Zika vu des États-Unis, par l’infirmière Mary Stein | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 327 du 01/07/2016

 

SANTÉ PUBLIQUE

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Caroline Coq-Chodorge  

INTERVIEW > La New-Yorkaise Mary Stein est nurse practitioner, infirmière de pratique avancée, et partage avec un médecin un cabinet libéral à Manhattan. Spécialisée en gynécologie et en médecine du voyage, elle exerce de manière indépendante. Son témoignage sur le virus Zika.

L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE : Les États-Unis sont très mobilisés face au virus Zika. Vos patientes sont-elles inquiètes ?

MARIE STEIN : D’ordinaire, à cette période de l’année, je prescris des vaccins contre la fièvre jaune, des médicaments contre le paludisme, etc. Cette année, je parle aussi beaucoup de Zika. Dans notre cabinet, nous avons déjà eu deux cas, heureusement avec des symptômes bénins, chez des femmes de plus de 65 ans. À New York et dans le reste des États-Unis, il y a eu près d’un millier de cas, mais toutes ces personnes ont été infectées à l’étranger, souvent au Brésil. Ce n’est que le début, car, en août, les Jeux olympiques se tiennent au Brésil. Les autorités craignent aussi que le virus circule localement au sud des États-Unis, peut-être jusqu’à New York. La situation est réellement inquiétante. J’incite les femmes, surtout celles qui prévoient d’avoir un enfant, à renoncer à leur voyage en Amérique du Sud. Si elles doivent s’y rendre, elles doivent reporter leur projet de grossesse. Si leur compagnon s’y rend, le couple devra utiliser des préservatifs pendant quelques semaines.

L’ILM :Vous partagez votre cabinet avec une médecin généraliste. Quelles sont vos relations ?

M. S. : Elles sont merveilleuses. Ensemble, nous partageons un cabinet spécialisé dans les soins primaires pour les femmes. En plus de la médecine du voyage, mon autre spécialité est la gynécologie médicale : la contraception, les infections urinaires, les infections à Chlamydiae, l’herpès, les papillomavirus. Nous avons chacune notre patientèle, mais nous la partageons parfois, en fonction de nos spécialités. Ma collègue est très compétente sur l’ostéoporose ou le suivi du cancer du sein. À New York, qui est un État progressiste, les nurses practitioners travaillent sans supervision médicale. Nous suivons les traces de l’infirmière Loretta Ford, une adorable petite femme, avec une énergie folle. Dans les années 1960, elle a dit aux médecins : « Je peux faire beaucoup plus avec un peu plus de formation. » Un médecin lui a fait confiance.

L’ILM : Comment êtes-vous devenue nurse practitioner ?

M. S. : J’ai obtenu mon diplôme d’infirmière en 2008, après deux années d’études. J’ai travaillé deux ans à l’hôpital, puis j’ai étudié quatre années supplémentaires à l’université. J’ai obtenu en 1995 mon diplôme de nurse practitioner, avec une spécialité dans la santé de l’adulte. J’ai d’abord travaillé à l’hôpital auprès de patients tuberculeux : je réalisais des examens cliniques, je posais des diagnostics, je prescrivais des médicaments. Mais je restais sous la supervision d’un médecin. En 2000, je me suis installée en cabinet privé et j’ai gagné mon indépendance. Je gère mon temps comme je l’entends, personne ne me dit : « Vous avez douze minutes à consacrer à chaque patient. » Je fais mes choix, et j’en assume la responsabilité, ce qui peut être parfois un peu effrayant.

L’ILM :Votre travail est très proche de celui d’un médecin. Êtes-vous toujours une infirmière ?

M. S. : « S’il vous plaît, appelez- moi Mary » : voici la première phrase que je dis à mes patients. Ma relation est différente, plus proche, plus dans l’écoute. Aux États-Unis, les médecins spécialistes sont très puissants, et le système de santé très curatif. Bientôt, un Américain sur trois sera diabétique. Et qu’est ce qu’on fait aux États-Unis contre le surpoids ? On prescrit des médicaments. Les infirmières sont du côté de la prévention. Moi, je suis honnête avec mes patientes. Je peux l’être parce qu’elles savent que je me soucie réellement d’elles. Je leur dis qu’un taux élevé de sucre dans le sang est un signal d’alarme, qu’elles mangent mal, qu’elles boivent trop et qu’elles ne bougent pas assez. Je leur demande d’essayer de modifier leurs habitudes de vie pendant trois mois. Et pendant ces trois mois, je serai à leurs côtés.