La mission “flash” confirme les tensions - L'Infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017

 

EHPAD

Actualité

Isabel Soubelet  

Manque d’encadrement, absence d’infirmier de nuit et sous-effectif des aides-soignantes… L’analyse d’une mission “flash” de l’Assemblée nationale confirme les difficultés exprimées par les professionnels lorsde plusieurs conflits survenus au printemps dans les maisons de retraite.

Monique Iborra, députée (La République en marche, Haute-Garonne), vice-présidente de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale et rapporteuse de la mission parlementaire “flash” initiée le 3 août sur les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad), a rendu ses premières conclusions le 13 septembre. « Cette action menée en un temps très court a porté sur 26 auditions d’acteurs du secteur, ce n’est pas de la comm’ mais un diagnostic qui sera suivi de mesures et de propositions concrètes, précise la députée. Elle aurait eu lieu même sans les derniers événements médiatisés. » Difficile de le confirmer. Rappelons que la mission a tout de même été déclenchée à la suite d’un conflit historique de 117 jours de grève à l’Ehpad les Opalines, située à Foucherans, près de Dole (Jura). La grève avait débuté le 3 avril sans beaucoup d’écho puis les choses se sont emballées. Le conflit, relayé par un article assez glaçant de Florence Aubenas paru en juillet dans Le Monde(1) et intitulé “On ne les met pas au lit, on les jette”, a alerté. Le lendemain, le député François Ruffin (La France insoumise, Somme) interpellait sur le sujet Agnès Buzyn, ministre de la Santé, dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale en parlant de « maltraitance institutionnelle »… Au final, les grévistes ont obtenu en partie gain de cause avec la création de deux nouveaux postes, une prime de fin de grève de 450 euros net et trois semaines de congés payés. Et Foucherans est loin d’être le seul exemple(2). Il est même plutôt le signe d’un malaise qui perdure dans les maisons de retraite. En effet, les sous-effectifs, les conditions de travail dégradées, les cadences infernales, le non-remplacement des personnels malades, le manque de reconnaissance… tout cela entraîne souvent l’impossibilité de faire correctement le travail demandé, à savoir prendre en compte correctement les résidants.

Accidents du travail

Le diagnostic de la mission pointe de nombreux constats. Tout d’abord, la population accueillie est de plus en plus vieille (en moyenne 85?ans), plus dépendante (polypathologies, maladies neurodégénératives) et avec un temps de séjour de deux ans et demi. Ces changements induisent une médicalisation plus grande. L’autre point noir, c’est le sous-effectif en personnel et les conditions de travail difficiles à tous les niveaux. Ainsi, un tiers des établissements serait dépourvu de médecin coordonnateur, dont la présence est pourtant obligatoire par la loi. Quant aux aides-soignantes, leurs conditions de travail sont jugées « particulièrement préoccupantes, tant du point de vue physique que psychologique. Le taux d’absentéisme est en moyenne de 10 % et les accidents du travail en Ehpad seraient aujourd’hui deux fois supérieurs à la moyenne nationale, et supérieurs à ceux dans le secteur du BTP », indique le rapport de la mission. Par ailleurs, il pointe, dans la grande majorité des établissements, l’absence d’infirmiers de nuit. « Nous sommes aujourd’hui dans un état de sous-médicalisation évidente, argumente Monique Iborra. À mon sens, c’est une mesure d’urgence. Il suffirait d’une circulaire pour inclure la présence d’un IDE la nuit en astreinte ou en poste, et bien sûr le budgéter. L’autre mesure à court terme est de travailler sur la formation, le recrutement et la revalorisation des aides-soignants en actualisant leurs compétences et leurs statuts. » Pour Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées, « le problème majeur, c’est le manque d’infirmiers, d’aides-soignants et d’animateurs, en priorité de jour. La journée d’une personne âgée ne peut se réduire à se lever, se laver, manger et se coucher. Nous sommes dans un pays qui fait de la discrimination par l’âge en dévalorisant les personnes âgées et leurs besoins, en institution mais aussi au domicile. Il faut supprimer les décisions qui diminuent les moyens dans les établissements, notamment le décret de décembre 2016(3), garder les contrats aidés et se donner les moyens de développer le nombre de professionnels. Et alors ce secteur créateur d’emplois deviendra attractif ». Dans un deuxième temps – au plus tard au 1er semestre 2018 – la mission souhaite la mise en place de normes minimales d’encadrement. Elle planchera également sur l’Ehpad de demain.

(1) À lire via le lien raccourci lemde.fr/2u7knjC

(2) Grève de 31 jours en mai à l’Ehpad Les Pensées à Argenteuil, Val-d’Oise ; grève le jeudi 13 avril à l’Ehpad Champ Fleuri à Buxy, Saône-et-Loire ; grève le 30 juin à l’Ehpad Les Mimosas (ex-maison médicale) à Romorantin, dans le Loir-et-Cher…

(3) Le décret n° 2016-1814 du 21 décembre 2016 relatif aux principes généraux de la tarification, au forfait global de soins, au forfait global dépendance et aux tarifs journaliers des Ehpad doit en principe apporter une convergence progressive. Mais il est à ce jour fortement critiqué car il accentue les inégalités territoriales (bit.ly/2y7gHTE).