La migraine - L'Infirmière Libérale Magazine n° 315 du 01/06/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 315 du 01/06/2015

 

Cahier de formation

Savoir

Sous-diagnostiquée, la migraine est une maladie dont les principales complications sont liées à l’automédication et à une surconsommation d’antalgiques non spécifiques.

NOTIONS FONDAMENTALES SUR LA MIGRAINE

La migraine est la pathologie neurologique la plus fréquente. Elle concerne près de 10 millions de Français. Elle évolue par crises de céphalées récurrentes, séparées par des intervalles libres sans douleur. Les céphalées de migraine sont caractérisées par une sémiologie propre et par un examen clinique normal.

Avec ou sans aura ?

→ On parle de migraine avec aura lorsque la migraine est précédée ou accompagnée de signes neurologiques. Ces symptômes, totalement réversibles, peuvent être :

• visuels (impression de points lumineux ou brillants, perte de la vision centrale ou vision floue) ;

• sensitifs (engourdissements, fourmillements, picotements notamment au niveau de bras ou de la bouche) ;

• aphasiques (troubles du langage ou difficulté d’élocution).

→ 20 % des migraines sont dites avec aura, laquelle est plus souvent visuelle (90 % des auras). Le terme de “migraine avec aura visuelle” a remplacé celui de “migraine ophtalmique”.

→ Chez un même patient, les deux types de crise, avec ou sans aura, peuvent alternativement s’observer.

Critères diagnostiques

L’International Headache Society a défini différents critères pour diagnostiquer la migraine.

Critères de la migraine sans aura

→ La migraine sans aura est diagnostiquée si le patient a présenté au cours de sa vie au moins cinq crises durant de 4 à 72 heures (sans traitement) et présentant au moins deux caractéristiques parmi les suivantes :

• douleur unilatérale ;

• douleur pulsatile (c’est-à-dire comme si le cœur battait dans la tête) ;

• douleur modérée ou sévère ;

• douleur aggravée par les activités physiques de routine, comme la montée ou de descente d’escaliers.

→ Les céphalées sont accompagnées par au moins l’un des signes suivants :

• nausées et/ou vomissements ;

• photophobie (intolérance à la lumière) et phonophobie (intolérance aux bruits).

Critères de la migraine avec aura

→ La migraine avec aura est diagnostiquée si le patient a présenté au cours de sa vie au moins deux crises avec aura visuelle, sensitive ou aphasique. Les symptômes de l’aura présentent au moins deux des caractères suivants :

• symptômes visuels et/ou sensitifs unilatéraux ;

• au moins un des symptômes se développant progressivement sur au moins 5 minutes et/ou plusieurs symptômes survenant successivement sur 5 minutes ou plus ;

• durée de chaque symptôme entre 5 et 60 minutes.

→ L’aura peut être suivie d’une céphalée ou être isolée (aura sans céphalée).

Place des examens complémentaires

→ Il est recommandé de réaliser un scanner ou une IRM cérébrale en cas de crises apparaissant après l’âge de 50 ans, d’aura atypique (début brutal, durée supérieure à une heure, survenant toujours du même côté) ou en cas d’anomalie à l’examen clinique.

→ Des examens complémentaires appropriés sont également recommandés en cas de céphalées d’apparition brutale (en moins d’une minute).

Diagnostics différentiels

Autres céphalées primitives

Céphalées de tension

→ La céphalée de tension, plus répandue que la migraine, affecterait 30 à 80 % de la population, dont 20 à 40 % des adultes. La douleur d’une céphalée de tension est différente de la céphalée migraineuse : elle est plus diffuse, bilatérale, continue, non pulsatile, en étau, d’intensité légère à modérée, ne s’aggravant pas à l’effort, et sans signes digestifs associés. La céphalée de tension est liée à une contraction des muscles cervicaux et apparaît plus volontiers après une journée de travail chez des sujets tendus. Une céphalée de tension peut durer jusqu’à sept jours.

→ Un migraineux peut avoir des céphalées de tension entre deux crises.

→ Les antimigraineux spécifiques sont inactifs sur les céphalées de tension. Leur traitement fait appel aux antalgiques et aux anti-inflammatoires. Lorsque les céphalées de tension sont fréquentes, un antidépresseur peut être utilisé à faible dose, dans un but antalgique. Les thérapies de gestion de stress ou la kinésithérapie pour limiter les tensions musculaires cervicales ont également leur place.

