Bilan de soins infirmiers : la dernière ligne droite - L'Infirmière Libérale Magazine n° 312 du 01/03/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 312 du 01/03/2015

 

PROFESSION

Actualité

Véronique Hunsinger  

DE LA DSI AU BSI → Après plus de deux ans de travaux, le groupe de travail technique qui planche sur le successeur de la démarche de soins infirmiers va rendre sa copie.Dans le nouveau dispositif, appelé bilan de soins infirmiers, la cotation de la séance découlerait d’un score à calculer.

Le dispositif actuel a fait un tel flop que tout le monde ou presque l’a oublié. Le « bilan de soins infirmiers » (BSI) réussira-t-il là où la « démarche de soins infirmiers » (DSI) s’était cassé la figure ? En tous cas, le groupe de travail technique qui planche sur ce projet ambitieux, censé à la fois résoudre l’épineuse question de la demi-heure d’AIS3 et faciliter la coordination des soins, est proche de rendre sa copie après plus de deux ans de travaux.

Pas encore près d’en voir la couleur…

Ensuite, le “bébé” sera présenté en commission paritaire nationale entre l’Assurance maladie et les représentants des infirmières ainsi que des médecins libéraux. Puis ce sera au tour de la Haute Autorité de Santé de lui apporter une validation scientifique. Et ce n’est qu’après que le BSI pourra être traduit dans son volet tarifaire, lequel ne s’appliquera, comme le prévoit la loi, que six mois après la publication au Journal Officiel. Autrement dit, les infirmiers ne sont pas tout à fait près d’en voir la couleur !

Néanmoins, on sait maintenant à peu près à quoi va ressembler le nouveau dispositif, une version quasi définitive ayant été présentée lors de la dernière réunion du groupe de travail le 13 janvier. Ce groupe est composé de deux représentants de chacun des quatre syndicats, de représentants de la CNAM et d’experts, notamment dans le domaine de la gérontologie. « Le BSI sera prescrit par le médecin avec une validité d’un an, pour ne pas avoir à courir derrière les ordonnances, explique Caroline Dewas, représentante de la FNI. Mais il sera toujours révisable en fonction de l’évolution de l’état de santé du patient. » L’une des causes de l’échec de la DSI résidait dans son rejet par les médecins. « Le problème de la DSI était qu’il fallait avoir une prescription du médecin, la récupérer, remplir le document et le faire à nouveau contresigner par le médecin, rappelle Dominique Jakovenko, qui a représenté l’Onsil dans le groupe de travail. C’était très lourd d’un point de vue administratif. Et surtout, on ne voyait pas pourquoi il fallait faire valider par un médecin des actes qui relevaient de notre rôle propre d’infirmier. Quand le médecin fait une ordonnance de kinésithérapie, le professionnel rédige un bilan kiné, l’envoie à la caisse et c’est terminé ! »

Une grille d’évaluation de la charge en soins

En 2002, lors de la sortie de la DSI, la plupart des syndicats médicaux n’avaient pas hésité à appeler au boycott du dispositif. Ce qui ne signifie pas que le corps médical soit opposé à la philosophie de la démarche. Ainsi, le Pr Dominique Somme, chef du service de médecine gériatrique du CHU de Rennes, s’est empressé de participer à ce groupe de travail lorsque l’Assurance maladie a fait un appel à candidature auprès de la Société française de gériatrie et de gérontologie. « Je pense que, contrairement à une idée reçue, le champ d’expertise des infirmières est insuffisamment connu d’une certain nombre de médecins, estime ce praticien. Qu’une infirmière puisse décrire, avec son expertise propre, comment elle évalue une situation et comment elle envisage l’intervention au domicile ne peut être qu’utile à la coordination des soins et bénéfique pour le patient. Nous vivons la richesse du travail interdisciplinaire à l’hôpital, c’est une plus-value à transposer au domicile. »

Pour cet expert, il faut éviter l’écueil d’un document composé uniquement de cases à cocher. « Le bilan aura la forme d’une grille d’évaluation de la charge en soins, confirme Caroline Dewas. Il y aura des items sur les soins de base qui vont du nursing aux soins de surveillance, des actes qui sont aujourd’hui dans la NGAP et d’autres qui ne sont pas nomenclaturés à l’heure actuelle mais qui sont du ressort de la compétence infirmière. » A noter que le groupe de travail s’est aussi mis d’accord sur la nécessité d’inclure des critères de majoration de la séance de soins incluant des facteurs de pénibilité, comme des sanitaires non adaptés, un IMC du patient supérieur à 35 ou une absence de lit médicalisé. Mais la représentante de la FNI tient à préciser qu’« il y a également un pavé libre pour que l’infirmière puisse noter une synthèse de ses observations cliniques ou des points de vigilance ». De quoi effectivement faire, en théorie, du BSI un bel outil de coordination.

Sortir de l’impasse de la demi-heure d’AIS 3

Cela ne devra pas être son seul usage. En effet, ce document a aussi pour but de sortir de l’impasse de la demi-heure de soins de l’AIS3 (cf. notre numéro 305 de juillet-août 2014). L’ensemble de la charge de soins déterminée par l’infirmière à partir du BSI devra aboutir à un score. Et c’est ce score qui servira de base à la cotation de la séance de soins. Cotation dont la traduction financière devra, dans les prochains mois, faire l’objet d’une âpre négociation entre l’Assurance maladie et les syndicats infirmiers. Au vu du volume d’actes que cela représente, le nouveau directeur de l’Uncam, Nicolas Revel, risque d’être prudent avant d’avancer une enveloppe.

La notion de « diagnostic », pomme de discorde entre les syndicats infirmiers

C’est un petit mot qui ne fait pas l’unanimité chez les syndicats infirmiers. à la FNI, on préfère avancer avec prudence sur la notion de « diagnostic ». « Nous ne pensons pas que la démarche intellectuelle de l’infirmière ait besoin d’être énoncée dans ce BSI car ce n’est pas le but de cet outil de coordination et de tarification », justifie Caroline Dewas. Les autres syndicats se sont montrés plus revendicatifs. « On n’a pas voulu parler de consultation infirmière comme nous l’aurions souhaité, ceci parce que les médecins risquaient de voir cela d’un mauvais œil, raconte Dominique Jakovenko, de l’Onsil. Mais la notion de diagnostic infirmier est importante pour nous car c’est ce sur quoi repose la clinique infirmière. » Des débats qui peuvent sembler byzantins et que le Pr Somme relativise. « Le diagnostic infirmier et le diagnostic médical sont deux choses d’ordre différent et c’est très bien, note-t-il. Nos expertises sont complémentaires, la plupart des médecins le voient ainsi. Même si certains médecins y voient plus un problème qui est de l’ordre du symbole, il ne faut pas faire naître des phantasmes à partir de ce mot. » Pendant ce temps, l’Assurance maladie semble compter les points. C’est pourtant sur ce dernier petit mot que la rédaction finale du projet achoppe encore.