Alimentation : donner des repères - L'Infirmière Libérale Magazine n° 316 du 01/07/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 316 du 01/07/2015

 

Cahier de formation

Savoir faire

Vous intervenez chez M. S., 59 ans, diabétique depuis dix ans, pour l’instauration et l’apprentissage des injections d’analogues du GLP1 (glucagon-like peptide 1) prescrites matin et soir en complément d’une bithérapie par antidiabétique oral associant biguanide et sulfamide. M. S. vous rapporte que le médecin lui a prescrit l’exénatide (Byetta) en raison de son surpoids et vous explique, désabusé, qu’il ne parvient pas à se mettre au régime malgré les encouragements soutenus, voire culpabilisants, de son entourage.

Vous lui expliquez qu’il n’est pas seul à éprouver des difficultés à mieux gérer son alimentation et lui proposez, en impliquant son épouse, de remettre à plat ses habitudes alimentaires et de mettre en place un plan d’action hygiéno-diététique acceptable car raisonnable et sans interdits insurmontables.

MANGER DOIT RESTER UN PLAISIR

La prise en charge diététique du DT2 n’est pas synonyme de privation et nécessite de mettre en place un projet qui doit préserver le plaisir de manger. Autrement dit, elle n’est pas différente de celle du reste de la famille et son équilibre tient à l’association de produits variés, en bonnes quantités et bien répartis dans la journée. « Chaque repas doit apporter une portion individualisée de crudités ou de soupe l’hiver, un plat de résistance composé à part égale de légumes, de féculents et de protéines (viandes), un morceau de pain, une portion de fromage équivalente à une part de camembert individuelle ou un laitage demi-écrémé agrémenté d’une cuillère à café de sucre, confiture, Candérel vanille, noisettes concassées ou morceaux de fruits en fonction des goûts », explique Marine Chabanon. Autant dire qu’il y a moyen de se faire plaisir sans se priver même si cela demande au début de peser les aliments pour estimer la ration et de se pencher sur les équivalences glucidiques, notamment pain/féculents et fruits/desserts sucrés.

À noter : il existe des tables nutritionnelles répertoriant le contenu nutritionnel de chaque aliment*.

PRINCIPES DE BASE

Bien qu’il n’existe aucun interdit, il peut néanmoins être utile de donner quelques repères aux patients quant à l’intérêt et à la manière de consommer, d’associer, de privilégier ou de limiter certains aliments en respectant les apports nutritionnels conseillés en protides (15 %), lipides (35 %), glucides (50 %).

Les aliments glucidiques

Ils doivent être répartis sur les trois repas, à raison de 20 % des apports totaux au petit déjeuner, et 40 % à chacun des deux principaux repas.

→ Féculents et pain : ils comblent la faim tout en permettant de réguler les glycémies. À consommer en utilisant les équivalences glucidiques. Le pain blanc est plus hyperglycémiant que la plupart des féculents. Préférer le pain complet ou aux céréales, en particulier au petit-déjeuner.

→ Légumes verts : systématiquement associés aux féculents, ils rassasient, sont riches en vitamines et en fibres qui ralentissent l’élévation de la glycémie. À consommer sans restriction s’ils sont bien tolérés.

→ Fruits : aucun interdit concernant les fruits frais à raison de deux à trois par jour, toujours au cours du repas. En revanche, les fruits secs sont beaucoup plus sucrés. Limiter leur consommation à trois ou quatre pruneaux, dates ou abricots secs en remplacement du fruit du repas. Couper une pomme moyenne dans un contenant qui servira de mesure de référence pour déterminer la quantité de fruit que le patient peut consommer quel que soit le fruit.

→ Le sucre : le sucre a un index glycémique moyen, qui ne justifie plus son interdiction. En consommer avec parcimonie au cours du repas et en respectant les équivalences. Il peut être remplacé par des édulcorants en privilégiant les édulcorants acaloriques (saccharine, aspartame, cyclamate, acésulfame…) dont les pouvoirs hyperglycémiants et caloriques sont nuls, contrairement aux polyols (sorbitol, xylitol, mannitol, maltitol, lactitol, isomalt) et au fructose, dont le pouvoir hyperglycémiant est inférieur à celui du sucre mais pas nul et dont la valeur calorique est identique à celle des glucides. Si la mention “sans sucres ajoutés” signifie que le produit ne contient que le glucide présent dans les aliments, en revanche, “light” ou “allégé” signifie que le produit en question contient au minimum 30 % de sucre ou de graisse en moins qu’un produit similaire de référence.