Algie vasculaire de la face

Elle est cent fois moins fréquente que la migraine et concerne davantage les hommes avec un début entre 20 et 30 ans. Les douleurs sont strictement unilatérales avec prédominance orbitaire et frontale et durent de 15 minutes à 3 heures. La céphalée est associée à un larmoiement, ou à une rougeur conjonctivale, un myosis (rétrécissement de la pupille), ou un ptosis (chute de la paupière) du côté douloureux, ou encore à une rhinorrhée ou une congestion nasale. Les crises peuvent se répéter jusqu’à huit fois par 24 heures.

Céphalées secondaires

Devant des céphalées d’apparition récente ou d’aggravation rapide, il faut suspecter des céphalées secondaires (c’est-à-dire symptomatiques d’une autre pathologie) qui peuvent révéler une hémorragie méningée, un accident vasculaire cérébral (AVC), une hypertension intracrânienne, une méningite, une artérite temporale ou une pathologie moins grave comme une sinusite aiguë.

Céphalées secondaires à certains médicaments

Certaines céphalées sont des effets indésirables de médicaments vasodilatateurs, comme les dérivés nitrés, les inhibiteurs calciques de type dihydropyridines, le sildénafil (Viagra) par exemple.

Facteurs déclenchants

→ Divers facteurs sont connus comme susceptibles de déclencher une crise de migraine, notamment :

• des facteurs psychologiques : anxiété, stress, contrariété, changement de travail, surmenage, licenciement ;

• des facteurs hormonaux : période des règles (migraine cataméniale), contraceptifs hormonaux, traitement hormonal substitutif de la ménopause ;

• des facteurs alimentaires : alcool, jeûne, hypoglycémie, irrégularité des repas ;

• des facteurs climatiques : vent, variations de pression atmosphérique, orage, chaleur.

→ D’autres facteurs comme l’exposition au bruit, à la lumière, un effort physique ainsi que l’excès ou le manque de sommeil (migraine du week-end) peuvent aussi déclencher des crises de migraine.

→ Ces facteurs ne sont pas la cause de la migraine, mais peuvent déclencher une crise chez un sujet génétiquement disposé et de ce fait plus sensible aux changements d’état, aux modifications de rythme de vie ou aux modifications de l’environnement.

Physiopathologie

→ La migraine est une maladie neurovasculaire complexe. La répétition des crises est expliquée par un défaut de l’excitabilité cérébrale d’origine génétique rendant les migraineux plus vulnérables aux facteurs déclenchants qui, se caractérisant par un changement d’état, correspondent à des situations de stress au sens physiologique du terme.

→ La crise est provoquée par l’activation du système trigemino-vasculaire, induisant la libération de peptides vasodilatateurs comme la sérotonine et le CGRP (Calcitonin gene related peptide ou peptide de la famille de la calcitonine), responsable d’une extravasation de protéines plasmatiques algogènes et inflammatoires et d’une dilatation des vaisseaux méningés, à l’origine de la douleur.

→ L’aura, quant à elle, serait provoquée par un dysfonctionnement transitoire du cortex, qui entraînerait une dépolarisation puis une hyperpolarisation des neurones, évoluant comme une vague progressant de l’arrière vers l’avant du cerveau et expliquant les signes visuels, aphasiques et sensitifs.

Complications

Céphalées par abus médicamenteux

→ La principale complication de la migraine est la céphalée par abus de médicaments. Elle concerne 2 à 3 % de la population générale. Elle est provoquée par une surconsommation d’antimigraineux : plus de quinze jours par mois pour les antalgiques non spécifiques ou plus de dix jours par mois pour les triptans, dérivés ergotés ou opiacés faibles, et cela, pendant plus de trois mois.

→ L’abus médicamenteux peut être responsable d’une céphalée chronique, dont le traitement repose avant tout sur le sevrage du patient. Une hospitalisation est parfois nécessaire pour soutenir psychologiquement le patient, renforcer sa motivation et instaurer, dans certains cas, un traitement par Laroxyl (amitriptyline).

Complications neurovasculaires

→ La migraine avec aura augmente le risque neurovasculaire chez les femmes. Ce risque est d’autant plus élevé qu’il existe d’autres facteurs associés comme le tabac et la pilule œstroprogestative. Ainsi, en cas de migraine avec aura, il faut privilégier les progestatifs seuls et recommander l’arrêt du tabac pour limiter les facteurs de risque vasculaire.

