Le bien-être par la transe - L'Infirmière Libérale Magazine n° 313 du 01/04/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 313 du 01/04/2015

 

Véronica Pagart, hypnothérapeute dans le Nord

La vie des autres

Véronica Pagart a trouvé comment aider les autres : par l’hypnose. Convaincue qu’il s’agit d’un outil performant pour débarrasser les patients de ce qui les empêche d’être “fondamentalement” eux-mêmes, elle exerce cette activité depuis plus de dix ans.

Adolescente, Véronica Pagart se serait bien imaginée “psy”. La vie en a décidé autrement. « J’ai dû prendre mon envol toute seule. » Elle travaille une dizaine d’années dans l’immobilier.

« Ce n’était pourtant vraiment pas ma voie ! » D’une certaine façon, elle réussit tout de même à maintenir le cap car, parallèlement, elle se forme dans différentes approches en relation d’aide : Gestalt, analyse transactionnelle, Gordon… « Dans ce type de parcours, on travaille beaucoup sur soi, souligne-t-elle. C’est important de s’occuper d’abord de ses propres casseroles… » Elle tâte de la fac de psycho et profite d’un financement Fongecif pour se former à la programmation neuro-linguistique (PNL), une démarche fondée sur des modèles en termes de communication et de changement. « Une de mes formatrices m’a incitée à suivre un stage avec un hypnothérapeute italien, Gianni Fortunato, qu’elle faisait venir. J’ai essayé et je n’ai pas pu m’arrêter. J’ai trouvé cette technique tellement puissante que j’ai décidé de ne plus faire que cela. » Elle se forme ainsi pendant deux ans à l’hypnose ericksonienne, version Fortunato.

« Faite pour aider »

En 2002, enfin prête, Véronica ouvre son cabinet, dans sa propre maison. « J’ai eu le sentiment d’être faite pour aider et de disposer d’un outil performant et rapide. Au début, j’enregistrais tout l’entretien et je réécoutais tout », s’amuse-t-elle rétrospectivement. Ses premiers rendez-vous duraient une heure et demie, deux heures… Moitié moins aujourd’hui ! D’ailleurs, même si chaque séance commence par un entretien pour faire le point et évoquer les rêves marquants, Véronica ne laisse pas la parole prendre trop de place et passe à l’hypnose sans trop tarder…

Dans une pièce très vaste, elle reçoit des adultes, hommes et femmes à parts égales, et aussi des enfants, « à partir de 7-8 ans, précise-t-elle. Car il faut qu’ils soient capables de rester assis sans bouger ». Dans son cabinet, loin des bruits de la rue, on s’assoit dans un fauteuil très confortable, on ne parle plus et on ferme les yeux. Et la séance commence, guidée par la parole de Véronica.

« Le disque dur des patients »

Son objectif : que les personnes entrent en transe, légère, moyenne ou profonde, et laissent leur inconscient suivre ses consignes de travail. « La transe est un état psychologique normal, rappelle-t-elle. C’est un état modifié de conscience. Nous sommes régulièrement en transe durant la journée, par exemple quand on décroche pendant une réunion ou pendant qu’on conduit sur un trajet connu. » Au cours d’une séance, les états de transe varient, mais la transe profonde est rarement atteinte durant les premières séances. « La conscience a besoin de se mettre à l’aise », souligne Véronica, il faut qu’elle accepte en quelque sorte de lâcher prise.

Durant les séances, Véronica « active le disque dur » des patients, leur inconscient. « Il vous connaît parfaitement : votre histoire de vie, y compris les événements oubliés, vos décisions conscientes ou inconscientes, votre manière de fonctionner. C’est une partie sage de vous-même qui a envie que vous soyez tout à fait splendide. » Par ses paroles, Véronica donne des “instructions” à l’inconscient. « J’y suis branchée, je ne sais pas comment. Je pense que je suis moi-même en transe quand je pratique. Un processus mental se met en place. » Les consignes peuvent conduire à neutraliser une expérience vécue, « éventuellement dans une vie antérieure, à nettoyer une histoire familiale ou un scénario de vie comme celui du “vilain petit canard”. Le but, c’est que la personne retrouve un fonctionnement souple et qui ne cause aucune souffrance. Ce qu’on est fondamentalement mais qui a peut-être été occulté par l’éducation, des constructions, des expériences… ».

Dans son fauteuil, le patient peut ressentir une sensation de chaleur, de bien-être ou faire des petits mouvements, raconte la thérapeute. À la demande de Véronica, il peut, par un signe léger, signifier que la consigne demandée est effectuée ou pas.

Mais il n’est pas question de faire faire au patient quoi que ce soit contre sa volonté – « on ne peut pas », assure-t-elle. Certains n’ont pas le souvenir, à l’issue de la séance, des paroles que la thérapeute a prononcées.

Avec tous, elle fait le point en fin de séance sur ce qui s’est passé et ce sur quoi elle a fait porter le travail d’hypnose.

Selon Véronica, une séance peut parfois suffire, mais généralement les thérapies se déploient sur plusieurs rendez-vous.

Elle pratique avec des personnes souffrant de troubles anxieux, de phobies, de troubles obsessionnels compulsifs, de troubles alimentaires, de la stérilité, de somatisation ou, classiquement, avec celles qui veulent arrêter de fumer.

Avec chacun, « je travaille de manière globale. La personne observe des progrès dans tous les domaines : elle a un meilleur sommeil, plus d’énergie, plus d’insouciance… ». Il est très rare que cela ne fonctionne pas, ajoute-t-elle. « Je sais où je peux amener les gens et c’est frustrant lorsqu’ils décident d’arrêter avant. Mais, avec du travail, on arrive au résultat. L’être humain ne se rend pas compte de toutes ses possibilités. »

Elle dit de vous !

« Les infirmières libérales sont indispensables, elles prennent soin d’une autre manière, elles soutiennent beaucoup les patients. C’est un métier ouvert sur les autres. Elles ont un rythme de travail très soutenu. L’hypnose pourrait peut-être leur être utile dans leur pratique. D’ailleurs, je sais que certaines s’en servent sans s’en rendre compte, par exemple quand elles réalisent un soin et qu’elles font parler le patient d’autre chose, de ses vacances… C’est une forme de transe : le patient ne se rend compte du soin réalisé qu’une fois qu’il est terminé, sans qu’il y ait prêté la moindre attention ! La transe, c’est finalement quelque chose de très intuitif… »

SÉMANTIQUE

L’hypnose, un état et une technique

Le terme d’hypnose décrit à la fois un état de conscience particulier et les techniques qui y conduisent. Cet état de conscience différent, isolé de l’environnement immédiat, est aussi décrit comme une forme de transe caractérisée par un grand relâchement, mais il n’est pas une “inconscience”. Il est atteint grâce à des suggestions formulées par un accompagnateur formé et au “lâcher-prise” du patient. L’hypnose peut être employée à des fins analgésiques (elle se développe dans certains services hospitaliers) ou psychothérapeutiques. Il existe plusieurs “écoles” d’hypnose : traditionnelle, nouvelle, ericksonienne… Mais, quoi qu’il en soit, si les effets de l’hypnose sont constatés sur le cerveau au moment de la transe, les mécanismes à l’œuvre ne sont toujours pas vraiment connus.