Les indemnités de déplacement - L'Infirmière Libérale Magazine n° 327 du 01/07/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 327 du 01/07/2016

 

Cahier de formation

Savoir faire

En zone de montagne, vous devez réaliser un pansement lourd et complexe chez un patient qui se trouve à 12 km de votre cabinet. Vous vous interrogez sur la cotation à réaliser au regard de la NGAP.

12 km à l’aller, 12 km au retour : il vous faut parcourir 24 km au total. Étant en zone de montagne, vous devez soustraire un kilomètre à l’aller et un au retour, soit 22 km réels ; avec un tarif au kilomètre de 0,5 euro, cela représente une indemnité horokilométrique de 11 euros. S’y ajoute l’indemnité forfaitaire de déplacement, systématique, de 2,50 euros. Les frais de déplacement sont donc de 13,5 euros. S’ajoute 1 AMI 4 pour le pansement lourd et complexe, donc 12,6 euros, et une MCI à 5 euros. Soit un total de 31,10 euros.

APPLICATION DE L’ARTICLE 13 DE LA NGAP

La règle de base

Lorsqu’un acte inscrit à la NGAP doit être effectué au domicile du malade, les frais de déplacement du professionnel de santé sont remboursés, en plus de la valeur de l’acte. Les Idels bénéficient de deux indemnités de déplacement, l’une forfaitaire (IFD), l’autre horokilométrique (IK). à l’IFD s’ajoute en effet, selon les cas, une IK, calculée en fonction de la distance parcourue et de la perte de temps subie par le professionnel.

Indemnité forfaitaire de déplacement (IFD)

Elle se facture en plus des actes lorsque la résidence du patient et le domicile professionnel de l’infirmière sont situés dans la même agglomération OU lorsque la distance qui les sépare est inférieure à 2 km en plaine ou à 1 km en montagne.

Indemnité horokilométrique (IK)

Lorsque la résidence du malade et le cabinet du professionnel de santé ne sont pas situés dans la même agglomération ET lorsque la distance qui les sépare est supérieure à 2 km en plaine ou 1 km en montagne, les frais de déplacement sont remboursés sur la base d’une IK dont la valeur unitaire est déterminée dans les mêmes conditions que celles des lettres-clés prévues à l’article 2 des conditions générales. Les conditions de calcul et de paiement de l’IK sont les suivants :

→ calcul pour chaque déplacement,

→ à partir du domicile professionnel,

→ retrait systématique à l’aller comme au retour, de 2 km en plaine et de 1 km en montagne (les zones sont définies par la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne),

→ calcul à partir du domicile du professionnel conventionné le plus proche géographiquement du domicile du patient, y compris si le professionnel sollicité n’est pas en mesure d’assurer les soins.

INTERPRÉTATIONS DIVERGENTES SUR L’IK

La notion d’agglomération

Dans un contexte de réforme territoriale (avec des regroupements ou “fusions” de communes), la notion d’agglomération est depuis plusieurs mois remise en cause par certaines caisses d’Assurance maladie qui considèrent que la notion “hors agglomération” s’entend “après rupture de continuité entre deux communes”. Cette définition est celle donnée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui considère “l’unité urbaine” comme une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants. Si l’unité urbaine se situe sur une seule commune, elle est dénommée ville isolée. Si l’unité urbaine s’étend sur plusieurs communes, et si chacune de ces communes concentre plus de la moitié de sa population dans la zone de bâti continu, elle est dénommée agglomération multicommunale.

Prenons l’exemple de la région parisienne : il est possible de rouler plusieurs dizaines de kilomètres en passant indistinctement d’une commune à une autre. De ce fait, cela pose la question de savoir si le bassin parisien pourrait être considéré comme une seule et même agglomération, ce qui reviendrait à n’appliquer, quelle que soit la distance parcourue, que des IFD, et jamais d’IK. L’application des règles concernant les IK ne semble, pour autant, pas problématique en Île-de-France.

À la délimitation de l’agglomération par la description de l’Insee, d’autres opposent le Code de la route, qui définit l’agglomération entre le panneau d’entrée et celui de sortie d’une même commune.

Le mode de calcul

Certaines caisses remettent aussi en cause le mode de calcul des IK. Généralement, l’indemnité due au professionnel de santé est calculée pour chaque déplacement à partir de son domicile professionnel et en fonction de la distance parcourue – sous déduction de 2 km sur le trajet tant aller que retour, réduit à 1 km en montagne et en haute montagne.

Ce mode de calcul a pour objectif d’indemniser les kilomètres parcourus mais aussi le temps passé sur la route. Certaines CPAM demandent désormais aux infirmières de ne tenir compte que des kilomètres parcourus. C’est-à-dire qu’au lieu de compter le déplacement du cabinet au patient, pour chaque patient, des CPAM demandent de compter le déplacement du cabinet au premier patient, puis de patient à patient. Par exemple, s’il y a quatre patients dans le même village et qu’ils sont voisins, l’infirmière devra calculer les kilomètres qui les séparent et non ceux qui les séparent du cabinet infirmier. Ce qui peut s’avérer assez problématique pour les infirmières exerçant en montagne où les conditions météorologiques et de circulation peuvent rendre les trajets très longs.

