Assurer la compression sur les ulcères de jambe - L'Infirmière Libérale Magazine n° 332 du 01/01/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 332 du 01/01/2017

 

Cahier de formation

Savoir faire

Vous vous rendez chez Mr C., 68 ans, pour la prise en charge d’un ulcère de jambe situé au-dessus de la malléole. Mr C. a des antécédents de thrombose veineuse et vous remarquez une coloration brunâtre de la peau évoquant une dermite ocre et un œdème de la jambe porteuse de l’ulcère. Signes d’insuffisance veineuse qui plaident en faveur d’un ulcère veineux. Il vous dit qu’il a déjà eu un traitement avec une bande de compression et qu’il ne l’a pas supporté.

Vous lui rappelez que l’ulcère est une conséquence de son insuffisance veineuse et qu’il n’est pas possible de la traiter correctement si la cause veineuse n’est pas contrôlée par une compression. Vous lui dites qu’en l’absence de bilan artériel, vous ne lui proposez qu’une bande non élastique que vous avez avec vous. Qu’il ne s’agit que d’un traitement d’attaque dont vous évaluerez rapidement l’effet sur l’œdème et la difficulté à le supporter. Vous le rassurez : vous allez essayer d’en savoir un peu plus sur son état artériel en demandant un bilan à son médecin traitant, indispensable pour connaître la compression la mieux adaptée à sa situation.

COMPRESSION MÉDICALE

Insuffisance veineuse

Elle est caractérisée par un dysfonctionnement du retour veineux dans les membres inférieurs qui engendre stase et hyperpression veineuse. Une hyperpression veineuse prolongée provoque une inflammation chronique à l’origine d’une mauvaise nutrition des tissus (troubles trophiques) qui entraîne la survenue et le retard de cicatrisation de l’ulcère veineux.

Compression veineuse

Elle consiste en l’application de bandages au niveau des membres inférieurs pour exercer une pression sur la jambe qui renforce l’efficacité de la pompe musculaire du mollet et favorise la remontée du sang veineux vers le cœur. Pierre angulaire du traitement de l’insuffisance veineuse et des œdèmes, la compression est aussi le traitement étiologique indispensable des ulcères veineux ou à prédominance veineuse. En améliorant l’hyperpression veineuse et la stase sanguine à l’origine de l’ulcère, elle permet sa cicatrisation.

Pression dégressive

La force de la pression dépend de la tension exercée sur le tissu, du nombre de couches et du rayon de courbure (circonférence) de la jambe (loi de Laplace). Un autre facteur intervient, la pression hydrostatique qui est plus élevée à la cheville qu’à la cuisse en position debout ou assise. Ce qui explique que la bande ne doit pas exercer une pression constante sur la hauteur de la jambe au risque d’entraver le retour veineux, voire de provoquer un véritable garrot. Les bas et bandes exercent donc une pression dégressive. La pression est plus importante au niveau de la cheville et diminue progressivement en remontant sur la jambe.

Objectifs

Les objectifs de la compression veineuse sont d’améliorer le retour veineux, l’oxygénation et la nutrition des tissus pour :

→ soulager ou prévenir les symptômes de jambes lourdes aux stades précoces de l’insuffisance veineuse ;

→ éviter ou diminuer un œdème de jambe ;

→ aider à la cicatrisation d’un ulcère ;

→ traiter et/ou prévenir une phlébite.

Indications

Les compressions sont indiquées dans l’insuffisance veineuse à partir du stade clinique C2 de la classification CEAP (lire partie Savoir p. 34), c’est-à-dire dès la présence de varices de plus de 3 mm d’épaisseur. Parmi les situations cliniques indiquées par la HAS* : l’œdème chronique, l’ulcère ouvert ou cicatrisé.

Contre-indications relatives*

Une réévaluation régulière du rapport bénéfice/risque s’impose en cas de :

→ artériopathie oblitérante des membres inférieurs (Aomi) avec IPS entre 0,6 et 0,9 (risque d’aggraver l’Aomi) ;

→ neuropathie périphérique évoluée ;

→ dermatose suintante ou eczématisée (érysipèle, lymphangite…) ;

→ intolérance aux fibres utilisées.

Contre-indications absolues*

→ Aomi avec IPS inférieur à 0,6.

→ Microangiopathie diabétique évoluée (pour une compression supérieure à 30 mmHg).

→ Phlegmatia cœrulea dolens, ou phlébite bleue, phlébite compliquée de spasmes artériels avec œdème douloureux, cyanosé, peau froide et état général profondément altéré.

→ Thrombose septique.

Contention et compression

Le terme “contention” est de plus en plus remplacé par l’expression “compression non élastique”. La compression est exercée par des bandes pas ou peu élastiques qui n’exercent que très peu de pression au repos, mais une forte pression associée à la contraction musculaire lors de la marche. Alors que la compression élastique est obtenue avec des dispositifs élastiques : bandes, bas (chaussettes s’arrêtant sous le genou), bas-cuisses (s’arrêtant à la racine de la cuisse) ou collants. La pression est exercée aussi bien à l’effort qu’au repos. Il est généralement conseillé de les retirer pendant la nuit.

