Maman désespérée cherche infirmière - L'Infirmière Libérale Magazine n° 339 du 01/09/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 339 du 01/09/2017

 

OFFRE DE SOINS

Actualité

Carole Tymen  

Tristan, 7 ans, a été diagnostiqué d’un diabète de type 1. Mais impossible, selon la famille, de trouver une Idel pour réaliser les piqûres d’insuline. L’appel de sa mère sur les réseaux sociaux a été partagé plus de cinq mille fois.

« Maman désespérée cherche infirmier (ère) pour la rentrée de septembre. Le matin et 17 heures, sur Montbrun-Lauragais, et Corronsac [Haute-Garonne], le midi. » Le message posté sur le réseau social Facebook par Laure Mazillier, le 21 juillet, a été partagé plus de cinq mille fois… sans trouver de solution, à l’heure où nous bouclions.

L’histoire remonte à octobre 2016 : son fils Tristan, âgé de 7 ans et scolarisé en CE2, est alors diagnostiqué d’un diabète de type 1. « En novembre, j’ai appelé les cabinets et des infirmiers dans les alentours (une dizaine). J’ai essuyé des refus, soit parce que j’habite trop loin, soit parce que leur tournée était déjà programmée (ne pouvant donc pas rajouter mon fils) », se désole la mère, qui ne souhaite pas que son enfant se pique seul.

Tournées surchargées

Sur le Net, le débat s’enflamme. Si certains parents d’enfants diabétiques lui apportent soutien, conseils et contacts, d’autres internautes stigmatisent les professionnels de santé qui, selon certains commentaires, « refusent de soigner ». « Sur ma tournée, nous avons quatre enfants diabétiques avec des contraintes horaires, bien évidemment, 10 heures, 11 h 30, 14 h 30 et 16 heures. Mais nous nous sommes engagés et tout se passe bien », assure pourtant Idel’s Gironde sur la page Facebook de L’Infirmière libérale magazine. « Pareil en Charente », répond Christelle.

En creux, plusieurs infirmières invoquent la faible prise en charge de tels actes par l’Assurance maladie et la difficile insertion de ces injections dans des tournées surchargées. « Pour une infirmière, le problème, dans cette prise en charge, c’est qu’il n’y a pas de retard permis dans la tournée, alimente Lililou, infirmière libérale et elle-même mère d’un fils diabétique, sur la page Facebook de Laure Mazillier. Il faut y être à l’heure exacte. Et pour les infirmières, la contrainte horaire, c’est beaucoup de stress, pour (dans ce cas) une rémunération ridicule. »

Céline résume dans un post : « Un déplacement est payé 2,50 euros ! Une injection est payée 7 euros, qu’elle vous prenne dix ou trente minutes (avec le trajet)(1). De plus, nous sommes limités par les CPAM en zone géographique d’installation(2) (…). Il faut savoir aussi que les caisses nous mettent la pression afin de rembourser de moins en moins de soins, en nous expliquant que les patients sont capables de se les faire eux-mêmes, comme justement les contrôles de glycémie et les injections d’insuline grâce à des stylos. »

Rythme imposé par l’école

L’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (Onsil), surprise par cette difficulté à trouver une Idel, va dans le sens des propos des professionnels. Elle pointe le défraiement des déplacements, « mal fichu » : « Les infirmiers ne voient pas leurs déplacements remboursés quand un de leurs collègues, disponible ou non, est installé plus près d’un patient. Si c’est passer du temps dans sa voiture pour au final ne pas être rémunéré… On ne travaille pas pour perdre de l’argent et du temps », explique l’Onsil par la voix de sa présidente, Élisabeth Maylié. L’autre enjeu, selon elle, tient aux horaires : « Nos tournées s’adaptent chaque jour. Dans ce cas de prise en charge, c’est l’école qui impose la prise du repas et de ce fait l’insuline, trente minutes avant. C’est très difficile pour nous, Idels, de le garantir. »

La présidente de l’organisation invite les parents à demander une dérogation au médecin-conseil de la CPAM. Elle imagine aussi un système dans lequel une infirmière scolaire serait déléguée pour de tels actes. « Les heures fixes lui poseraient peut-être moins de problèmes. »

Manque d’informations

Jeune retraité, le grand-père de Tristan, Claude Mazillier, parcourait, depuis l’automne, les dix kilomètres qui le séparent de son petit-fils, chaque matin, pour deux injections. Celui qui a découvert les « complexités du système de soins français » et les problématiques des Idels en même temps que la maladie de son petit-fils ne « jette pas la pierre à la profession infirmière », confie-t-il à notre magazine. Il regrette avant tout le manque d’explications reçues, au moment des refus : « C’est dommage qu’on ne nous ait pas dit pas pourquoi c’était “non”. Comment comprendre en ce cas ? En plus de découvrir la maladie, de devoir s’y adapter, les proches sont dépourvus d’informations. Tout arrive en même temps. C’est ça qui pousse au désespoir et à la colère. »

À sa demande, Tristan recevra une pompe à insuline en octobre. Pour s’occuper de lui jusqu’à cette période, Laure Mazillier devrait prendre un congé de présence parentale.

(1) Une injection sous-cutanée est cotée AMI 1, soit 3,15 euros.

(2) Notons toutefois que les communes de Montbrun-Lauragais et Corronsac – où est scolarisé Tristan – se trouvent en zone intermédiaire en termes de dotation en Idels, donc sans limitation d’installation. Selon le site CartoSanté (données de 2013),ce canton au sud-est de Toulouse compte 32 infirmiers, dont 28 actifs, pour quelque 2 500 bénéficiaires de soins infirmiers.