« Rien que notre place, mais toute notre place » - L'Infirmière Libérale Magazine n° 339 du 01/09/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 339 du 01/09/2017

 

REPRÉSENTATION

Actualité

Sandra Mignot  

Les organisations professionnelles sécessionnistes du Centre national des professions libérales de santé, parmi lesquelles trois syndicats d’infirmiers libéraux, lancent leur propre intersyndicale, la Fédération française des praticiens de santé (FFPS).

La Fédération française des praticiens de santé (FFPS) devait signer son acte de naissance le 6 septembre lors d’une assemblée constitutive. Huit syndicats, d’infirmiers libéraux – la Fédération nationale des infirmiers (FNI), Convergence infirmière (CI) et l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (Onsil) –, de masseurs kinésithérapeutes, d’orthophonistes, d’orthoptistes et de pédicures-podologues, s’associent ainsi, loin des organisations médicales avec lesquelles ils estiment n’avoir pas pu suffisamment faire entendre leurs propres revendications.

Des « praticiens de santé »

La plupart de ces organisations ont en effet quitté le Centre national des professions libérales de santé (CNPS), suivant l’exemple de la FNI, de CI et de l’Onsil en octobre 2016. « Au sein du CNPS, il y avait un clivage, une impossibilité de communication entre professions médicales et professions prescrites », explique Philippe Tisserand, président de la FNI. « Tout au long du précédent quinquennat, nous n’avons jamais été écoutés par le ministère, ajoute Ghislaine Sicre, présidente de CI. Cela n’était pas nouveau. Les médecins étant prescripteurs de nos soins, ils ont pris l’habitude de décider pour nous. »

Pas question pour autant de s‘associer à la Fédération des soins primaires, créée en novembre dernier et au sein de laquelle s’est engagé le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) (lire notre numéro 331 de décembre 2016). Les huit fondateurs de la FNPS la jugent en effet trop proche du modèle des maisons de santé : « Ils se dirigent vers un modèle qui relève du salariat, alors que nous voulons soutenir la pratique libérale », affirme Ghislaine Sicre. Désormais, ces professionnels de santé ont donc décidé de prendre leur destin en main. Premier objectif, comme le prouve la dénomination de leur fédération : se débarrasser du terme “auxiliaire médical” et donc modifier le titre du livre III du Code de la santé publique qui leur est consacré. « Nous sommes des praticiens de santé, avec nos compétences propres, il est temps de sortir de cette conception paternaliste et remplacer cette vision de subalterne par une vision de partenaire du corps médical », souligne Philippe Tisserand, pressenti pour prendre la tête de la nouvelle fédération.

Les Idels désirent acquérir davantage d’autonomie et pouvoir intervenir en premier recours lorsque cela entre dans leur rôle propre. « Pour décider de retirer des points ou intervenir sur de la bobologie, nous n’avons pas besoin d’une prescription, précise Ghislaine Sicre, et nous savons faire appel au médecin lorsque c’est nécessaire. Les urgences sont engorgées par des situations qui ne relèvent pas nécessairement de l’hôpital et dans lesquelles d’ailleurs l’IDE est le premier intervenant. »

Un « changement de paradigme »

Parmi les axes d’action privilégiés, la FFPS entend également favoriser la coopération avec les professions médicales en « abandonnant la notion clivante et désuète de transferts de tâches au profit d’une recherche de zones de compétences partagées ». Elle cherchera à promouvoir la participation des praticiens de santé à la permanence des soins en complément des médecins en autorisant l’accès direct. « Nous sommes au bout de quelque chose qui appelle à un changement de paradigme, avance Philippe Tisserand. Le législateur accorde un accès partiel sur certains soins – récemment des sénateurs ont déposé une proposition de loi pour nous autoriser à signer les certificats de décès parce qu’il n’y a plus assez de médecins pour le faire. Nous voulons la mobilisation de l’ensemble de nos compétences professionnelles, afin d’occuper notre place, rien que notre place, mais toute notre place. »

La FFPS entend également proposer rapidement des solutions opérationnelles concrètes pour améliorer le parcours ville-hôpital-ville. À l’exemple de l’application de coordination que développe actuellement CI. Enfin, l’intersyndicale souhaite soutenir la participation aux actes de télémédecine, télé-expertise ou téléconsultation et mobiliser toutes les compétences et les qualifications des praticiens de santé pour favoriser l’éducation à la santé et renforcer la prévention pour contribuer à « la révolution de la prévention » voulue par le nouveau président Emmanuel Macron. Cette perspective devrait séduire le gouvernement, qui aurait déjà pris contact avec la toute jeune fédération.