Des médecins “adjoints” en soutien - L'Infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017

 

ORGANISATION DES SOINS

Actualité

Laure Martin  

Confrontés à un problème de désertification médicale, les professionnels de santé d’Eure-et-Loir ont cherché une solution bénéfique pour les patients, les professionnels déjà installés et les étudiants : les médecins peuvent légalement être accompagnés d’internes pas encore thésés.

À Châteaudun, 5 000 habitants n’ont pas de médecin traitant, sans compter les enfants. À Dreux, les chiffres sont identiques. « Nous avons un vrai problème de désertification médicale », pointe du doigt le Dr Véronique Fauchier, présidente du Conseil départemental de l’Ordre des médecins (CDOM) d’Eure-et-Loir. Le CDOM a donc travaillé pendant deux ans avec certains médecins généralistes du département pour trouver une solution.

Des collaborateurs recherchés

Grâce à un arrêté préfectoral du 9 janvier 2017, les internes non thésés ayant validé la totalité de leur deuxième cycle d’études médicales et leurs semestres de spécialité de troisième cycle peuvent désormais bénéficier du statut d’adjoint au médecin.

À la fin de leur internat, les internes disposent de trois ans pour soutenir leur thèse et devenir docteur. « Mais, en raison du manque de remplaçants, ils cumulent souvent les contrats et n’ont pas de temps à consacrer à leur thèse », souligne le Dr Benoist Janvier, médecin généraliste à Dreux, en maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), à l’origine du dispositif. De plus, les médecins titulaires ne cherchent pas uniquement des remplaçants, mais aussi des collaborateurs travaillant en même temps qu’eux et non à leur place, afin de prendre en charge un maximum de patients. Mais, pour être collaborateur, il faut avoir sa thèse.

Travail en binôme

« Avec ce dispositif “d’adjoint”, les internes non thésés peuvent travailler dans un cabinet médical plusieurs jours par semaine et consacrer le reste de leur temps à leur thèse, explique le Dr Janvier. C’est aussi un moyen pour eux de mettre un pied à l’étrier puisqu’ils sont accompagnés par des médecins titulaires. » Pour pouvoir accueillir un “adjoint”, le médecin doit être maître de stage, travailler en groupe et disposer d’un local supplémentaire. Lorsqu’un médecin a trouvé un adjoint, il appartient au CDOM de valider le contrat, qui sera d’un an minimum. « C’est à nous d’accepter les contrats afin d’éviter tout risque d’exploitation », rapporte le Dr Fauchier. L’adjoint travaille avec les ordonnances du médecin titulaire, qui perçoit les honoraires et lui en rétrocède une partie. L’adjoint doit quant à lui payer au médecin titulaire une certaine somme par jour – environ 75 euros dans la MSP du Dr Janvier – correspondant aux frais de fonctionnement (mise à disposition des locaux, du secrétariat, de l’électricité, du chauffage, etc.). Les premiers internes devraient débuter avec ce statut cet automne.

Deux ans de démarches

La création de ce dispositif n’a pas été des plus simples. « En septembre 2015, je suis allé voir notre sénatrice, Chantal Deseyne, et nous avons travaillé à un amendement sur ce dispositif d’adjoint, dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre système de santé », raconte le Dr Janvier. Le rejet de l’amendement au Sénat l’a conduit à s’adresser à son député, Alain Marleix, qui a également soutenu l’idée, mais celle-ci a été rejetée par l’Assemblée nationale. Le député et son confrère Philippe Vigier ont alors fait appel au service juridique de l’Assemblée nationale et obtenu gain de cause. « Ils ont utilisé une autre méthode, explique le Dr Janvier. En France, l’article L. 4131-2 du Code de la santé publique prévoit que le préfet peut prendre un arrêté lorsqu’il y a un afflux de population dans certains territoires comme dans les villes de bord de mer ou dans les stations de ski pour permettre aux médecins d’avoir des adjoints. Ils l’ont donc appliqué à l’Eure-et-Loir. » « Dans notre département, nous sommes face à une situation exceptionnelle, poursuit le Dr Fouchier. Lorsque des médecins partent à la retraite et que nous ne trouvons pas de remplaçants, les autres médecins ne peuvent pas absorber le surplus de population. » Une argumentation qui a convaincu le service juridique et le ministère. Le préfet d’Eure-et-Loir a donc signé un arrêté en janvier 2017. Difficile de chiffrer les besoins pour l’ensemble du département mais, « si nous parvenons à obtenir deux à trois adjoints qui s’installent à Dreux, ce serait déjà bien, estime le Dr Janvier. Et l’idée est de faire en sorte qu’ils restent pour poursuivre leur carrière. » Dans les Hauts-de-France, un dispositif similaire a été mis en place en novembre 2016 : le contrat de médecin remplaçant assistant, qui s’adresse à tous les médecins non installés, thésés ou non.