→ La migraine sans aura n’est pas un facteur de risque vasculaire.

TRAITEMENT DE LA MIGRAINE

La prise en charge de la migraine repose sur le traitement symptomatique et ponctuel des crises, et, lorsque la fréquence de celles-ci est importante, sur un traitement de fond dont l’objectif est de réduire le nombre et l’intensité des crises.

Traitement de crise

→ Il doit être administré le plus précocément possible.

→ Il fait appel à des traitements non spécifiques (anti-inflammatoires non stéroïdiens, antalgiques, anti-émétiques) et/ou à des traitements spécifiques vasoconstricteurs (triptans, dérivés ergotés).

Traitements non spécifiques (antalgiques et anti-inflamatoires)

→ Le paracétamol est insuffisamment évalué chez le migraineux en crise.

→ Les spécialités associant la caféine à un antalgique exposent au risque d’abus médicamenteux.

→ Le recours aux antalgiques opiacés est à éviter, d’une part parce qu’ils majorent les nausées, d’autre part parce qu’ils exposent au risque d’abus médicamenteux, voire de comportement addictif.

→ Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) constituent le traitement de première intention de la crise de migraine. Il n’y a pas d’inefficacité croisée entre les AINS. En cas d’échec, il est donc légitime de tester une autre molécule.

→ L’association d’acétylsalicylate de lysine et de métoclopramide (Migpriv) permet de traiter les céphalées et les nausées/vomissements éventuellement associés.

→ Le traitement est évalué après une à deux heures. En cas de soulagement significatif et de bonne tolérance, il ne doit pas être modifié.

→ Si le patient n’est pas soulagé une à deux heures après la prise de l’AINS, un triptan sera utilisé comme traitement de secours.

Traitements spécifiques (triptans et dérivés ergotés)

→ Si les triptans peuvent être utilisés comme traitement de secours, ils peuvent aussi être prescrits d’emblée, en cas d’intolérance ou d’échecs successifs des AINS (inefficacité sur au moins deux crises sur trois). Ils constituent le traitement spécifique de référence de la crise de migraine.

→ Les triptans sont efficaces dans deux crises sur trois en moyenne. Un patient non répondeur à un triptan lors de la première crise peut ensuite être répondeur lors d’une autre crise. C’est pourquoi, avant de conclure à l’inefficacité d’un triptan, il convient de le tester sur au moins trois crises successives.

→ Si le triptan utilisé d’emblée est inefficace mais bien toléré, il faut tout d’abord s’assurer que la prise du triptan est faite précocément (dans l’heure qui suit le début de la crise). Si la prise précoce de triptan s’avère inefficace, il faut changer de triptan et essayer le nouveau triptan en prise précoce sur trois crises consécutives. Un patient non répondeur à un triptan peut en effet répondre à un autre triptan.

→ Si cette stratégie s’avère inefficace, certains spécialistes proposent d’utiliser l’association AINS/triptan en prise simultanée, certaines études ayant démontré la supériorité de l’association AINS/triptan par rapport à l’utilisation isolée de ces molécules.

→ Les dérivés ergotés sont utilisés en deuxième intention chez les patients ne répondant pas aux triptans.

Traitement de fond

Médicamenteux

→ Il s’agit d’un traitement quotidien qui a pour but d’espacer les crises et de prévenir les abus médicamenteux. Il est recommandé aux patients qui utilisent un traitement de crise deux jours ou plus par semaine (même en cas d’efficacité), depuis plus de trois mois. Un traitement de fond est également justifié en cas de retentissement important sur la qualité de vie.

→ Il fait appel en première intention aux bêta-bloquants et en deuxième intention à l’amitriptyline (hors AMM), à l’oxétorone, aux anti-épileptiques (topiramate, et, hors AMM, valproate de sodium) tout en prenant en compte les effets indésirables et la marge thérapeutique étroite de ces derniers, ou au pizotifène. Le méthysergide et la flunarizine sont utilisés en dernière intention.

→ Le traitement commence par une monothérapie, instaurée à doses progressives.