Une réponse équivoquedu gouvernement

Le 26 avril à l’Assemblée nationale, la députée socialiste de Savoie, Bernadette Laclais, a demandé des précisions au gouvernement concernant le calcul des IK des Idels en montagne.

Ségolène Neuville, secrétaire d’État, n’a pas vraiment répondu à la question. Elle a « confirmé » que « les règles de prise en charge des frais de déplacement pour les infirmières n’ont pas été modifiées et ne le seront pas, et que les IK ne seront nullement supprimées ». Elle a cependant reconnu que l’application des règles a pu faire « l’objet d’interprétations divergentes de la part de certains professionnels, par exemple pour une tournée prolongée comportant plusieurs étapes correspondant à plusieurs visites effectuées chez différents patients – ils partent de l’agglomération dans laquelle est situé leur domicile professionnel pour se rendre dans une autre agglomération à plus de tant de kilomètres, où ils effectuent des visites successives chez plusieurs patients ». Une lettre de Marisol Touraine à la députée, en juin, n’a pas dissipé le trouble, au contraire, auprès du Collectif des Idels de montagne, semblant proscrire le calcul des IK « en étoile » (cabinet-patient-cabinet-patient, etc.).

La secrétaire d’État, en avril, a aussi fait savoir que la ministre avait demandé aux CPAM d’organiser des échanges avec les professionnels concernés pour éviter toute incompréhension ou malentendu sur le sujet. De son côté, l’Assurance maladie, au niveau national, indique d’ailleurs qu’elle met en place un groupe de travail interne sur le sujet ; celui-ci « reviendra dans un second temps vers les syndicats pour les associer à la réflexion ».

Le dossier ne semble pas clos…

À SAVOIR

→ Pour les frais de déplacement pour plusieurs patients d’un Ehpad, ou en cas de visite unique à plusieurs malades, se rapporter aux dispositions générales p.37.

→ L’IFD est systématique, l’IK se facture en sus. C’est ce qui explique le retrait des 2 km en plaine et du 1 km en montagne à l’aller comme au retour pour le calcul de l’IK, afin de compenser la facturation de l’IFD.

→ La notion de calcul à partir du domicile du professionnel conventionné le plus proche géographiquement ne s’applique pas pour la prise en charge de patients intégrés dans le Programme d’accompagnement de retour à domicile (Prado), depuis la décision de l’Uncam du 10 septembre 2015 parue au Journal officiel le 27 novembre dernier.

→ Selon une décision de justice présentée dans notre numéro 317 de septembre 2015, p.59, le déplacement pour des soins particulièrement lourds pourrait se calculer à partir de son propre cabinet, et non de celui de l’Idel la plus proche, si cette dernière a opposé un refus de prise en charge, et que l’Idel qui a effectivement assuré les soins disposait de la formation nécessaire (en chimiothérapie et dialyse en l’occurrence). Attention, même si le tribunal a finalement estimé que « la Caisse ne justifiait pas de l’obligation de former une demande d’entente préalable dans ces cas-là », notons que la Caisse indiquait bien qu’une demande devait lui être faite avant toute éventuelle dérogation exceptionnelle de ce type…

Questions d’Idels

La mention “à domicile” n’a pas été écrite sur l’ordonnance médicale et pourtant les soins sont réalisés au domicile du patient : puis-je coter mon déplacement ?

Oui, lorsque le déplacement n’est pas prescrit, il faut utiliser la case DD (pour déplacement à domicile) de la feuille de soins. Il faudra dans ce cas en avertir l’assuré dès le début des soins que ces frais seront à sa charge, et ensuite remboursés ou non par son éventuelle mutuelle.

Au sein de mon agglomération, un patient est à plus de 15 km de mon cabinet, et me demande de réaliser ses soins : ai-je le droit d’appliquer une indemnité horokilométrique ?

Non, lorsque la résidence du malade et le cabinet de l’infirmière sont situés dans la même agglomération, ou lorsque la distance qui les sépare est inférieure à 2 km en plaine ou à 1 km en montagne, l’indemnité forfaire de déplacement est fixée par une lettre clé IFD = 2,50 euros.

Hors agglomération, dois-je calculer le nombre de kilomètres parcourus entre mon cabinet et le domicile du patient ?

Oui, lorsque la résidence du malade et le domicile professionnel de l’infirmière ne sont pas situés dans la même agglomération, et lorsque la distance qui les sépare est supérieure à 2 km en plaine ou 1 km en montagne, les frais de déplacement sont remboursés sur la base d’une indemnité horokilométrique.