La presbyacousie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 312 du 01/03/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 312 du 01/03/2015

 

ORL

Cahier de formation

LE POINT SUR

Nathalie Belin*   Dr Didier Bouccara**   Brice Jantzem***  

En France, trois à quatre millions de personnes souffrent de presbyacousie. Une prise en charge précoce pluridisciplinaire (ORL, audioprothésiste…) limite les répercussions sur le plan de la communication ainsi que les conséquences sociales et psychologiques.

La presbyacousie, ou baisse de l’audition liée à l’âge, est l’expression du vieillissement normal du système auditif. Elle débute généralement vers l’âge de 60-65 ans avec d’importantes variations interindividuelles.

On estime que plus d’un tiers des patients de 70 ans ont une baisse de l’audition. Parmi eux, un tiers a besoin d’une aide auditive.

Les signes cliniques

→ La détérioration auditive s’installe lentement. Elle est bilatérale et symétrique.

→ Le patient (ou son entourage) se plaint d’une gêne pour suivre les conversations, d’abord lorsque l’ambiance est bruyante (restaurant…). Cette baisse de l’audition touche principalement les fréquences aiguës et s’intensifie avec le temps. À un stade avancé, elle s’accompagne d’une intolérance au bruit : le seuil auditif, abaissé, se rapproche du seuil de gêne auditive qui n’a pas changé.

→ Des acouphènes bilatéraux peuvent accompagner la perte auditive ou la précéder.

Les facteurs aggravants

→ Les deux principaux facteurs influençant le début de la presbyacousie et son évolutivité sont d’ordre génétique et environnemental (exposition au bruit, notamment traumatismes sonores aigus répétés, par exemple manipulation de pétards, armes à feu…).

→ Les pathologies vasculaires sont un facteur d’aggravation possible : diabète, troubles du métabolisme lipidique et hypertension artérielle.

Le diagnostic

→ Le diagnostic est posé en consultation ORL. L’examen otoscopique vérifie l’absence de pathologies locales au niveau du conduit auditif externe et la normalité des tympans. Les antécédents familiaux et médicaux du patient sont notés (antécédents d’otite, traumatismes sonores, prise de médicaments ototoxiques…). Le bilan audiométrique (tonal et vocal) montre une surdité de perception bilatérale et symétrique (atteinte des cellules sensorielles de l’oreille interne) prédominant sur les fréquences aiguës et permet d’en préciser l’importance.

→ On définit ainsi les déficits auditifs légers (perte auditive moyenne de 20 à 40 dB), moyens (40 à 70 dB), sévères (70 à 90 dB), → (+ 90 dB).

→ Cette consultation permet de dépister des troubles cognitifs débutants (faisant suspecter une pathologie dégénérative, le plus souvent la maladie d’Alzheimer) ou la présence de vertiges ou de troubles de l’équilibre qui justifient des bilans complémentaires spécifiques.

La prise en charge

La perte d’audition est irréversible et ?l’appareillage bilatéral est dans la grande majorité des cas indiqué pour pallier le déficit auditif.

Prothèses auditives

→ Il en existe différents types. Le choix, fonction du degré de surdité, du coût, de la capacité à manipuler l’appareil et des désirs du patient, est orienté par l’ORL et surtout l’audioprothésiste.

→ Globalement, on en distingue trois grands types : les intra-auriculaires adaptées à des pertes auditives peu importantes, les contours d’oreille sur tube acoustique, les contours d’oreille avec écouteurs déportés dans le conduit auditif. Ces deux derniers permettent un gain auditif plus important et les modèles les plus récents sont aussi discrets que les intras.

→ Sur prescription médicale, les prothèses auditives sont facturées de 700 à 2 000 euros environ par oreille, prestation incluse comprenant le choix, l’adaptation et le suivi durant toute la durée de vie de l’appareil (cinq à huit ans). Les prothèses auditives sont remboursées à 60 % du tarif de base (199,71 euros par appareil) et, pour les personnes bénéficiant de la CMU, à 100 % du tarif de base fixé à 700 euros par appareil. Les mutuelles complètent selon les contrats. L’audioprothésiste, après des mesures complémentaires, établit des réglages selon l’anatomie et l’acoustique du conduit du patient. Un essai sans engagement de plusieurs semaines est toujours proposé.

→ Il faut équiper les deux oreilles pour conserver la stéréophonie (permet la localisation des sons et facilite l’écoute en milieu bruyant).

Conseils aux patients

→ Dédramatiser l’appareillage : le port d’un appareillage auditif n’est pas dégradant. C’est au contraire une aide qui, bien acceptée, améliore considérablement la qualité de vie.

→ Un effort d’adaptation : quel que soit le type de prothèse utilisé, une gêne est normale au début. Un port régulier de l’appareil dans des ambiances sonores différentes permet de s’y adapter progressivement.

→ Positiver le bénéfice attendu : une aide auditive ne restitue pas une audition strictement normale mais permet de retrouver une compréhension satisfaisante et une communication avec l’entourage. Le plus souvent, l’appareillage permet aussi de résoudre les problèmes d’acouphènes parfois présents.

→ En cas de sifflement (larsen) : vérifier la bonne mise en place de l’embout avant de rechercher d’autres causes possibles (bouchon de cérumen, modification anatomique du conduit auditif, appareil défectueux…).

En vente libre en pharmacie

Une classe d’appareils dont le gain ne dépasse pas 20 dB est autorisée à la vente en pharmacie sans prescription. Le coût va de 100 à 300 euros par oreille sans prise en charge, ni “suivi” après vente. Même si elle semble facultative, une consultation ORL est indispensable avant de recourir à ces appareils afin de ne pas méconnaître une pathologie autre que la presbyacousie.

Rééducation orthophonique

L’aggravation de l’atteinte auditive, malgré un appareillage adapté, conduit à proposer un bilan et si besoin une rééducation orthophonique qui permet d’améliorer, entre autres, les attitudes de communication, la lecture labiale, le recours à la suppléance mentale (deviner les mots qui manquent…).

Deux questions sur l’appareillage

→ Quel est l’intérêt d’un appareillage précoce ?

Dr Didier Bouccara, ORL : On sait que, si on la corrige précocement, l’impact de la perte auditive sera moins important. D’une part, parce que le patient va s’habituer plus facilement à l’appareillage et au besoin d’en porter, et ensuite parce que cet appareillage aide justement à maintenir en activité le système auditif en le stimulant. Cette prise en charge précoce est d’autant plus importante qu’il a été mis en évidence un lien entre dégradation de l’audition et sévérité des troubles cognitifs liés à l’âge.

→ Qu’attendre des appareils vendus sans ordonnance ?

Brice Jantzem, audioprothésiste, DE : Ces appareils n’offrent pas de personnalisation. Leurs caractéristiques uniques (gain limité, tonalité fixée et embout standard) n’ont qu’une faible chance de correspondre à la diversité des besoins des patients. L’absence de conseils individualisés pose également problème. En effet, il faut généralement un à quatre mois pour s’accoutumer à une aide auditive, avec parfois plusieurs réglages ou une progression des réglages. Des consultations régulières, a minima deux fois par an, comprises dans le coût de l’appareillage, sont fortement conseillées dans le cas d’un appareillage afin de vérifier le bon fonctionnement de l’appareil et surtout l’adéquation des réglages à l’audition qui évolue avec le temps.