y sont administrés dans le cabinet d’un médecin généraliste… dans lequel travaillent généralement une ou plusieurs infirmières. « Mon expérience, c’est que les médecins laissent cette tâche aux infirmières », explique Helen Donovan. Et quand on lui présente l’objection française selon laquelle au moins la première injection devrait être un acte médical, elle peine à cacher sa surprise. « Cela me semble assez vieux-jeu, sourit-elle. Les réactions peuvent être plus importantes à la seconde injection qu’à la première. »

Helen Donovan a d’ailleurs un autre argument. « Si toutes les vaccinations pédiatriques devaient être effectuées par un médecin, nous manquerions de personnel », indique-t-elle. Et il y a peut-être là matière à réfléchir pour la France. Car, avec l’extension de l’obligation vaccinale, les généralistes pourraient recevoir un surcroît d’activité difficile à absorber. Vers qui pourront-ils se tourner, sinon les infirmières ?

également à propos de vaccination…

→ Déjà 27 000 vaccinations en officine

Idels et médecins ne sont plus les seuls à pouvoir vacciner les patients contre la grippe saisonnière. Cette année, des pharmaciens d’officine de deux régions pilotes (Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine) peuvent prendre en charge les personnes pour lesquelles le vaccin est gratuit, et qui ont déjà été vaccinées au cours des trois dernières années. Lors des quinze premiers jours de la campagne, près de 27 000 personnes ont été immunisées en officine dans ces deux régions, a indiqué la ministre sur RTL. « Combien, pendant ces mêmes quinze jours, par les Idels ?, a réagi l’association Unidel. Combien par les médecins ? Ces 27 000 personnes ont-elles été vaccinées l’an dernier et par qui ? » Et de dénoncer un possible « effet d’annonce » relativisant l’expérimentation : « Si les 27 000 personnes ont déjà été vaccinées l’an dernier, il ne s’agit que d’un transfert, pas d’une augmentation de la couverture vaccinale. » Unidel craint une « banalisation du geste de vaccination ».

→ Aluminium et controverses

Depuis longtemps au banc des accusés, l’aluminium utilisé comme adjuvant dans certains vaccins a de nouveau fait parler de lui dans les colonnes du Parisien au mois de septembre. Ce quotidien a en effet dévoilé des travaux du Pr?Romain Gherardi, neurologue à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (AP-HP), tendant à montrer que cette substance pouvait avoir des effets neurotoxiques. S’appuyant sur quatre études qu’il a menées grâce au financement de l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et qui ont été examinées par cette dernière en mars dernier, le Pr Romain Gherardi conclut que l’adjuvant aluminique peut conduire à une accumulation de cette substance, notamment au niveau cérébral. À noter que, sur les quatre études, trois étaient menées sur des souris. Interrogé par l’Agence de presse médicale, le Dr Dominique Martin, qui dirige l’ANSM, indique que, selon lui, ces travaux ne remettent pas en cause la balance bénéfice/risque des vaccins contenant des adjuvants aluminiques. Il considère qu’il s’agit de résultats « intéressants », mais qualifie cette recherche de « très fondamentale » et souligne que l’équipe de Romain Gherardi est « très isolée ».