L’hyperglycémie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 310 du 01/01/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 310 du 01/01/2015

 

Endocrinologie

Cahier de formation

LE POINT SUR

Marie Fuks*   Dr Nicolas Chevalier**  

Pourvoyeuse de complications dégénératives potentiellement graves et invalidantes, l’hyperglycémie peut aussi être à l’origine d’une intensification thérapeutique responsable d’hypoglycémie. Elle doit donc faire l’objet d’une surveillance accrue et d’une prévention associant l’information et l’éducation thérapeutique du patient.

Définition

Le diabète est défini par une hyperglycémie (HPG) chronique qui correspond à une glycémie supérieure à 1,26 g/l à jeun (7 mmol/l) ou une glycémie à n’importe quel moment de la journée supérieure à 2 g/l (11 mmol/l). Les recommandations américaines associent également le dosage d’HbA1c (hémoglobine glyquée) supérieur à 6,5 %. Toutefois, ces taux ne correspondent pas aux seuils d’HPG retenus dans la prise en charge du patient diabétique car l’appréciation de l’HPG doit tenir compte :

→ de l’âge,

→ des complications (lire l’encadré),

→ des comorbidités associées ou non,

→ de la fourchette de glycémie fixée comme objectif thérapeutique pour chaque patient en fonction de ces différents critères.

Ainsi, on considérera qu’un patient diabétique de type 1 (DT1) de 21 ans sans complication est en HPG au-delà de 1,20 g/l à jeun et de 1,40 à 1,60 g/l après un repas alors qu’on pourra facilement tolérer une glycémie post-prandiale à 2,50 à 2,80 g/l chez un sujet âgé de 92 ans, polymédiqué en fin de vie.

En règle générale, on estime qu’une glycémie supérieure à 2,50 g/l est “sévère” car elle peut être associée à la libération d’acétone en cas de carence insulinique (DT1 notamment).

À noter : chez les patients à risque, l’Idel veillera à contrôler régulièrement l’acétone dans les urines (bandelettes urinaires) ou par recueil capillaire dans le but d’ajuster si nécessaire le traitement (rajout d’insuline rapide en sous-cutané avec consultation en urgence si cétonurie à 2 croix ou plus).

Causes

Chez le diabétique traité et suivi, l’HPG est généralement consécutive à :

→ la mauvaise observance ou l’insuffisance du traitement ;

→ le non-respect des règles diététiques.

Néanmoins, toutes les causes de stress peuvent potentiellement augmenter la glycémie. C’est le cas de toutes les maladies intercurrentes (viroses ORL, infections urinaires, mycoses… ) des maladies chroniques en général (maladies inflammatoires, cancer), de la grossesse, mais aussi de certains traitements (corticoïdes, nutrition entérale). Ces différents contextes nécessitent une adaptation du traitement antidiabétique (majoration du traitement oral, recours à une insulinothérapie transitoire).

Symptômes

→ Soif intense avec une appétence pour les produits sucrés.

→ Polyurie.

→ Infection urinaire et mycose génitale (si diabète déséquilibré de manière chronique et ancienne).

À noter : contrairement à l’hypoglycémie, le patient peut être totalement asymptomatique et ne pas ressentir de gêne, ce qui explique souvent l’absence d’intervention du patient pour faire baisser sa glycémie et l’installation d’une HPG chronique pourvoyeuse de nombreuses complications.

Conduite à tenir en cas d’HPG symptomatique

L’Idel réalisera une glycémie capillaire pour évaluer le degré d’HPG et recherchera éventuellement des corps cétoniques à la bandelette urinaire si la glycémie dépasse 2,50 g/l. Selon la prescription médicale, elle pourra réaliser un supplément d’insuline rapide en sous-cutané.

À noter : ne pas négliger une glycémie “HI” (High) sur un lecteur (en général supérieur à 6 g/l). Dans ce cas, contrôler systématiquement la glycémie par un prélèvement veineux +++ car elle peut atteindre plus de 10 g/l et le pronostic vital peut être engagé.

