L’ostéoporose - L'Infirmière Libérale Magazine n° 324 du 01/04/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 324 du 01/04/2016

 

Rhumatologie

Cahier de formation

Savoir plus

Nathalie Belin  

L’ostéoporose engendre une fragilité excessive du squelette et une augmentation du risque de fractures. La prise en charge inclut, outre le traitement médicamenteux, des règles hygiéno-diététiques et la prévention des chutes.

Généralités

→ En France, l’ostéoporose concerne environ trois millions de femmes ménopausées et 15 % des hommes de plus de 50 ans.

→ Une fracture ostéoporotique (dite “fracture de fragilité”) survient à la suite d’un traumatisme léger ou en l’absence de tout traumatisme. Tous les os peuvent être le siège d’une fracture ostéoporotique à l’exception du crâne, de la face, du rachis cervical, des mains et des orteils. Les fractures les plus fréquentes touchent le poignet, les vertèbres et la hanche. Certaines sont considérées comme sévères car associées à une augmentation de la mortalité : fractures de l’extrémité supérieure du fémur, de vertèbre, du bassin, du fémur distal, du tibia proximal, de l’extrémité supérieure de l’humérus ou de trois côtes simultanées.

→ Avant la survenue d’une fracture, la maladie ne donne lieu à aucun symptôme.

→ Les fractures sont à l’origine de douleurs et de déformations ayant pour conséquence un retentissement sur la qualité de vie des patients (douleurs chroniques du rachis, cyphose…) et souvent l’entrée en dépendance. Les fractures de l’extrémité supérieure du fémur en particulier sont à l’origine d’un excès de mortalité.

Étiologie

→ Les ostéoporoses primitives, les plus fréquentes, sont liées à l’âge. Les femmes sont plus touchées que les hommes en raison de la ménopause qui engendre une carence en œstrogènes. Le risque de survenue d’une ostéoporose est d’autant plus important qu’il est associé à d’autres facteurs de risque : antécédents personnels ou familiaux de fractures, indice de masse corporelle (IMC) inférieure à 19 kg/m2, ménopause précoce (avant 40 ans), tabagisme, immobilisation prolongée, alcoolisme, alimentation pauvre en calcium, carence en vitamine?D par manque d’exposition solaire.

→ Les ostéoporoses secondaires surviennent à la suite de certaines pathologies (rhumatisme inflammatoire, hyperthyroïdie…) ou traitement (corticothérapie : équivalent prednisone supérieure à 7,5 mg par jour pendant trois mois ; inhibiteurs de l’aromatase ; agonistes de la GnRH, l’hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires ; antiépileptiques…).

Diagnostic

→ En l’absence de fracture, l’identification des sujets à risque repose sur une évaluation de la densité minérale osseuse (DMO) et la recherche des facteurs de risque fracturaire pour corriger ceux qui sont modifiables. Au stade de fracture, l’ostéoporose est évoquée en cas de survenue après un traumatisme de faible énergie (une chute de sa hauteur).

→ Mesure de la DMO : l’ostéodensitométrie permet d’estimer la diminution de la résistance osseuse. Le résultat est exprimé en T-score, écart entre la densité osseuse mesurée et la densité osseuse théorique de l’adulte jeune de même sexe, au même site osseux. L’ostéoporose est définie par l’OMS par une DMO inférieure d’au moins 2,5?déviations standard à la moyenne des adultes jeunes.

→ L’évaluation globale du risque fracturaire recense les facteurs de risque de fracture ou de chute : âge, antécédents familiaux ou personnels de risque de fracture (fracture de fragilité ou fractures survenues à l’âge adulte, ménopause précoce, carence vitaminocalcique, corticothérapie prolongée, tabagisme, alcool, IMC…) ; baisse de l’acuité visuelle, de l’audition, troubles neuromusculaires ou orthopédiques favorisant les chutes.