→ La tenue d’un agenda de crises est recommandée pour apprécier l’efficacité du traitement de fond. Elle est évaluée après trois mois de traitement à pleines doses. Le traitement de fond est jugé efficace quand la fréquence des crises est réduite de 50 % et si les crises sont moins sévères et moins longues.

→ En cas d’échec, la posologie peut être augmentée en l’absence d’effets indésirables, ou un autre traitement de fond peut être essayé. En cas d’échecs répétitifs, il faut évaluer l’observance ou rechercher un abus médicamenteux.

→ Le traitement de fond doit être poursuivi pendant plusieurs mois (six à douze mois selon les molécules). Compte tenu de l’évolution fluctuante de la fréquence des crises tout au long de la vie et d’une amélioration habituelle avec l’âge, il est cohérent de proposer des essais d’arrêt de traitement préventif, avec diminution progressive des posologies. Si des crises réapparaissent six à douze mois après l’arrêt, le traitement de fond peut être réinstauré.

Non médicamenteux

→ La relaxation ainsi que les thérapies psychologiques comportementales de gestion du stress semblent avoir une certaine efficacité. Ce sont les traitements de fond à recommander en première intention chez l’enfant.

→ En revanche, l’efficacité de l’acupuncture n’est pas démontrée au-delà d’un certain effet placebo. Et l’homéopathie et les manipulations cervicales ne sont pas recommandées.

Focus sur les différents médicaments

Les AINS

→ Action : les AINS permettent de réduire l’inflammation des artères méningées et l’extravasation de protéines plamatiques algogènes. L’ibuprofène et le kétoprofène bénéficient d’une indication spécifique dans la crise de migraine. Le naproxène et le diclofénac sont également recommandés (hors AMM).

→ Effets indésirables : atteintes digestives principalement et atteintes rénales (en particulier en cas de déshydratation). Les AINS peuvent également provoquer des manifestations allergiques (dont asthme) et des atteintes cutanées parfois sévères. Ils peuvent aggraver une insuffisance cardiaque ou une hypertension. En cas d’utilisation excessive, ils exposent également à un risque rénal.

→ Principales interactions : l’utilisation des AINS est déconseillée chez les patients traités par anticoagulants oraux ou héparines à doses curatives, lithium ou méthotrexate (> 20 mg par semaine).

→ Contre-indications : ulcère gastro- duodénal évolutif ou antécédent d’ulcère lié à un AINS, insuffisances rénale, hépatique ou cardiaque sévères, grossesse (à partir du sixième mois), lupus érythémateux disséminé (pour l’ibuprofène).

Les triptans

→ Action : ce sont des agonistes sur les récepteurs sérotoninergiques 5-HT1B vasculaires (effet vasoconstricteur) et 5-HT1D neuronaux (diminution de la libération neuronale de peptides vasoactifs). Ils sont actifs sur l’ensemble de la symptomatologie migraineuse (céphalée, nausées et vomissements, photo- et phonophobie).

→ Effets indésirables : les triptans peuvent induire des fourmillements, une sensation de chaleur, d’oppression thoracique, de pesanteur de la tête (“effet triptan”, réversible en quelques heures), une élévation transitoire de la pression artérielle. En outre, il existe un risque d’allergie croisée avec les sulfamides pour la plupart des triptans (sauf rizatriptan et zolmitriptan). Les triptans ne sont pas recommandés chez les patients de plus de 65 ans.

→ Principales interactions : l’association de triptans aux dérivés ergotés est contre-indiquée (risque d’hypertension artérielle et de vasoconstriction coronarienne). En outre, les triptans métabolisés par la monoamine-oxydase (almotriptan, rizatriptan, sumatriptan et zolmitriptan) sont contre-indiqués avec les inhibiteurs de monoamine oxydase (Imao) utilisés comme antidépresseurs ou comme traitement antiparkinsonien pour les mêmes raisons. L’association de triptans aux antidépresseurs inhibiteurs de recapture de sérotonine ou d’action duale (inhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) doit prendre en compte le risque d’apparition d’un syndrome sérotoninergique (troubles moteurs, psychiques, végétatifs et digestifs), bien que sa survenue soit exceptionnelle en pratique.

→ Contre-indications : antécédents de pathologie cardiaque ischémique, hypertension artérielle (HTA) sévère ou non contrôlée, antécédents d’AVC ou d’accident ischémique transitoire (AIT), syndrome de Raynaud, insuffisance rénale sévère (élétriptan, naratriptan et rizatriptan).

