Les Idels de Polynésie française toujours en crise - L'Infirmière Libérale Magazine n° 316 du 01/07/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 316 du 01/07/2015

 

MOBILISATION

Actualité

Françoise Vlaemÿnck  

CONTESTATION > Les Idels de Polynésie française sont toujours victimes de retards chroniques dans le paiement de leurs honoraires. Si des solutions d’urgence ont été trouvées, elles ne règlent pas les problèmes de fond.

Alors que le climat social reste très tendu dans tout l’archipel, sous l’effet notamment d’une crise économique qui ne cesse de s’étendre et de la paupérisation qui se développe - un quart de la population vivrait aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté -, le secteur de la santé est de nouveau en ébullition. Début juin se profilait même un appel à la grève générale chez les soignants. Confrontées à des difficultés récurrentes pour obtenir le paiement de leurs honoraires par les caisses d’Assurance maladie, les Idels de la Polynésie française, environ 180 titulaires et une cinquantaine de remplaçantes, n’ont pas attendu le lancement de ce mot d’ordre pour manifester leur colère.

Cabinets fragilisés

En mai dernier, à l’appel du Syndicat des infirmiers libéraux de Polynésie française (Silpf), elles ont refusé de prendre en charge de nouveaux patients à domicile ainsi que leurs anciens malades sortant d’hospitalisation - comme elles l’avaient fait entre décembre 2013 et janvier 2014, en partie pour la même raison déjà. « Les retards dans les paiements est chronique mais, cette fois-ci, ils concernaient également la caisse qui régit les artisans et indépendants, [NDLR : le pendant du RSI en métropole], c’est-à-dire la quasi-totalité de notre patientèle ! De surcroît, les agents des caisses maladie s’étant eux-mêmes mis en grève une quinzaine de jours en mars, le retard dans le traitement des dossiers était énorme, environ quatre mois. Une situation qui a pour conséquence de fragiliser nos cabinets et de pousser plusieurs d’entre eux au bord du dépôt de bilan », explique Jérôme Fernandez, Idel à Tahiti et président du Silpf. Ce d’autant qu’entrée en vigueur en avril, l’obligation pour les Idels de posséder un cabinet avait déjà plombé leur chiffre d’affaires.

Solutions d’urgence

Devant l’engorgement de patients restés hospitalisés, hôpitaux et cliniques ont dû procéder à la déprogrammation de nombreuses interventions - d’autant que les radiologues se sont également mis en grève. Dans l’urgence, les pouvoirs publics ont trouvé quelques solutions pour les Idels. « Nous avons perçu en une fois une subvention annuelle normalement mensualisée et les caisses ont mobilisé du personnel pour que nos feuilles de soins soient traitées en priorité. Bien que cela ait donné un peu d’air, ça ne règle pas grand-chose sur le fond car les caisses sont en perpétuel déficit et, lorsque leur trésorerie est exsangue, les honoraires des libéraux servent de variable d’ajustement », explique Jérôme Fernandez. Selon le syndicat, seule la reforme du système de santé qui vient de débuter pourrait permettre de sortir de l’impasse. « À condition que tout soit mis sur la table et que les coefficients soient révisés. Nous, nous préconisons le même pour tous les libéraux. Outre une réelle justice entre les professionnels, cette disposition permettrait également de générer de substantielles économies pour le budget de la santé, sans doute plusieurs dizaines de millions d’euros. Nous réclamons aussi la révision de la nomenclature générale des actes professionnels qui n’a pas bougé depuis 2003 », détaille Jérôme Fernandez. S’agissant de la grève générale de la santé qui plane toujours sur la Polynésie française, le Silpf dit ne va pas vouloir s’y associer. « Cet appel est un jeu hypocrite entre les syndicats puissants qui veulent étendre leur influence en établissant un rapport de force avec le gouvernement. »