MISE EN ŒUVRE

La compression est posée sur une jambe reposée, avant le lever du patient, ou après une période de repos en position allongée, voire avec la jambe surélevée, d’au moins trente minutes.

Évaluer la situation vasculaire

Comme pour la détersion de la plaie, l’infirmière doit se poser la question d’une participation artérielle à l’ulcère de jambe. Ici encore, c’est l’IPS qui guide le mieux la stratégie thérapeutique. « Ce n’est pas tant l’étiologie veineuse ou artérielle qui indique le type de compression adaptée, mais plus sûrement la valeur de l’IPS », souligne Françoise Carlier, Idel, référente auprès du Réseau plaies et cicatrisation du Languedoc-Roussillon (Cicat-LR), rappelant que « l’IPS est le critère retenu dans les recommandations de la HAS pour distinguer les situations contre-indiquées ou celles qui nécessitent des précautions ».

En l’absence d’IPS

En l’absence d’IPS ou de diagnostic précis des origines veineuses et/ou artérielles de l’ulcère, l’infirmière peut évaluer l’aspect de la plaie et la situation de santé du patient qui peuvent l’informer sur une éventuelle participation artérielle (voir “Adapter les soins de plaies”). Avant de demander les examens nécessaires à une prise en charge adaptée et efficace.

Choix du dispositif

Les bandes avant les bas

La compression peut généralement être réalisée avec des bandes élastiques ou non et différents types de bas. En présence d’un ulcère, « la pose des bas est très difficile, voire impossible, en fonction du pansement et de l’état de la plaie, fait remarquer Françoise Carlier. Les bas seront plus facilement utilisés lorsque la plaie aura évolué vers l’épidermisation et que l’œdème sera contrôlé. » Jusqu’alors, les bandes de compression permettent de prendre en compte l’évolution de l’œdème pour adapter la pression exercée.

Le choix de la bande

L’allongement maximal

Il correspond au pourcentage d’étirement de la bande par rapport à sa taille au repos :

→ allongement long : allongement maximal supérieur à 100 % ;

→ allongement court ou moyen : allongement maximal entre 10 et 100 % ;

→ inélastiques : allongement maximal inférieur à 10 % (bandes 100 % coton).

La force de compression

Les bandes sont classées par force croissante allant de 1 à 4. Exemples :

→ une bande Biflex 16 (Thuasne) permet d’obtenir une force 1 avec un recouvrement à la moitié de la bande à chaque tour de spire et une force 2 avec un recouvrement aux deux tiers de la bande ;

→ une bande Biflex 17 (Thuasne) permet d’obtenir une force 3 avec un recouvrement à la moitié de la bande et une force 4 avec un recouvrement aux deux tiers de la bande. « C’est un problème lorsque le médecin ne précise pas Biflex 17 sur la prescription. En l’absence de précision, le pharmacien délivre systématiquement une Biflex 16. Alors qu’une force 3 est nécessaire pour traiter un ulcère de jambe », constate Frédérique Siesse, Idel, référente auprès du Réseau Cicat-LR.

Les kits de bandes multitypes

Ils sont indiqués dans traitement de l’ulcère d’origine veineuse ou à prédominance veineuse avec un IPS supérieur à 0,8.

Les modèles

→ Profore (Smith & Nephew) : kit de deux bandes compressives 3.

→ Urgo K2 (Urgo) : une bande à allongement court + une bande cohésive à allongement long.

→ Coban 2 (3M) : une bande de confort semi-cohésive à allongement court + une bande de compression cohésive à allongement court.

Les avantages

Les kits de bandes multicouches sont plus simples à utiliser et sont bien supportés par les patients. Ils peuvent être maintenus jusqu’à sept jours si la plaie n’est pas trop exsudative, sinon c’est la réfection du pansement qui rythme l’ouverture des bandes. Autre avantage, les patients ont moins tendance à les “retoucher” que les bandes seules.

* HAS, “La compression médicale dans les affections veineuses chroniques”, décembre 2010, à lire via bit.ly/2hoCUl2.

Trouver des conseils

« Les bandes doivent être posées par un personnel entraîné », stipule la HAS dans ses recommandations. Or la pose de bande de compression qui n’est pas un geste compliqué n’est pas toujours bien maîtrisée par les infirmières par manque de formation. Certaines formations “Plaies et cicatrisation” ont un enseignement de la pose de compression. Les infirmières peuvent aussi prendre conseil auprès d’un kinésithérapeute formé à ce geste, ou se rendre au congrès “Journées cicatrisations” où un atelier compression est toujours présent. Certaines vidéos sur Internet proposent aussi des approches didactiques (lire Savoir plus page de droite).

Je cote à la nomenclature

→ Pansement lourd et complexe : AMI 4

Ces AMI 4 se cumulent à taux plein uniquement chez les patients diabétiques insulinotraités.

→ DSI possible car soins d’hygiène sur tout ulcère de jambe (lavage de jambe + hydratation) :

DSI avec AIS 3 + AMI 4.

→ Par ailleurs, la MCI se cote avec ces pansements lourds et complexes.