Les dérivés ergotés (ergotamine et dihydroergotamine)

→ Action : ces alcaloïdes exercent une action agoniste puissante sur les récepteurs sérotoninergiques 5-HT1D (diminution de l’inflammation et de la douleur neurogène). Il exercent aussi une action agoniste alpha-adrénergique (effet vasoconstricteur). La caféine présente dans Gynergène caféiné augmente l’absorption intestinale de l’ergotamine de 44 %.

→ Effets indésirables : l’activité vasoconstrictrice des dérivés ergotés peut être à l’origine de paresthésies des extrêmités, d’ergotisme (intoxication due aux alcaloïdes de l’ergot de seigle, à l’origine d’une vasoconstriction des extrémités et/ou d’hallucinations et de convulsions) et d’augmentation de la tension artérielle. Du fait de son administration pernasale, la dihydroergotamine peut provoquer une intolérance locale (sensation de nez sec ou bouché, rhinorrhée).

→ Principales interactions : les dérivés ergotés sont contre-indiqués avec les triptans, ainsi qu’avec de nombreux médicaments susceptibles d’inhiber leur métabolisme et d’augmenter leur concentration plasmatique comme les macrolides (sauf la spiramycine), les antifongiques imidazolés, les antiprotéases boostés… En outre, l’association de dérivés ergotés antimigraineux aux dérivés ergotés antiparkinsoniens est déconseillée (risque majoré de vasoconstriction et de poussées hypertensives). De même, leur association aux sympathomimétiques (y compris par voie nasale) est déconseillée.

→ Contre-indications : insuffisance coronarienne, HTA sévère ou mal contrôlée, affection vasculaire oblitérante, syndrome de Raynaud, artérite temporale, infection sévère, insuffisance rénale sévère, grossesse, allaitement.

Les bêta-bloquants

→ Action : les bêta-bloquants agissent par vasoconstriction et sont également particulièrement intéressants lorsque le stress est un facteur déclenchant. Seuls le propranolol et le métoprolol, qui sont liposolubles et passent la barrière-hémato-encéphalique, bénéficient d’une indication spécifique dans le traitement de fond de la migraine. Le propranol, auquel 60 % des patients sont répondeurs, est le traitement de fond de premier choix. Toutefois, d’autres bêta-bloquants liposolubles, comme le timolol notamment, ont fait preuve d’efficacité dans la migraine.

→ Effets indésirables : les bêta-bloquants exposent au risque de bradycardie, de dyspnée, d’hypotension, de refroidissement des extrémités et de cauchemars et peuvent masquer les signes annonciateurs d’une hypoglycémie. Ils peuvent également induire une asthénie et des troubles de la libido.

→ Principales interactions : l’association de bêta-bloquants aux inhibiteurs calciques bradycardisants – diltiazem et vérapamil – est déconseillée (risque de troubles du rythme).

→ Contre-indications : bloc auriculoventriculaire et insuffisance cardiaque non contrôlée, bradycardie, hypotension, maladie de Raynaud, broncho-pneumopathie chronique obstructive et asthme (dans leur formes sévères pour métoprolol – cardiosélectif –, et quelles que soient leurs formes pour propranolol – non cardiosélectif).

L’amitriptyline (Laroxyl)

→ Action : c’est l’antidépresseur dont l’activité préventive sur les crises de migraine est la mieux établie. Environ 50 % des migraineux sont répondeurs à l’amitriptyline. L’effet antimigraineux est obtenu avec des doses inférieures aux doses antidépressives ( < 50 mg/j). Elle est utilisée hors AMM, en particulier lorsque des céphalées de tension sont associées, en raison de son effet sur les douleurs neurogènes.

→ Effets indésirables : principalement des troubles atropiniques (ensemble d’effets indésirables liés à un effet anticholinergique : sécherresse buccale et oculaire, rétention urinaire, constipation, troubles visuels), ainsi que de la somnolence, une hypotension orthostatique, des troubles du rythme ou de la conduction cardiaque.

→ Principales interactions : l’association de l’amitriptyline aux Imao est contre-indiquée (risque de syndrome sérotoninergique) et son association à la clonidine est déconseillée (risque de réduction de l’effet anti-hypertenseur).

