Enquêtrice à domicile - L'Infirmière Libérale Magazine n° 337 du 01/06/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 337 du 01/06/2017

 

La vie des autres

Ici

Laëtitia Di Stefano  

Les ennemis jurés de Béatrice Caullet : moisissures, plomb, monoxyde de carbone ou encore acariens. Son métier : conseillère médicale en environnement intérieur. Sa mission : rechercher, au domicile d’un malade, les polluants domestiques et conseiller sur la conduite à tenir.

Quand elle décide de devenir préparatrice en pharmacie, Béatrice Caullet n’imagine pas qu’une quinzaine d’années plus tard, elle prendra un virage à 180. Une réorientation professionnelle bien réfléchie, choisie comme une vocation tardive vers le métier encore très peu connu de conseillère médicale en environnement intérieur (CMEI). « J’ai grandi en Eure-et-Loir, dans un environnement plus nature qu’urbain, et j’y vis toujours », explique celle qui travaille aujourd’hui dans le XIIIe arrondissement de la capitale. Une succession de concours de circonstances l’a amenée à œuvrer pour la Ville de Paris, au sein de la Direction des affaires sanitaires et sociales. « J’avais un poste dans une pharmacie et trois enfants plutôt en bas âge quand j’ai repris mes études. Je me rendais une semaine par mois à l’université de Strasbourg, et ce, pendant un semestre », raconte Béatrice. Elle obtient avec brio son diplôme Santé respiratoire et habitat (lire l’encadré en haut de la page ci-contre) en 2007. Mais CMEI, ça consiste en quoi ? « Je suis missionnée par un médecin pour rechercher, au domicile d’un patient, des polluants qui pourraient être liés à sa pathologie. Mon objectif essentiel : l’éviction des allergènes. » Ce métier, dont les balbutiements remontent aux années 1990, Béatrice l’a découvert en faisant des recherches sur le lien entre santé et environnement pour des raisons personnelles. Et ce qu’elle a appris au fil de sa prospection l’a poussée à en faire sa profession. « J’ai constaté que l’impact de la pollution microbiologique sur les cancers, l’asthme et d’autres pathologies était réel. Aujourd’hui, beaucoup de monde en a conscience, ce qui n’était pas le cas dix ans en arrière. »

Un poste en or

Petit hic : peu de postes à l’époque et aucun en Eure-et-Loir. Mais Béatrice est confiante. Si elle ne trouve pas, elle aura tout de même acquis de solides connaissances. Le hasard, - et la détermination - faisant bien les choses, son examinateur d’oral n’est autre que le directeur du Service parisien santé environnementale (SPSE). « Il m’a demandé si je souhaitais travailler avec lui. » Et un poste de CMEI créé plus tard, Béatrice se retrouve à Paris, au SPSE, entre les laboratoires de microbiologie et de chimie. « Travailler au sein d’un labo est un atout majeur pour moi, je suis appuyée par la technique. » Le métier, sous cette forme, existe uniquement à Paris. On trouve aussi des CMEI au sein d’hôpitaux ou d’associations de patients. Depuis 2008, Béatrice occupe donc un poste à plein temps. Un ingénieur et quatre CMEI à temps partiel l’ont rejointe avec la création de la cellule santé habitat, en septembre 2016. « Le plan parisien santé environnement développe mon activité, c’est une chance. Et la Ville de Paris prend en charge le coût de nos interventions, qui sont donc gratuites pour les patients. » À l’heure actuelle, l’Assurance maladie ne s’est pas positionnée sur le sujet…

Chasse aux allergènes

Pour se rendre au domicile d’un patient, Béatrice reçoit une ordonnance. « N’importe quel médecin peut la rédiger. Il indique son diagnostic, ce qu’il suspecte dans l’environnement intérieur… En tant que personnel paramédical, j’ai besoin d’un minimum d’informations pour effectuer mon travail, il m’arrive donc d’appeler les médecins pour leur demander des précisions. » Vient ensuite la phase essentielle de pré-enquête téléphonique. « Si je pose les bonnes questions, je sais déjà plus ou moins où je vais, et la visite au domicile est d’autant facilitée. » En règle générale, Béatrice ne voit qu’une seule fois les personnes. Elle reste une heure trente à deux heures chez le patient, le temps de faire le tour du propriétaire, au regard des suspicions du médecin et des conclusions après l’entretien téléphonique. « Nous faisons des prélèvements, mais surtout nous informons. Notre valeur ajoutée : le conseil adapté à la situation du patient. » Les bêtes noires des CMEI sont principalement les acariens, la poussière, les moisissures, les chats (pour leur salive) et les pollutions chimiques. Atteintes de pathologies respiratoires en majorité, les personnes sont dans des situations sociales diverses. « Un appartement très bien tenu peut compter des moisissures. Un grand nombre de bougies parfumées peut être à l’origine de symptômes. » Matelas ancien, tapis, manque d’aération, fuites, hygiène… Béatrice est à l’affût du moindre détail. La CMEI réalise enfin son bilan qu’elle envoie au médecin prescripteur qui prend les dispositions en fonction. « Nous appelons les patients après six mois pour savoir s’ils ont suivi nos conseils, et noté une amélioration. » Pour voir son métier se développer, Béatrice souhaiterait une reconnaissance par l’Assurance maladie, ce qui est déjà le cas aux États-Unis…

Se former, et après ?

La première formation au métier de CMEI a été créée en 2001 à l’initiative du Pr Frédéric de Blay, pneumo-allergologue, sous forme de diplôme universitaire. Depuis 2005, lui a succédé un diplôme inter universitaire de Santé respiratoire et habitat à Brest (Finistère), Montpellier (Hérault), Paris, Toulouse (Haute-Garonne) et Strasbourg (Bas-Rhin), ainsi qu’une licence professionnelle des métiers de la santé et de l’environnement (universités de Strasbourg). Le métier se développe peu à peu mais demeure marginal. Des postes existent au niveau des communes, des hôpitaux et de certaines associations. La prestation d’un CMEI n’étant pas prise en charge par la Sécurité sociale, la pratique en libéral s’avère difficile. Sur les 168 CMEI diplômés en 2016, seuls 76 sont en poste.

Elle dit de vous !

« Par le prisme de mon métier, je me dis que les Idels travaillent au domicile du patient, qu’elles peuvent donc se rendre compte de ce qui s’y passe, au niveau de l’hygiène par exemple. Connaissant l’environnement intérieur, elles pourraient éventuellement relayer l’information au médecin, même si ce n’est pas toujours évident de joindre les praticiens hospitaliers. Mais cela ne fait pas partie de leurs prérogatives je pense, et puis, chacun a son rôle, et elles viennent pour faire des soins avant tout. Je les croise rarement et, quand c’est le cas, assez rapidement. Elles semblent avoir un emploi du temps très chargé. Je le constate aussi à titre personnel. Les infirmières à domicile ont beaucoup de patients, mais cela ne les empêche pas de prendre le temps nécessaire si besoin. Elles ont beaucoup d’empathie, nécessaire à ce métier…