À noter : le mode de cuisson et le mode de préparation peuvent modifier l’indice glycémique de certains aliments. Par exemple, des pâtes al dente auront un indice glycémique inférieur à des pates très cuites ; une pomme de terre cuite entière est moins hyperglycémiante qu’une purée. Les glucides complexes riches en fibres (lentilles, légumineuses en général, riz complet) améliorent les glycémies post-prandiales.

Une vigilance particulière

Ces messages et repères pourront être délivrés à l’occasion du commentaire du journal alimentaire que l’infirmière libérale peut demander au patient de réaliser sur quelques jours afin d’avoir une vision précise de ce qu’il mange (y compris boissons) quantitativement et qualitativement et des éventuelles “dérives” à corriger.

Les graisses

→ Privilégier les acides gras insaturés (poissons gras, huile d’olive, de colza, de noix). Attention : les poissons gras sont très caloriques et ils doivent être associés à un repas pauvre en graisse.

→ Limiter les acides gras saturés comme le beurre, la crème fraîche, le saindoux, l’huile de palme, la graisse de coco, la végétaline, et les aliments “pièges” riches en acides gras saturés : charcuterie, plats préparés industriels, produits industriels transformés, mayonnaise, frites, chips, fromage, viennoiseries, panures, desserts lactés.

Les boissons

→ L’eau est la seule boisson indispensable.

→ L’alcool est calorique. Il potentialise l’effet de l’insuline et favorise les HG. Attention à l’apéritif à jeun car il peut également contenir des glucides.

→ Les sodas sont très riches en sucre et très caloriques. Même si les boissons light font discussion, mieux vaut les conseiller.

Les laitages

→ Lait demi-écrémé avec modération au petit-déjeuner et/ou goûter. Pas d’adjonction systématique dans le café.

→ Yaourts ordinaire ou 0 %.

→ Fromage blanc à 0, 10, 20 %.

Les viandes, poissons, œuf, jambon, fromages

Ces aliments ne contiennent pas de glucides. Sensibiliser le patient au fait que ces aliments protidiques peuvent être gras et doivent être consommés avec discernement, notamment en présence d’un surpoids. Les fromages les moins gras sont les fromages à pâte molle. La portion de fromage quotidienne doit être prise de préférence le midi.

Enfin, l’infirmière libérale peut également encourager les patients à se remettre aux fourneaux car le “fait maison” permet de mieux maîtriser la qualité et la quantité des aliments consommés.

* Table de composition nutritionnelle des aliments Ciqual (Centre informatique sur la qualité des aliments), sur le site

« Un menu équilibré peut être source de plaisir »

Ève-Marie Cabaret

Infirmière libérale à Ligny-le-Ribault (Loiret), membre du réseau Diabolo et de notre comité scientifique

« La notion d’alimentation équilibrée est très souvent abstraite pour les patients. Ça veut dire quoi, “manger équilibré” ? Pour leur expliquer la composition d’un menu équilibré, je leur dessine ce schéma. Ce menu donne une idée de ce dont le corps a besoin pour fonctionner correctement. Les quantités précises sont à évaluer avec une diététicienne. L’eau est la boisson principale et un élément majeur. Le menu compte une portion de crudités, par exemple de concombres, de tomates, d’une salade, d’un chou-fleur, d’une soupe l’hiver éventuellement même si elle n’est pas constituée de légumes crus. L’apport de fibres prépare l’estomac au repas. Puis vient le plat principal. Le fait de peser (au moins dans un premier temps) ses composants met souvent en évidence un rapport disproportionné entre les féculents et les légumes, ces derniers étant souvent utilisés comme simple décoration. J’invite donc le patient à rééquilibrer légumes, féculents et protéines, en termes de poids, et non de volume (la salade est volumineuse mais légère)… C’est aussi le moment de faire le point sur la classification légumes/ féculents, qui n’est pas la même chez un diététicien et un maraîcher ! Il est bon de rajouter un laitage peu gras, le yaourt basique faisant très bien l’affaire. Pour finir, un fruitest judicieux. Il n’y a aucun interdit, c’est en termes de volume qu’on en parlera encore. Le poing de la personne représente le volume d’une pomme moyenne, conforme aux recommandations. Le patient peut transformer ce volume en d’autres fruits en fonction des saisons et de ses préférences : deux ou trois abricots, une pêche, une tasse de fraises, etc. Une fois ce repas basique concocté, on peut y ajouter la notion de plaisir par le goût et la présentation… Il existe des astuces simples à explorer à l’oral ou à l’occasion d’un atelier diététique. »