→ Contre-indications : risque de glaucome à angle fermé, adénome de la prostate, infarctus du myocarde récent.

L’oxétorone (Nocertone)

→ Action : elle agit par antagonisme sérotoninergique sur les récepteurs 5-HT2B (récepteurs couplés à la production de monoxyde d’azote).

→ Effet indésirables : une propriété anti-histaminique explique un risque de somnolence (attention à la conduite automobile !) et fait déconseiller la consommation d’alcool pendant le traitement. L’oxétorone peut entraîner une diarrhée qui apparaît souvent de façon retardée après l’initiation du traitement.

Le topiramate (Epitomax)

→ Action : l’utilisation d’anti-épileptiques dans la prophylaxie de la migraine est justifiée par certains mécanismes neuronaux impliqués dans la migraine. Seul le topiramate dispose d’une indication d’AMM dans le traitement de fond de la migraine.

→ Effets indésirables : le topiramate expose au risque de troubles neuropsychiques (paresthésies, somnolence, vertiges, troubles de l’équilibre et de l’élocution, troubles de l’humeur et du comportement avec idées suicidaires), digestifs et visuels (diplopie, myopie, diminution de l’acuité, scotome…) pouvant s’avérer dangereux lors de la conduite. Il est aussi souvent associé à une perte de poids.

→ Principales interactions : l’association du topiramate au millepertuis est contre-indiquée (risque de diminution de l’efficacité du traitement de fond antimigraineux).

→ Contre-indications : grossesse, absence de contraception chez la femme en âge de procréer.

L’acide valproïque (Depakine)

→ Action : l’acide valproïque, utilisé hors AMM, a une efficacité préventive sur les crises de migraine comparable à celle du propranol.

→ Effets indésirables : les plus fréquents sont des troubles digestifs et, plus rarement, des troubles hématologiques et hépatiques (justifiant une surveillance biologique), des troubles neuropsychiques (somnolence, troubles du comportement) et des atteintes cutanées parfois graves.

→ Principales interactions : l’association de l’acide valproïque au millepertuis est contre-indiquée (risque de diminution de l’efficacité du traitement de fond antimigraineux).

→ Contre-indications : hépatite ou antécédents personnels ou familiaux d’hépatite.

Le pizotifène (Sanmigran)

→ Action : le pizotifène possède des propriétés antisérotoninergiques, antihistaminiques et anticholinergiques. Il s’oppose donc à l’action de la sérotonine qui est responsable des crises de migraine.

→ Effets indésirables : le pizotifène peut être responsable de somnolence (ne pas consommer d’alcool et attention à la conduite automobile) et d’effets atropiniques. En outre, le pizotifène peut très fréquemment provoquer une prise de poids.

→ Contre-indications : glaucome par fermeture de l’angle, troubles urétroprostatiques.

Le méthysergide (Désernil)

→ Utilisation : c’est le seul dérivé ergoté qui reste autorisé dans le traitement de fond de la migraine. En effet, en novembre 2013, les spécialités à base de dihydroergotamine (Ikaran, Séglor, Tamik, Dihydroergotamine Amdipharm) ont été retirées du marché, du fait d’un risque de fibrose et d’ergotisme. Cependant, l’EMA (agence européenne du médicament) envisage son éventuel retrait du marché et, en mars dernier, il est passé de la liste II des substances vénéneuses à la liste I. Le méthysergide est réservé aux migraineux résistant aux autres traitements. C’est un vasoconstricteur qui agit par antagoniste compétitif des récepteurs sérotoninergiques 5-HT2. Une administration continue ne doit pas dépasser six mois (nécessité d’aménager des fenêtres thérapeutiques).

→ Effets indésirables : le méthysergide peut provoquer des nausées/ vomissements, un engourdissement et un refroidissement des extrémités et expose au risque de fibrose rétropéritonéale (douleurs lombaires, dysuries) ou pleuro-pulmonaire (douleurs thoraciques, dyspnée).

→ Principales interactions : le méthysergide est impliqué dans les mêmes interactions médicamenteuses que l’ergotamine et la dihydroergotamine.

→ Contre-indications : insuffisance coronarienne, HTA sévère ou mal contrôlée, affection vasculaire oblitérante, syndrome de Raynaud, artérite temporale, infection sévère, insuffisance rénale sévère, grossesse, allaitement, antécédents iatrogènes de fibrose et pathologies obstructives des voies urinaires hautes.