Prise en charge

Mesures hygiéno-diététiques

Elles constituent un pré-requis indispensable à l’instauration d’un traitement anti-ostéoporotique (lire conseils). La normalisation des apports vitaminocalciques est une condition indispensable à l’efficacité des traitements : le taux sérique de vitamine D doit être compris entre 30 et 70 ng/ml (75 à 175 nmol/l) ; les apports en calcium recommandés chez la femme ménopausée de plus de 50 ans ainsi que chez les hommes de plus de 65 ans sont de 1 200 mg par jour. Il est recommandé de privilégier les apports calciques alimentaires (mieux tolérés). S’ils sont jugés insuffisants, une supplémentation est prescrite.

Traitement médicamenteux

→ Il est indiqué en cas de fracture ostéoporotique sévère ou, en l’absence de fracture, devant un risque fracturaire élevé (évalué sur la mesure de la DMO, les facteurs de risque de fractures…).

→ Les biphosphonates (alendronate, Fosamax… ; risédronate, Actonel… ; acide zolédronique, Aclasta en perfusion intraveineuse) sont indiqués en 1re intention dans l’ostéoporose post-ménopausique (ils sont aussi indiqués dans l’ostéoporose masculine). Le dénosumab (Prolia, en sous-cutanée tous les six mois) est utilisé en 2e intention, en relais des bisphosphonates ou en cas d’intolérance. Le raloxifène (Evista, Optruma) est indiqué chez les patientes ménopausées de moins de 70 ans dans la prévention des fractures vertébrales. Le tériparatide (Forsteo) est une option possible chez les femmes présentant déjà au moins deux fractures vertébrales. Le traitement hormonal de la ménopause est indiqué chez les patientes ménopausées depuis peu et présentant des troubles climatériques, voire en cas d’intolérance ou d’échec des autres traitements.

→ La durée initiale recommandée pour une 1re séquence thérapeutique est généralement de trois ans pour les traitements injectables (sauf le tériparatide, dix-huit mois), de quatre à cinq ans pour les traitements oraux. Une bonne adhésion au traitement est essentielle.

Conseils

Concernant les traitements

→ Bisphosphonates : une prise à jeun le matin avec de l’eau du robinet (ou eau de source peu minéralisée) au moins trente minutes avant toute prise alimentaire ou médicamenteuse est impérative (interaction avec l’alimentation et de nombreux médicaments). Ne pas s’allonger les trente minutes suivantes (risque de lésions œsophagiennes). Un bilan dentaire est à effectuer avant la mise en route du traitement puis une fois par an et une bonne hygiène buccodentaire est impérative pour limiter le risque d’ostéonécrose de la mâchoire (ONM, rare).

→ Raloxifène : toute douleur, lourdeur, gonflement de la jambe au repos doivent faire suspecter une thrombose veineuse profonde. Un arrêt du traitement est nécessaire en cas d’immobilisation prolongée.

→ Dénosumab : mêmes précautions que les bisphosphonates concernant le risque d’ONM. Des signes évoquant une hypocalcémie doivent être rapidement signalés au médecin (raideur musculaire, paresthésies, spasmes, crampes).

Mesures hygiéno-diététiques

L’alimentation doit être suffisamment énergétique pour lutter contre l’amaigrissement et riche en protéines et calcium (produits laitiers apportant en outre des protéines, bénéfiques pour l’os et limitant la fonte musculaire ; certaines eaux minérales : Hépar, Courmayer, Contrex…). Un sevrage tabagique et une consommation d’alcool maîtrisée (maximum deux verres de vin par jour) sont recommandés. Une activité physique régulière freine la perte osseuse, renforce les muscles et l’équilibre. L’exposition à la lumière doit être suffisante (quinze minutes par jour visage et avant-bras).

Prévention des chutes

Aménagement du domicile (suppression des tapis, amélioration de l’éclairage, barres d’appui…), réévaluation des traitements éventuels (hypnotiques, hypotenseurs…), correction de l’acuité visuelle, prise en charge des troubles orthopédiques (chaussage adéquat…).

Prévention

Les patients à risque (ménopause avant 40?ans, faible poids, antécédent de fracture de la hanche chez le père ou la mère, corticothérapie au long cours, polyarthrite rhumatoïde…) doivent avoir un suivi médical régulier. Une perte de taille rapide ou importante (par exemple 4?cm ou plus par rapport à sa taille à 20 ans) fait suspecter une fracture vertébrale, parfois indolore.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.