La fronde des Idels s’intensifie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 316 du 01/07/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 316 du 01/07/2015

 

MOBILISATION

Actualité

Claire Pourprix  

NOMENCLATURE > Le calcul des AIS 3 est au cœur de la colère de nombreux Idels, soumis à des indus qu’ils estiment illégitimes. Infin’Idels, AIS-Informidel et Convergence infirmière se mobilisent.

Les 29 et 30 mai dernier, à Lyon (Rhône), se tenait la première réunion physique des membres d’Infin’Idels. Ce mouvement est né en mars de la volonté d’une poignée d’ex-membres de l’Association infirmière solidaire (AIS), elle-même issue du mouvement Informidel, de collecter des fonds pour aider des Idels à saisir le Conseil d’État. La Cour de cassation venait de rendre un arrêt : un AIS 3 dure une demi-heure, dans la limite de quatre séances par jour et par patient, et les AIS sont limités à 34 par jour, soit 17 heures de travail(1). Depuis, la mobilisation bat son plein : le Conseil d’État a été saisi courant mai et le collectif se présentant comme apolitique et asyndical réunit quelque 1 300 membres sur Facebook.

Des procès « par centaines »

« Nous souhaitons que le Conseil d’État se positionne sur la durée d’un AIS 3, explique Michelle Drouin, Idel dans l’Aude et présidente du collectif Infin’Idels. Depuis quatre ans, les caisses font une chasse aux sorcières et les procès pour des indus se comptent par centaines. » Si la cotation des AIS 3 a mis le feu aux poudres, ce n’est pas le seul souci des professionnels. « La nomenclature est obsolète et crée des fraudeurs car elle est trop compliquée, souligne Michelle Drouin. La réglementation des remplacements est trop contraignante et le zonage est un frein à notre activité. » Une quarantaine de professionnels a assisté à la réunion lyonnaise. Infin’Idels se structure avec des représentants départementaux et remettra aux préfets un dossier complet sur la situation. Une réunion est prévue à Marseille (Bouches-du-Rhône) en septembre.

Des indus de 23 000 à 180 000 euros

Marseille est d’ailleurs au cœur de la mobilisation. Le 26 mai dernier, par exemple, AIS-Informidel et le syndicat Convergence infirmière ont organisé une manifestation commune devant le siège de la Caisse primaire centrale d’Assurance maladie (CPCAM). « Une quarantaine d’infirmiers ont bloqué l’entrée principale du siège, relate André Dahan, président de l’association AIS-Informidel (plus de 2 000 likes sur Facebook). Nous souhaitions rencontrer la directrice de la gestion des risques pour avoir une réponse claire sur les quotas que la Caisse semble vouloir imposer. Nous dénonçons les erreurs judiciaires et les décisions arbitraires qui sont prises car les accords de la convention infirmière ne sont pas respectés par les tribunaux. » Un courrier a été remis à cette directrice par l’intermédiaire de Frédéric Menasseyre, sous-directeur du contrôle du contentieux de la CPCAM 13(2). Ce dernier indique à notre magazine : « Notre contrôle consiste à rapprocher sur une période l’amplitude de travail journalière et le nombre d’AIS facturés à la Caisse primaire. Nous avons constaté des journées allant jusqu’à plus de 104 heures ! » Les indus réclamés aux infirmiers sont conséquents, allant de 23 000 euros à plus de 180 000 euros. « Pour l’Assurance maladie, il ne s’agit pas uniquement d’un problème de rémunération. Nous devons nous assurer que l’infirmier consacre suffisamment de temps au patient dans un souci de qualité de prise en charge. »

“Mardis sombres”

AIS-Informidel a trouvé un appui auprès du syndicat Convergence infirmière, qui soutient les associations sur ce terrain et lutte contre ce qu’il considère être une subordination des infirmiers à l’Assurance maladie. Le 14 avril dernier, lors du vote de la loi de santé à l’Assemblée nationale, le syndicat a lancé les “mardis sombres”, un mouvement de protestation qui prévoit une action tous les mardis à 14 heures. Le 18 mai, le syndicat a adressé un courrier au directeur général de l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie, dans lequel il fait état de ses revendications. Depuis, de nouvelles actions ont été programmées dans le sud de la France jusqu’au 14 juillet pour interpeller les responsables en mairie, CPAM, tribunal des affaires de Sécurité sociale… « Nous appelons tous les infirmiers libéraux à faire part de leurs procédures engagées pour les soutenir au niveau national », explique Christophe Chabot, secrétaire général de Convergence infirmière.

La mobilisation est en effet vive dans le sud : le 16 juin, plusieurs dizaines d’Idels (près de 250, selon Christophe Chabot) ont ainsi manifesté dans l’agglomération de Toulon (Var) contre la loi de santé, à l’appel également d’un collectif d’associations d’Idels(3).

« Avec les discussions menées au sein de notre groupe sur Facebook, nous nous sommes rendu compte que de nombreux infirmiers souffrent de burn-out, conclut de son côté Michelle Drouin. Ils sont isolés, dans une grande détresse. Grâce à notre mobilisation collective, ils osent parler de leurs problèmes d’indus car ils ne se sentent pas seuls ni jugés. » D’ores et déjà, la mobilisation des professionnels a permis de lever des tabous.

1) Lire dans notre dernier numéro, p. 54.

2) Dans un courrier ultérieur à l’association AIS, la caisse répond notamment qu’elle n’a fait qu’appliquer la réglementation sur les AIS 3, et se défend de vouloir imposer un quota journalier.

3) Voir notamment Ouest-Var Net (lien raccourci : bit.ly/1e7BNCQ).