Le traitement métabolique, une piste contre le cancer ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016

 

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Marie Fuks  

INTERVIEW > Alors que l’approche génétique domine la recherche sur le cancer depuis plusieurs décennies, le Dr Laurent Schwartz explique, dans son dernier livre, comment et pourquoi, associé aux thérapeutiques actuelles, le traitement métabolique pourrait révolutionner la prise en charge.

L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE : Qu’est-ce qui vous a conduit à vous pencher sur l’origine métabolique du cancer ?

LAURENT SCHWARTZ : C’est l’idée que le cancer est une maladie simple (une maladie de la combustion du glucose) et non une maladie complexe. Le métabolisme (la façon dont la cellule brûle ou non le sucre) est central dans le développement des cellules cancéreuses. Cette perturbation du métabolisme est toujours présente quels que soient la cause du cancer et l’organe à l’origine du cancer. Cette hypothèse avait déjà été avancée dans les années 1920 par Otto Warburg, prix Nobel allemand de biochimie, qui, s’appuyant sur les travaux de Pasteur sur la levure de bière, avait compris que les cellules cancéreuses se divisent et prolifèrent lorsqu’elles n’arrivent pas à brûler les dérivés du sucre même en présence d’oxygène. Ce processus est aujourd’hui à la base des Pet-Scan, puisqu’on injecte du sucre radioactif pour visualiser l’activité du cancer et les métastases. Nous avons donc cherché à montrer que si l’on corrigeait cette anomalie en permettant à la cellule de rebrûler le sucre, la division s’arrête et la tumeur ne se développe plus.

L’ILM : Ce n’est donc pas une hypothèse isolée scientifiquement ?

L.S. : Des milliers de publications vont dans ce sens et c’est la raison pour laquelle nous avons conduit ces recherches sur près de 20 000 souris afin de tester des médicaments qui permettent de réactiver la mitochondrie (partie de la cellule qui fournit l’énergie) et de redonner ainsi aux cellules cancéreuses la capacité de brûler le sucre. Dès lors, elles ne se divisent plus et la tumeur n’évolue plus. Nous avons ralenti la croissance de tous les types de cancer chez la souris avec des médicaments extrêmement simples, bon marché et peu toxiques, non plus en cherchant à tuer les cellules cancéreuses comme le font les traitements conventionnels et les thérapies ciblées, mais en rendant la cellule cancéreuse inopérante.

L’ILM : Qu’en est-il chez l’homme ?

L.S. : Toutes les personnes qui ont essayé ce traitement m’en ont fait la demande spontanément parce qu’elles avaient entendu parler de mes recherches et se trouvaient dans une impasse thérapeutique, voire en phase terminale. Nous avons observé des résultats particulièrement spectaculaires chez les malades atteints de cancer du cerveau. Certains sont encore en vie aujourd’hui plusieurs années après le début du traitement. Les cancers du poumon semblent également particulièrement sensibles à cette thérapie que j’associe toujours au traitement classique car il majore l’effet de la thérapie métabolique. L’un sans l’autre ne suffit pas. Il y a synergie entre les thérapies ciblées et les traitements qui ciblent le métabolisme tumoral.

L’ILM : Qu’attendez-vous de ce livre ?

L.S. : Nous avons aujourd’hui la conviction que ce qui fonctionne au stade terminal de la maladie pourrait révolutionner le pronostic du cancer si on utilisait la thérapie métabolique plus en amont de la prise en charge. Mais, pour cela, il faut conduire rapidement des essais thérapeutiques dans un cadre institutionnel et reproductible. Avec ce livre, j’espère ouvrir l’horizon de la recherche institutionnelle vers une synergie entre la médecine conventionnelle et le traitement métabolique du cancer. Il est temps que des essais thérapeutiques se mettent en place pour confirmer ou infirmer cette approche qui semble aujourd’hui extrêmement prometteuse.

EN SAVOIR +

→ COMMENTAIRE

Le Dr Laurent Schwartz, cancérologue et radiothérapeute, est praticien hospitalier à l’AP-HP. Il est également chercheur et travaille depuis une vingtaine d’années en lien avec une équipe de mathématiciens, de physiciens et de biologistes à l’École polytechnique (Paris). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le cancer. Ce dernier opus livre les fruits de ses recherches et les espoirs qu’il fonde sur le traitement métabolique du cancer. Il défend l’hypothèse et explique que cette maladie n’est pas si complexe qu’on le croit et pourrait être mieux combattue en associant aux traitements actuels des traitements métaboliques à la fois simples, peu coûteux et sans effets secondaires majeurs.

Thierry Souccar éditions, parution le 8 septembre 2016, 128 pages. 10 euros.