Vendre la mèche… - L'Infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017

 

SOLIDARITÉ

Actualité

Jean-Michel Delage  

Afin d’aider les femmes à acquérir des prothèses capillaires de qualité, une infirmière libérale organise le don de cheveux.

Les cheveux ont une valeur inestimable. Celles et ceux qui les ont perdus à cause d’une chimiothérapie le savent mieux que quiconque. Alors, faire don d’une partie de sa chevelure peut devenir un acte salvateur. C’est ainsi que Stéphanie Collignon, infirmière libérale à Beaufort (Nord), à une quarantaine de kilomètres de Valenciennes, a créé son projet en juin 2017, “Le cœur sur la mèche”*.

Pour les habitants du bassin de la Sambre

Avec Emmanuelle Verfaille, pharmacienne, elles ont décidé de s’associer pour cette cause. Dans son métier, Stéphanie a eu l’occasion de rencontrer des patientes atteintes d’un cancer. « Des femmes qui ont subi l’ablation d’un sein, qui, en plus, se retrouvent souvent sans cheveux. C’est une double peine que je trouvais insupportable. Pour l’image de soi, c’est encore plus difficile à vivre », observe Stéphanie. Et certaines de ces femmes n’ont pas les moyens d’acheter une prothèse capillaire de qualité. « La prise en charge par la Sécurité sociale est de 125?euros. Pour ce prix, on trouve à peine une perruque en synthétique. Et c’est loin d’être esthétique… » Alors les deux femmes se sont lancées. Ensemble, elles se sont renseignées. D’abord auprès de Solidhair, une association qui propose le même service. « Eux, c’est au niveau national. Mais nous voulions que notre action se fasse au profit des personnes vivant dans notre région, le bassin de la Sambre. Ce que ne garantissait pas une collaboration avec Solidhair. Ils nous ont conseillé de créer notre propre collecte », raconte l’infirmière.

Du coiffeur au perruquier, la route du cheveu…

Les deux femmes ont approché Étincelle de la Sambre, une association locale qui soutient les personnes atteintes du cancer. « Étincelle connaît bien ses membres, notamment leur situation sociale et financière. Ils sont les mieux placés pour désigner celles qui n’ont pas les moyens de se procurer une prothèse capillaire digne de ce nom. » Au départ, Stéphanie et Emmanuelle ont fait fonctionner leurs réseaux. Dans la vraie vie mais aussi sur Internet ; leurs pages Facebook ont diffusé l’information. Cette boule de neige a atterri jusque dans les mains d’un journal local. « Nous avons eu beaucoup d’offres de cheveux. Et les gens ne savaient pas que ce type de don existait ! » Les premières mèches ont ainsi été récoltées. Mais attention, cela ne se fait pas n’importe comment. Pour cette opération délicate, “Le cœur sur la mèche” a contacté des coiffeurs, qui offrent leurs services. « C’est une technique ! On ne ramasse pas les cheveux tombés sur le sol, évidemment. Après avoir tressé ou regroupé les cheveux en queue de cheval, on les coupe, puis on les place dans un sac à congélation ou du papier Sopalin. » Les mèches doivent mesurer au minimum 25 cm. Elles sont ensuite proposées à des perruquiers. D’abord en photo. Longueur, couleur, état des pointes… « Tout a son importance pour eux. Et si la mèche les intéresse, le prix se fera selon ces critères », ajoute Stéphanie. Dans la catégorie des cheveux les plus recherchés : le blond, le roux. Et le gris. Le prix peut aller de 100 à 1 000 euros le kilo. Ce qui représente quand même pas mal de mèches… Les cheveux d’enfants sont également très demandés. Car ils sont souvent très longs, pour les filles. Et très sains : les cheveux n’ont pas encore reçu trop de produits chimiques, ce qui en fait un produit de grande qualité. Le perruquier se charge ensuite de les traiter, de les teindre pour fabriquer de belles prothèses proches des chevelures véritables. À ce jour, une dizaine de mèches ont été récoltées. « Ce qui va bientôt nous permettre, avec l’argent récolté, d’aider une personne de notre région. Nous aimerions pouvoir participer à chaque fois à hauteur de 300 euros. »

Le 11 octobre, elles devaient organiser un après-midi “coupes enfants”. « Et déjà des promesses : trois jeunes sœurs ont décidé de venir. Et ma fille est aussi donneuse ! » Stéphanie se félicite de l’engouement pour leur projet.

Finalement, donner ses cheveux, c’est un geste simple et sans grande conséquence pour soi-même. Et c’est aussi l’occasion d’essayer une nouvelle coupe, tout en pensant à celle qui bénéficiera indirectement de cette mèche !

*Plus d’infos via lecoeursurlameche@gmail.com