Conduite à tenir en cas d’HPG chronique chez le DT2

Intensification thérapeutique en majorant le traitement par antidiabétiques oraux, voire en passant à l’insuline (en traitement mixte ou exclusif) dans le but d’atteindre l’objectif glycémique fixé en fonction du profil du patient* :

→ HbA1c inférieure ou égale à 7 % pour la plupart des patients ;

→ HbA1c inférieure ou égale à 8 % pour les personnes âgées “fragiles” et les patients avec une comorbidité grave avérée et/ou une espérance de vie limitée (inférieure à cinq ans), des complications macrovasculaires évoluées, ou encore une longue durée d’évolution du diabète (supérieure à dix ans) ;

→ HbA1c inférieure à 9 % et glycémies capillaires préprandiales comprises entre 1 et 2 g/l pour les personnes âgées malades ayant une espérance de vie de moins de six mois.

Prévention de l’HPG chez le DT2

Il est important de renforcer l’éducation thérapeutique par un rappel des règles hygiéno-diététiques.

→ Alimentation normo-calorique (ou hypocalorique en cas de surpoids ou d’obésité).

→ Ne manger ni trop gras, ni trop salé.

→ Ne pas se resservir.

→ Limiter les apports de pain (40 g par repas).

→ Légumes à volonté mais un seul fruit par repas.

→ Des féculents en quantité limitée à chaque repas.

→ Maintenir une activité physique régulière même minimale (trente minutes de marche trois fois par semaine).

→ Expliquer au patient que l’hygiène de vie peut représenter jusqu’à 50 % de son traitement, en particulier au début de la maladie diabétique.

→ Utiliser l’autosurveillance glycémique comme outil d’éducation thérapeutique (prise de conscience du retentissement sur la glycémie capillaire des apports glucidiques et de l’activité physique).

→ Ne pas utiliser la perspective de l’insulinothérapie comme moyen de pression pour améliorer l’observance du traitement (la peur est mauvaise conseillère et rend le passage à l’insuline difficile lorsqu’il est nécessaire), mais rappeler autant que nécessaire les principes d’autocontrôle du diabète.

À noter : certains patients ont une angoisse obsessionnelle des complications dégénératives de l’HPG, ce qui les conduit à multiplier préventivement les injections ou augmenter les doses d’insuline rapide, voire à faire des régimes très restrictifs au risque de faire des hypoglycémies. Cette attitude doit être combattue en expliquant aux patients qu’ils peuvent parfaitement maîtriser les risques d’HPG sans se mettre en danger d’hypoglycémie.

* Recommandations de bonne pratique, “Stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2”, Haute Autorité de santé/Agence nationale de sécurité du médicament, janvier 2013 (lien raccourci : bit.ly/1FTdKyy).

Complications de l’hyperglycémie

HPG chronique : les études UKPDS pour le diabète de type 2 et DCCT pour le diabète de type 1 ont montré que l’HPG chronique est responsable de toutes les complications microvasculaires et macrovasculaires du diabète, et qu’il existe une corrélation entre la valeur de l’HbA1c (hémoglobine glyquée) et le taux de complications. Par ailleurs, de grands essais contrôlés randomisés ont apporté la preuve qu’un bon contrôle métabolique du DT1 comme du DT2 permet de retarder l’apparition et l’évolution de ces complications.

Complications microvasculaires : rétinopathie, néphropathie, neuropathie, atteintes du système nerveux autonome et, plus rarement, paralysies oculomotrices.

Complications macrovasculaires : maladies cardiovascu laires (coronaropathies, infarctus du myocarde, artériopathies des membres inférieurs, AVC). Elles réduisent le pronostic de vie des patients, en particulier dans le DT2.

HPG aiguë : dans un contexte très déséquilibré, l’HPG aiguë peut être à l’origine de complications plus rares (comme l’acidocétose, le coma hyperosmolaire) mais possibles, notamment chez les sujets qui négligent leur traitement et leur hygiène de vie.