FAUT-IL ÉLARGIR LES CONDITIONS D’ACCÈS ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 306 du 01/09/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 306 du 01/09/2014

 

Procréation médicalement assistée

Le débat

LAURE MARTIN  

La Procréation médicalement assistée (PMA) est actuellement limitée en France aux couples hétérosexuels. Cependant, la loi sur le mariage pour tous, ouvrant le mariage civil aux couples de même sexe, à réouvert le débat sur leur accès à la PMA. Une question de société complexe qui peine à trouver une issue.

Philippe Gosselin

député UMP de la Manche

Que pensez-vous de l’ouverture de la PMA aux femmes homosexuelles et aux femmes célibataires ?

Ce qui est souhaité avec la PMA en France, c’est de pouvoir apporter une réponse à des couples homme-femme qui seraient en situation d’infertilité biologique, en donnant une apparence de filiation réelle. La PMA n’a alors pas vocation à répondre à d’autres demandes et il n’est donc pas envisageable de l’élargir. J’ai conscience que la situation est compliquée, d’autant qu’il est facile d’aller en Espagne ou en Belgique pour y avoir recours. Mais, pour moi, le maintien du cadre initial est important. Pour les femmes célibataires, ce n’est pas une solution non plus car le schéma père-mère n’est pas présent. Je vois bien que la société évolue et que la demande se fait insistante. Mais il s’agit d’une demande égoïste qui a vocation à répondre à un besoin d’enfant plutôt que de penser aux enfants.

Qu’en est-il de l’anonymat des donneurs dans le cadre de la PMA ? Certains revendiquent sa levée, ne serait-ce pour des raisons médicales…

La quête des origines et de la filiation est importante, existentielle. Mais je reste attaché à la vision de l’anonymat et de la gratuité du don. Si on lève l’anonymat, on sera confronté à de très nombreuses demandes de remises en contact, à des difficultés à gérer une double famille ou une paternité. Je suis davantage favorable à la collecte d’un certain nombre de données comme les antécédents médicaux. Et puis, la levée de l’anonymat pourrait également tarir les dons.

Autre voie, la Gestation pour autrui (GPA) : pourquoi ne pas l’autoriser puisque des couples français y ont déjà recours à l’étranger ?

La gestation par autrui est une marchandisation du corps de la femme que l’on réduit à son utérus. Je ne conçois pas que l’on puisse contractualiser un corps humain pour un enfant. Et c’est aussi prendre les États et les législations en otage. C’est facile de contourner la loi pour ensuite demander une validation. Cela voudrait dire qu’il n’y a aucune loi qui vaille. Les États doivent rester maîtres de leur législation. Et quand certains disent que les enfants nés de la GPA sont des fantômes de la République, c’est faux, car ils peuvent obtenir un certificat de nationalité française.

Sergio Coronado

député Europe Écologie Les Verts (EELV) de la deuxième circonscription des Français établis hors de France

Que pensez-vous de l’ouverture de la PMA aux femmes homosexuelles et aux femmes célibataires ?

La position d’EELV est de construire une forme de cohérence. Depuis les années 2000, nous sommes favorables à l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe. Maintenant que c’est acquis, il faut légiférer sur la filiation, car ce sujet ne peut pas être balayé d’un revers de main. On sait que les couples de femmes, dans le cadre d’un projet parental commun, se rendent en Belgique ou en Espagne pour avoir recours à la PMA. Il me semble donc que cette adaptation du Code de la santé publique doit être opérée.

Qu’en est-il de l’anonymat des donneurs dans le cadre de la PMA ? Certains revendiquent sa levée, ne serait-ce pour des raisons médicales…

Avec l’anonymat des donneurs, on feint l’engendrement biologique. Il y a une volonté d’une partie des enfants nés par dons d’accéder aux origines. On peut estimer qu’il s’agit d’une demande d’attachement obsessionnel au biologique. Mais ma première impression est de penser que ces enfants souhaitent un accès aux origines dans le but de mettre à bas le récit de fiction qui s’est construit autour d’eux. C’est pour cela que je suis favorable à la levée de l’anonymat sur la base du volontariat.

Autre voie, la GPA : pourquoi ne pas l’autoriser puisque des couples français y ont déjà recours à l’étranger ?

Il s’agit d’une réalité qui existe, et quand certains dénoncent la marchandisation du corps, c’est justement la loi qui peut l’empêcher. L’interdiction d’y avoir recours est difficile car les citoyens se projettent au-delà des frontières de leur propre pays. Au sein du groupe EELV, nous débattons sur le sujet.

Personnellement, j’ai une certaine réserve, mais une proposition qui me semble raisonnable et raisonnée est celle qui a été faite par Élisabeth Badinter sur la création d’une agence de la GPA qui permettrait à la puissance publique de contrôler cette pratique. Les enfants ne peuvent pas être responsables des choix de leurs parents et ils devraient pouvoir avoir accès à une inscription sur l’état civil et à des documents d’identité, ce qui, dans les faits, est très difficile.