LES AIS 3 DOIVENT-ILS DURER EXACTEMENT TRENTE MINUTES ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 305 du 01/07/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 305 du 01/07/2014

 

COTATION

Le débat

OLIVIER BLANCHARD  

Les actes infirmiers de soins cotés AIS 3(1) s’effectuent « par séance d’une demi-heure », selon la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). Mais est-ce une demi-heure commencée, révolue ou une moyenne entre plusieurs séances ? Les interprétations peuvent diverger entre infirmières libérales et Caisses primaires d’Assurance maladie (CPAM).

Jérôme Pascaud Directeur délégué de la CPAM de la Gironde

Quelle définition donnez-vous aux AIS 3 ?

La DSI [Démarche de soins infirmiers] a été initiée par les partenaires conventionnels à la suite du constat d’une augmentation régulière et forte des actes cotés en AIS. Un arrêté(2) a alors modifié la NGAP. Cet arrêté a ainsi créé ou modifié quatre types d’actes : la DSI elle-même, qui doit être remplie pour tous les actes cotés en AIS ; le Programme d’aide personnalisée [PAP], coté AIS 3,1 ; la séance hebdomadaire de surveillance clinique infirmière et de prévention, cotée AIS 4 ; la séance de soins infirmiers, cotée AIS 3.

Depuis, il n’y a pas eu de modification de la NGAP et la cotation AIS 3 est donc prévue pour une séance de soins infirmiers (hygiène, surveillance, soins courants, observations) d’une durée d’une demi-heure, dans la limite de quatre séances par jour et par patient. La DSI a connu des difficultés de montée en charge et une partie de celles-ci demeurent. Ceci justifie d’ailleurs sa révision, qui est en cours.

Comment comprendre la notion de trente minutes ?

Ce chiffre de trente minutes a été évalué par les représentants syndicaux comme une moyenne. Dans la mesure où il est rare qu’une telle séance dure exactement une demi-heure, il se crée un équilibre entre les séances dépassant ce laps de temps et celles inférieures à cette durée.

Les AIS 3 sont-ils un nouveau quota(3) ?

La nomenclature limite le nombre d’AIS 3 par patient à quatre par jour, correspondant donc à deux heures d’intervention.

Cette limite a été posée considérant qu’au-delà, la légitimité d’une prise en charge en libéral et en ambulatoire se posait, le patient relevant soit d’autres professionnels (c’était le sens de la démarche infirmière qui permettait, au travers d’une cotation spécifique [le PAP], d’identifier les personnes nécessitant l’intervention de personnels autres qu’infirmiers), soit d’établissements de soins ou d’hébergement. Mais ce n’est donc pas un nouveau quota au sens temporel du terme. Il n’existe aucune limitation de nombre d’AIS 3 par jour pour un infirmier auprès de sa patientèle [dans sa totalité], mais il est évident que son volume d’activité doit rester compatible avec la qualité des soins.

André Dahan Porte-parole du collectif Informidel, qui entend informer les professionnels, dont ceux confrontés à un contrôle de CPAM

Quelle définition donnez-vous aux AIS 3 ?

Les infirmiers ont un rôle intellectuel et pratique : une prise en charge, de fait, s’organise sur toute une journée avec le travail de soins mais aussi avec le travail administratif, les appels téléphoniques et la veille de “continuité des soins” que cela représente. C’est un rôle bien plus large que de donner une douche ! Les infirmiers assimilent les AIS 3 aux soins d’hygiène parce qu’ils ont du mal à définir leurs actes, mais c’est un raccourci(4) qui est dangereux. Pour autant, la NGAP sur les AIS 3 est mal écrite, ambiguë et lacunaire… C’est bien cette rédaction qui est la source de nombreux conflits avec la CPAM.

Comment comprendre la notion de trente minutes ?

Elle avait été donnée initialement comme un ordre de grandeur pour aider à coter le nombre d’actes par jour en fonction de la gravité du patient. Mais c’est une vision strictement administrative de considérer que seul compte le temps passé au pied du lit du malade ! La recherche des fraudes est légitime et elle s’applique à toutes les professions de santé mais, mal organisées, les infirmières nous semblent les cibles privilégiées d’une politique du chiffre qui se manifeste rapidement par des gros titres faciles dans la presse.

Les AIS 3 sont-ils un nouveau quota ?

Absolument ! Et ils sont même plus pernicieux car ils s’appliquent à un forfait d’actes journalier. La CPAM décide que tel jour vous avez fait trop d’actes, mais sans préciser quel acte est indu et pourquoi, en se basant sur un nombre variable d’AIS par jour qu’elle considère comme maximal. Et cette répression ne se fait pas sur des actes en cours, mais deux ou trois ans en arrière !

On vous réclame alors des indus alors que les soins ont bien été effectués et que vous avez payé des charges sur les sommes versées. Pourtant, jamais la qualité réelle des soins apportés n’a été remise en cause. On peut travailler honnêtement, dans le respect des règles professionnelles, sans aucun conflit avec les patients… et se retrouver deux ans plus tard condamné à six mois de prison avec sursis ! Une prise de conscience de la profession est donc urgente.

(1) Sur les AIS 3, lire aussi pp. 6-7.

(2) L’arrêté du 28 juin 2002. À lire sur le site de Légifrance, via ce lien : http://bit.ly/1kQoOWI

(3) Les quotas d’actes infirmiers n’existent plus depuis 2002.

(4) Selon la NGAP, la séance d’AIS 3 « comprend l’ensemble des actions de soins liées aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d’autonomie de la personne ».