Fournir des aides immédiates - L'Infirmière Libérale Magazine n° 310 du 01/01/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 310 du 01/01/2015

 

Cahier de formation

Savoir faire

Face à un patient chronique, il est important de détecter les signes d’une rupture d’observance, d’en explorer les causes et d’adapter son intervention en conséquence.

Madame T. vous fait part de ses inquiétudes pour sa fille Suzanne qui vit avec elle et souffre de troubles schizophréniques : le psychiatre vient de changer son traitement et elle n’est pas sûre que sa fille le prenne correctement.

Vous réexpliquez le traitement à Suzanne et à sa mère en insistant sur l’intérêt et la posologie de chaque médicament. Vous proposez l’utilisation d’un pilulier hebdomadaire qui limite le risque d’erreur et évoquez la possibilité,si Suzanne est d’accord, de venir aider à la prise du traitement si le médecin prescrit des séances de surveillance, au moins au cours du premier mois.

(RE) DONNER DE L’INFORMATION MÉDICALE

Redonner des informations médicales est un point important lorsqu’un défaut de connaissance a été identifié, mais il n’est pas inutile de le faire dans tous les cas, au risque de se répéter. En effet, les études estiment que 40 à 80 % des informations données pendant la consultation médicale seraient immédiatement oubliées…

Rappeler systématiquement

→ L’indication générale des différents traitements (contre l’asthme, le diabète…).

→ Leur posologie.

→ Leur intérêt (celui-ci permet de baisser votre tension, celui-là d’éviter les maladies cardiaques…).

→ Les principaux effets indésirables possibles : même s’ils peuvent générer une crainte chez le patient, celui-ci aura moins tendance à arrêter son traitement brutalement s’il est prévenu de leur possible apparition.

→ Chez les patients âgés et/ou présentant des déficiences (troubles visuels, de mémorisation…), il faut rappeler les modalités de surveillance du traitement (AVK…) et veiller à ce que ces informations soient inscrites sur chaque boîte, en particulier si c’est un générique (risque de confusion accrue).

Orienter vers des associations de patients ou réseaux de soins

Parmi les solutions pour améliorer l’observance émises par les e-patients lors de l’enquête nationale “Vos traitements et vous” (lire l’encadré dans Savoir p. 36), le soutien des associations arrive en tête avec 63 % des avis exprimés, que ce soient des associations de patients ou des réseaux de soins.

Sensibiliser les proches

Inviter les proches (parents, aide-ménagère, personne ressource…) à suivre les explications limite les informations plurielles de l’entourage qui brouillent souvent le message médical. Certains programmes des associations de patients ou des réseaux de soins leur sont par ailleurs ouverts.

Penser aux supports-patients écrits

Les documents comme ceux proposés par l’Agence nationale de sécurité du médicament, la Haute Autorité de santé, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, les associations de patients (à télécharger sur les sites Internet), sont utiles pour informer le patient.

DES AIDES TECHNIQUES

Les aides techniques sont surtout adaptées dans le cadre d’oublis répétés, de confusions entre les différents traitements ou de difficultés de manipulation.

Faciliter (si possible) le plan de prise

→ Plus le nombre de prises quotidiennes est élevé, plus le risque de rupture d’observance est important : une étude a montré que l’observance passe de 75 % lorsqu’un seul produit est prescrit à 40 % pour quatre médicaments ou plus… Suggérer dès que possible de simplifier les prises et de les faire coïncider davantage avec le mode de vie du patient (décaler une prise, associations médicamenteuses, formes retard…).

→ Retranscrire de manière visuelle : sous forme de tableau quotidien ou hebdomadaire par heures de prises (matin, midi, soir, coucher) en précisant les indications utiles (en mangeant, à jeun, espace entre les prises…). Astuce : insérer des photos des conditionnements ou des comprimés (couleur, forme) est un plus, car plus le tableau est visuel, plus il limite les erreurs. Le laisser toujours en vue (frigo, table du repas…).

Ritualiser les prises

Associer les prises à des gestes quotidiens comme le lavage des dents, les repas, le coucher, une émission radio quotidienne, etc., permet de limiter les oublis.

Proposer un pilulier

37 % des e-patients chroniques ayant répondu à l’enquête “Vos traitements et vous” (lire l’encadré dans Savoir p. 36) pensent que le pilulier est un moyen de lutter contre l’inobservance. En plus de son aspect pratique (gain de place par rapport aux conditionnements et de temps lors des prises), il permet de contrôler les prises effectives, de limiter les oublis, les erreurs de posologie et les risques de confusion. Le modèle est à choisir selon l’activité du patient (encombrement), le nombre de comprimés, de prises quotidiennes et ses capacités de préhension (clapet, ouverture par pression…). Les modèles électroniques à alarmes programmables sont une sécurité supplémentaire pour limiter les oublis.

Autres dispositifs

Selon les cas, penser aux dispositifs qui facilitent l’administration : enfile-bas ou coupe-comprimés en cas de difficultés motrices, chambres d’inhalation pour les aérosols, pipettes graduées…

Il est aussi important et très enrichissant de faire confiance à la créativité des patients : beaucoup “inventent” des astuces ou dispositifs qui leur permettent d’adapter leurs prises à leur mode de vie et préférences (piluliers personnalisés, plans de prise dessinés, rangement des médicaments dans des endroits familiers comme un étui à lunettes, un agenda…).

LES NOUVELLES TECHNOLOGIES

Elles viennent au secours des malades chroniques, notamment dans le cadre d’oublis réguliers, de confusion ou même de perte d’autonomie, via des systèmes de téléassistance.

