Pour une ligne de contrat - L'Infirmière Libérale Magazine n° 308 du 01/11/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 308 du 01/11/2014

 

JUSTICE

Actualité

CONFLIT > Un Ssiad de Gironde sans infirmier salarié confiait à des Idels ses soins techniques. La donne a changé fin 2013, dans des circonstances qu’une cinquantaine d’Idels dénoncent. Au tribunal.

À gauche de la salle d’audience du tribunal de grande instance de Libourne (Gironde), se serre une poignée d’infirmiers. À droite, se tiennent le directeur du Service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) de l’Association de maintien et de soins à domicile de la Haute-Gironde (AMSADHG) et son avocat. Les deux parties se connaissent pourtant depuis des années, le Ssiad existant depuis 1993.

À l’époque, le Ssiad ne salarie pas d’infirmier (sauf un coordinateur) et gère seulement les soins d’hygiène de ses patients avec ses aides-soignantes, laissant les autres soins aux libéraux. Pour formaliser cette coopération, une convention est signée avec chaque intervenant. Mais, à partir de décembre 2013, le Ssiad décide de recruter des infirmiers salariés. En fin d’année dernière, il envoie alors un courrier aux patients bénéficiant d’une prise en charge mixte (Ssiad et libéraux) en leur demandant de choisir sous huit jours entre les intervenants. Ce fait est à l’origine du conflit, examiné le 2 octobre devant le tribunal.

Me Monroux prend la parole pour une cinquantaine d’Idels, qui se sont par ailleurs regroupés dans l’Association des infirmiers libéraux du Nord Gironde. Selon lui, l’attitude du Ssiad relève de plusieurs infractions.

« Ultimatum » ou « alternative » ?

Tout d’abord, la convention signée entre les parties (et reconductible tacitement chaque année) indique que les « infirmiers responsables de secteur [du Ssiad] s’engagent à ne pas effectuer de soins infirmiers, sauf cas d’urgence et de façon exceptionnelle ». L’attitude du Ssiad est donc vue comme une « trahison » par les Idels, d’autant plus préjudiciable qu’est prise l’habitude d’orienter les sorties d’hospitalisation vers le Ssiad. De plus, les Idels n’ont été prévenus que quelques jours après les patients par une “lettre-circulaire”, une lettre-type, alors que la convention prévoyait un préavis de trois mois pour sa rupture. Enfin, toujours selon Me Monroux, le Ssiad n’a pas respecté le consentement libre et éclairé des patients puisqu’il leur a posé « un ultimatum », « pendant la trêve des confiseurs » de surcroît. Il y a donc « urgence, trouble manifestement illicite et dommage imminent pour les libéraux et pour les patients », ce qui justifie cette action en référé. Il demande l’arrêt de ces « agissements » et le versement d’une provision.

Au tour de Me Hardy de s’exprimer, pour la défense. Pour lui, il faut « raison garder » et s’étonne de « ces partenaires qui nous assignent ». Il indique d’abord que la décision de salarier des infirmiers fait suite à un courrier de l’Agence régionale de santé de mai 2013 qui enjoindrait le Ssiad à le faire. De plus, la phrase de la convention citée plus haut par les Idels ne peut pas être une clause d’exclusivité, car cela serait, selon lui, contraire à la convention signée entre la CPAM et tous les libéraux. Quant à la lettre aux patients, il rappelle qu’elle proposait simplement une « alternative et pas un ultimatum, qui serait illégal ». À ses yeux, les libéraux ne souhaitent surtout pas faire les soins de nursing parce qu’ils sont mal rémunérés. Il reconnaît que la lettre-circulaire manquait d’élégance mais note que très peu d’infirmiers y ont répondu et ne sont pas venus à la réunion organisée à ce sujet. Il estime donc avoir suffisamment informé les Idels et les patients. La demande des Idels serait donc sans motif : rien ne prouve le lien entre la perte en clientèle invoquée par des cabinets et le fait que le Ssiad a salarié des IDE. En conclusion, il demande le rejet des demandes et une provision « raisonnable ». Dans notre prochain numéro, nous reviendrons sur le délibéré, attendu le 23 octobre.