Le biofilm, pas un mythe et plus que du marketing - L'Infirmière Libérale Magazine n° 334 du 01/03/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 334 du 01/03/2017

 

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Caroline Bouhala  

PLAIES ET CICATRISATION > Très fréquent dans les plaies notamment chroniques, le biofilm n’est, aujourd’hui, pas facilement détectable.

Organisation bactérienne assez complexe, entourée d’une matrice protectrice et qui serait responsable de nombreux maux*, le biofilm est aujourd’hui mis en question dans les retards de cicatrisations de plaie. Ce phénomène reste certes à clarifier. Mais il semble, d’ores et déjà, bien plus qu’un mythe, et plus que la conséquence d’un effet de mode et/ou un concept marketing destiné à vendre des produits anti-biofilm. Comme l’a noté le Dr Sylvie Meaume, dermatologue et gériatre à l’hôpital Rothschild (AP-HP), lors des Journées cicatrisation le 15 janvier à Paris, « même si c’est un concept fréquemment repris par les laboratoires pour de nombreux produits et peut-être un outil marketing, il y a quand même plus que des prémices d’une approche scientifique, quelque chose qui se développe de façon plus ou plus complète ».

La fréquence du biofilm varie beaucoup selon les études, de 23 à 100 %. « Ils sont fréquents, et très probablement davantage dans les plaies chroniques que dans les plaies aiguës », simplifie le Dr Meaume. À l’heure actuelle, il n’existe pas de test simple permettant de détecter l’existence de biofilm sur une plaie. Sa présence doit surtout être évoquée face à une plaie qui tarde à cicatriser en dépit d’une prise en charge locale adaptée, en cas d’infections récurrentes de la plaie alors que celle-ci semble “propre” ou quand il est possible d’identifier un enduit blanchâtre et adhérent.

L’aide des algorithmes

« On aimerait un pansement intelligent connecté qui nous prévienne, sur notre smartphone, que tel patient a du biofilm sur sa plaie et qu’il faut peut-être intervenir, mais je pense que ce n’est pas tout à fait pour demain », déplore le Dr Meaume. En revanche, un pansement en cours de développement permettrait de détecter la présence de biofilm en changeant de couleur mais il ne sera pas disponible avant au moins trois ans. En attendant, des algorithmes peuvent être utilisés afin d’orienter le diagnostic. « Les algorithmes se développent dans la littérature avec un certain nombre de questions, une sorte de check-list à laquelle on répond, qui nous permet de dire qu’il y a des arguments pour dire qu’il y a du biofilm en l’absence de tests plus simples », explique le Dr Meaume.

Il n’existe pas assez d’études pour modifier radicalement les stratégies thérapeutiques actuellement déployées. En outre, ces dernières semblent plutôt bien adaptées avec l’association du lavage à une détersion mécanique (bistouri, compresses de type Debrisoft). Le recours à un antiseptique peut être envisagé mais pas n’importe lequel. « Les antiseptiques classiques ne sont pas vraiment actifs », indique le Dr Meaume, qui recommande l’utilisation d’antiseptiques à large spectre comme le Protonsan qui semblerait, d’après des études in vitro, perturber le biofilm. Mais ce dernier n’est pas remboursé. « Surtout, lorsque l’on suspecte l’existence d’un biofilm, il s’agit d’adapter notre rythme de changement de pansement. On repasse à un changement quotidien », insiste-t-elle.

Le traitement par pression négative, l’électrostimulation et les ultrasons pourraient également être utiles, mais ils nécessitent plus de recherches. « Il faut continuer à développer la recherche, explique la dermatologue. Disposer d’un test nous aiderait certainement. Et on a besoin de traitements qui vont empêcher la reformation du biofilm car il se reforme extrêmement rapidement. »

* Comme le fait d’entretenir la réaction inflammatoire délétère pour la cicatrisation, d’inactiver les antiseptiques et les antibiotiques locaux, d’entraîner des récurrences infectieuses par relargage de bactéries.