SMS et “applis” contre les oublis

→ Mise en place dans le cadre d’un programme d’éducation thérapeutique dans le service de cardiologie de l’Hôpital de la Timone à Marseille (Bouches-du-Rhône), l’utilisation du SMS pour rappeler aux patients de prendre leur traitement antiagrégant par aspirine montre des résultats positifs et remporte la satisfaction de plus de 90 % des patients revenus à domicile. La généralisation des téléphones portables permet d’opter pour une aide à grande échelle via des applications gratuites téléchargeables (AppleStore, Google Play…) qui, selon les paramètres enregistrés, envoient des alertes sonores ou écrites personnalisées. Certaines applications permettent également d’indiquer les prises effectives ou les oublis et d’établir ainsi un suivi d’observance. Quelques exemples : Mes Traitements, iOrdonnance, Ma Pharmacie Mobile, ipharmacien, iPills…

→ Des programmes d’aide à l’observance pour organiser un relais à domicile sont en cours d’expérimentation. La société Observia propose par exemple aux patients diabétiques de recevoir par SMS des messages ciblés selon leur traitement et leurs habitudes renseignés au préalable en pharmacie d’officine partenaire. Ces messages ne concernent pas uniquement les prises médicamenteuses mais également les règles hygiénodiététiques. Choisis parmi 600?messages élaborés en partenariat avec l’Association française des diabétiques et l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), ils sont retranscrits pendant cinq jours selon le principe de l’entretien motivationnel.

Piluliers intelligents

Ces piluliers “intelligents” ou “communicants” sont munis, en plus d’alarmes programmables, de capteurs capables de libérer automatiquement une prise à l’horaire programmée, de déceler la prise ou non des comprimés, voire de bloquer la prise lorsque l’heure est dépassée pour éviter les surdosages. Ils peuvent s’intégrer dans un système de téléassistance, des systèmes d’alertes (mail, SMS, messages vocaux…) pouvant être envoyés à des proches, personnes-ressources et au patient lui-même. Ils sont particulièrement indiqués comme support d’autonomie pour les patients déficients (lire notre article sur les piluliers électroniques dans notre magazine n° 309 de décembre 2014).

Encore peu répandus en raison notamment de leur coût, ils montrent des résultats satisfaisants pour certains patients cibles (lire le point de vue p. 39).

Serious games

→ En plein développement dans le secteur de la santé, ces jeux vidéo à intention pédagogique sont des supports ludiques d’éducation thérapeutique. En se glissant dans la peau d’un cyber-héros, le patient apprend à mieux connaître sa maladie mais aussi à gérer son traitement dans diverses situations quotidiennes.

→ Quelques exemples de serious game : Théo et les psorianautes pour mieux gérer son psoriasis, Inspiratio pour l’apnée du sommeil (programme de télémédecine Respir@dom), Asthmaclic pour l’asthme, L’Affaire Birman pour la gestion du diabète insulinodépendant (par la plateforme Gluciweb)…

Point de vue

« Le pilulier électronique, un plus pour l’observance du patient »

Isabelle Fuchs, l’une des cinq Idels de Claix (Isère) qui ont expérimenté de juin à septembre 2014 le pilulier électronique communicant Carroussel d’Ithaq auprès de patients âgés en foyer-logements

« Après une phase de formation pour lever nos appréhensions et celles du patient sur le fonctionnement de l’appareil, nous avons installé ces piluliers électroniques communicants avec un remplissage hebdomadaire. Passés les balbutiements du départ, les patients les ont bien acceptés. Ils ont moins de contraintes car nous ne passons qu’une fois par semaine. Sur le plan de l’observance, c’est un plus : programmer des horaires en respectant le mode de vie des patients est appréciable et ils ont moins la hantise d’oublier ou de ne plus savoir s’ils ont pris les traitements. Le pilulier a même permis de mobiliser une patiente qui tendait à ne pas prendre son traitement. Mais il faut bien cibler le type de patients, qu’ils ne soient pas trop en manque d’autonomie et qu’une tierce personne puisse les assister en cas d’alarme de dysfonctionnement. En foyer, il y a une personne-ressource mais, à domicile, il nous semblerait difficile que l’Idel puisse gérer ces alarmes pour tous les patients. »

Je cote à la nomenclature

La visite quotidienne pour l’administration des médicaments

n’est pas inscrite à la NGAP, sauf (chapitre 1, article 10 – Surveillance et observation d’un patient à domicile) :

→ administration et surveillance d’une thérapeutique orale au domicile des patients présentant des troubles psychiatriques avec établissement d’une fiche de surveillance : AMI 1 par passage. Et, au-delà du premier mois, AMI 1 par passage avec accord préalable (AP).

→ Surveillance et observation d’un patient lors de la mise en œuvre d’un traitement ou lors de la modification de celui-ci, sauf pour les patients diabétiques insulino-dépendants, avec établissement d’une fiche de surveillance, avec un maximum de quinze jours, par jour : AMI 1 par jour (article 5 bis).

La préparation hebdomadaire des piluliers n’entre pas dans la NGAP en tant qu’acte à part entière, et n’est donc pas prise en charge sauf si elle est incluse dans une démarche infirmière et si elle remplit strictement les conditions : observation et analyse de la situation, diagnostic infirmier, détermination d’objectifs de soins, de surveillance, rédaction et transmission d’un résumé de la démarche… : AIS 4 par séance.