Différencier les acquisitions techniques de l’ETP - L'Infirmière Libérale Magazine n° 316 du 01/07/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 316 du 01/07/2015

 

Cahier de formation

Savoir faire

Par sa chronicité et sa gravité potentielle, le diabète constitue pour l’infirmière libérale un enjeu majeur en termes de formation à l’autonomie, d’observance des traitements et d’acquisition des bons réflexes en matière d’autosurveillance et d’hygiène de vie.

Depuis six mois, Mme R., 78 ans, est sous insulinothérapie associée à un comprimé de metformine le midi. Malgré une prise en charge éducative initiale à l’introduction de l’insuline, les résultats de son HbA1c ne sont pas satisfaisants et vous constatez régulièrement une HPG préoccupante le soir, compte tenu du protocole thérapeutique en place.

Après discussion, vous apprenez que Mme R. ne prend plus son comprimé de metformine.

Vous lui proposez de lui expliquer l’utilité des différents médicaments et leur complémentarité, les raisons pour lesquelles le médecin a jugé nécessaire de les prescrire ensemble, l’objectif qu’il poursuit en lui prescrivant ce traitement et les moyens dont elle dispose pour apprécier l’équilibre de son diabète et ajuster son traitement.

ALLER AU-DELÀ DU GESTE TECHNIQUE

Le diabète nécessite de nombreux apprentissages techniques qu’il convient de différencier de l’ETP. « Expliquer comment mesurer sa glycémie ou comment pratiquer une injection d’insuline, ce n’est pas de l’ETP, indique Marine Chabanon, Idel dans le Loiret. Ces apprentissages techniques n’ont vraiment de sens que s’ils sont réalisés dans une dimension qui prend en compte la situation personnelle du patient : à quoi me sert cette mesure, comment expliquer l’élévation ou la baisse de ma glycémie ?… Amener le patient à se poser ces questions et y répondre, c’est ça l’ETP, et c’est ce qui doit sous-tendre tout apprentissage technique pour conduire les patients vers l’autonomie. » Même si elle répond à des besoins identifiés avec et par le patient, une attitude seulement prescriptive ne suffit donc pas et une ETP centrée sur l’acquisition de savoirs et de savoir-faire qui s’appuie sur l’injonction plutôt que la motivation, non plus, reconnaissent les diabétologues. « Il faut écouter le patient, tenir compte de ses émotions, ses croyances et ses représentations pour trouver les moyens d’établir avec lui un véritable partenariat susceptible d’entretenir sa motivation et la mise en place de processus adaptatifs pérennes », souligne le Dr Helen Mosnier-Pudar, diabétologue à l’hôpital Cochin, AP-HP*. Autrement dit, transmettre des connaissances ne suffit pas, car le patient ne peut apprendre que s’il comprend ce qu’il peut faire de ce nouveau savoir, ce qui nécessite un apprentissage actif.

PRIVILÉGIER LA PÉDAGOGIE ACTIVE

L’ETP amène le patient à définir lui-même et à formuler ce qu’il pense nécessaire de mettre en œuvre pour bien (ou mieux) gérer son diabète. L’infirmière libérale doit donc susciter sa réflexion par des questions ouvertes :

« Qu’allez-vous faire demain que vous ne faisiez pas hier ?

Je vais aller marcher.

Seul ou en groupe ? À quelle fréquence et combien de temps ? Quelle précaution allez-vous prendre ? Quels bénéfices allez-vous en tirer pour votre diabète ? Qu’est-ce qui pourrait contrarier ce programme que vous vous fixez ? », etc.

À chaque réponse du patient, l’Idel peut apporter un commentaire dans le but de consolider les acquis : « Marcher en groupe trois fois par semaine est une très bonne idée. Le vélo d’intérieur, oui, en remplacement de la marche quand il fait trop froid ou trop pluvieux, car il est important que l’activité physique soit régulière et continue… » De même, pour tout ce qui relève du soin, elle veillera, autant que faire se peut, à mettre le patient en situation en lui faisant réaliser, sous son contrôle bienveillant, les gestes de soin (autosurveillance glycémique, injections d’insuline) qui lui permettront de s’approprier sa prise en charge et d’en devenir l’acteur principal.

FACE AUX DIFFICULTÉS SOCIALES

De la théorie à la pratique, les infirmières libérales se heurtent parfois à des obstacles, surtout lorsqu’elles travaillent sur des territoires socialement défavorisés, lorsque la barrière de la langue ou de l’âge compliquent l’ETP ou que les patients semblent hermétiques à tout conseil. Parler de repas équilibrés et réguliers et de diversification alimentaire, lorsque les habitudes et les contraintes économiques confinent aux pâtes et aux pommes de terre, relève parfois de la gageure. Pour autant, des initiatives voient le jour, à l’instar de celle mise en place à Montpellier (Hérault) (lire ci-contre) qui font évoluer les comportements et progresser l’acquisition des bons réflexes, y compris chez les patients en grandes difficultés.

* “L’éducation thérapeutique est-elle une réponse au problème d’observance ?” Helen Mosnier-Pudar, Médecine des maladies métaboliques, janvier 2012, volume 6, n °1.

Point de vue

Une expérience d’ETP qui surmonte tous les obstacles

Michelle Fassier, Idel à Montpellier (Hérault), coordonnatrice des ateliers collectifs d’ETP auprès de personnes DT2 à bas niveau d’études ou ne parlant pas français

« Mis en place en 2012, les ateliers collectifs d’ETP reposent sur un bilan d’éducation partagé initial que j’assure. Je participe aussi aux dix ateliers collectifs co-animés par des intervenants spécialisés : diététicienne, travailleur social, médecin généraliste ayant la double culture française et marocaine (qui parle du diabète en période de ramadan), podologue, pharmacienne et biologiste (qui explique l’HbA1c et l’utilisation du matériel de soin et d’autosurveillance glycémique), endocrinologue du CHRU et psychologue ayant aussi une double culture, coach sportif. Un patient expert de l’AFD?34 (Association des diabétiques de l’Hérault) co-anime aussi deux ateliers. Avant chaque atelier, j’appelle chacun des patients et m’assure de la présence d’un tiers aidant ou d’un traducteur. Les résultats (forte participation à l’activité physique adaptée, modification de l’alimentation, HG maîtrisées et moins craintes…) sont variables et plus ou moins rapides selon les patients. Mais ils se sentent moins isolés et apprécient d’avoir des réponses pratiques et concrètes aux questions qui les préoccupent et dont ils ne peuvent pas s’ouvrir en consultation. En moyenne, chaque atelier réunit huit patients ; leur assiduité montre que ce dispositif répond vraiment à leurs attentes. »