La flunarizine (Sibelium)

→ Utilisation : la flunarizine est utilisée en dernière intention, lorsque les autres thérapeutiques sont inefficaces ou mal tolérées, pour une durée n’excédant pas six mois. Elle améliore la microcirculation en favorisant la déformabilité des globules rouges. Elle présente en outre des propriétés anti-histaminiques et antidopaminergiques (effet neuroleptique caché).

→ Effets indésirables : la flunarizine peut provoquer une somnolence (éviter l’alcool et la conduite automobile), une prise de poids, et plus rarement des troubles de la coordination, un ralentissement moteur, une hypertonie ou une galactorrhée.

→ Contre-indications : maladie de Parkinson, antécédents de symptômes extra-pyramidaux ou de syndrome dépressif.

Perspectives d’avenir

Un anticorps monoclonal dirigé contre le CGRP (peptide de la famille de la calcitonine) et administré en injections sous-cutanées mensuelles est actuellement en essai clinique de phase II dans le traitement de fond de la migraine.

En chiffres

→ Prévalence : 21,3 %, soit 1 Français sur 5.

→ Prédominance féminine : 3 femmes pour 1 homme.

→ 40 % des migraineux n’ont jamais consulté.

→ 60 % ignorent leur statut de migraineux et les possibilités de prise en charge spécifique.

Question de patiente

Pourquoi ai-je la migraine à chaque fois que j’ai mes règles ?

Les migraines survenant au moment des règles (dites “migraines cataméniales”) sont dues à la chute du taux d’œstrogènes en fin du cycle hormonal féminin. Elles peuvent survenir deux jours avant le début des règles ou pendant les premiers jours des règles.

Questions de patient

La migraine peut-elle avoir une origine ophtalmique ?

La migraine n’est pas liée à des problèmes de vue. En revanche, les efforts fournis pour compenser un problème de vue non ou mal corrigé peuvent déclencher une crise.

Souffrirai-je de migraine toute ma vie ?

L’évolution de la migraine est généralement favorable avec l’âge, les crises diminuant progressivement vers 50 à 60 ans.

Point de vue

De l’importance des techniques psychocorporelles

Pascale Thibault, cadre supérieure de santé, formatrice, membre de la commission infirmière de la Société française d’étude et de traitement de la douleur

« Il est important d’accompagner le patient dans les méthodes de gestion de stress, car le migraineux est fréquemment anxieux et l’anxiété favorise les crises. Ces techniques sont efficaces en traitement de fond pour espacer les crises de migraine et en diminuer l’intensité. Si les médicaments restent indispensables en traitement de crise, ces moyens non pharmacologiques peuvent être aussi utilisés en complément des médicaments pour diminuer l’intensité de la douleur. Les pratiques les plus efficaces sont l’hypnose et l’autohypnose, la sophrologie, les relaxations, la méditation. Les infirmiers libéraux ont leur place pour relayer ces techniques auprès des patients. Il faut les motiver pour développer leur compétence dans ce domaine.

Un patient qui a appris ces techniques n’est pas forcément autonome. Les Idels ont un rôle à jouer pour stimuler le patient à utiliser ces pratiques et l’aider à faire des exercices. Certains infirmiers, bien que formés à ces pratiques, ne les utilisent pas chez les migraineux, le plus souvent par méconnaissance de leur efficacité dans ce domaine. Et puis, il est certain que se pose le problème de la cotation de ces actes. »

Point de vue

« Ayant un syndrome de Raynaud, j’ai dû arrêter le propranolol »

Amayelle, 23 ans, étudiante, souffrant de migraine

« Mes migraines ont commencé il y a trois ans, quand j’ai arrêté de prendre la pilule. Pour soulager les crises, je prends de l’Apranax et du Relpax, en traitement de secours. Ce dernier marche mieux quand je m’allonge au calme après l’avoir pris. En traitement de fond, j’étais sous propranolol, mais comme j’ai un syndrome de Raynaud, j’ai dû l’arrêter. Ma neurologue m’a prescrit du Laroxyl, cinq gouttes par jour, que je prends pendant les périodes de révision d’examens, pendant lesquelles j’ai jusqu’à trois crises de migraine par semaine. Je le prends le soir car ce médicament m’endort, ce qui est très gênant pour étudier ! »