PluriLib 47 conjugue l’ETP au pluriel - L'Infirmière Libérale Magazine n° 303 du 01/05/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 303 du 01/05/2014

 

LOT-ET-GARONNE (47)

Initiatives

SOPHIE MAGADOUX  

Périodiquement, depuis trois ans, Martine Turo alterne le travail en cabinet et en équipe. Avec six autres professionnels de santé libéraux, elle a créé l’association PluriLib 47, pour dispenser et promouvoir l’éducation thérapeutique du patient.

Que fait Martine Turo à Agen en dehors de sa tournée infirmière ? Le jeudi, son prétendu jour de repos, elle prend régulièrement la direction de “La Clé des sens”, un accueil de jour qui héberge la plateforme de répit “Carpe diem”. L’infirmière y propose des ateliers d’éducation thérapeutique du patient (ETP), dédiés à la prévention des risques de la dénutrition chez les personnes âgées. Un programme écrit et mené conjointement avec six autres professionnels de santé libéraux. Martine a toujours été très active. « En 1994, quand je suis passée en libéral, je voulais travailler à mi-temps, pour élever mon fils et ma fille, alors âgés de neuf et six ans. Mais mon planning a vite débordé », constate-t-elle, sourire en coin. Déjà, entre 1980, quand elle décroche son diplôme au sein de l’hôpital de la ville, et le jour de son installation au cabinet de la rue René-Cassin, son tempérament actif est à l’œuvre : elle suit son militaire de mari de la Guadeloupe jusqu’en Côte d’Ivoire et au Gabon, en passant par les villes du Mans, dans la Sarthe, et de Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales. « Hors de l’Hexagone, j’ai été secrétaire ou encore assistante maternelle, je ne trouvais pas de poste infirmier. En France, j’ai exercé mon métier en clinique et à l’hôpital. » De ses pérégrinations, elle garde un certain recul – « il y a des gens qui vivent avec rien. Nous, nous sommes bien lotis, mais nous ne le savons pas » – et une attitude dans la vie et dans le travail – « s’il y a un besoin, je tente d’y répondre. Les gens de passage ont parfois des difficultés à trouver un cabinet : je les prends alors en charge ».

Un cabinet et plus si affinités

Aujourd’hui, son mari a pris sa retraite, et Martine est toujours dans le même cabinet, avec sa collègue du début. Mais de deux, elles sont tout de même passées à trois, et deux autres cabinets cohabitent avec elles, histoire de faire baisser les frais fixes. Mais surtout, la tournée accomplie, Martine jongle entre formation, syndicalisme et, dernièrement, fonction au sein de l’Ordre en tant que conseillère régionale. Sinon, comment faire avancer la profession ?

C’est dans cette dynamique que l’idée d’un programme d’ETP voit le jour, il y a environ trois ans. En amont, une petite équipe se penche sur les besoins du domicile : « Avec d’autres professionnels, infirmières, généralistes et diététiciennes, nous avons repéré un manque au niveau de la dénutrition des personnes âgées. C’est un enjeu majeur : une personne dénutrie multiplie les risques de chutes et les complications de ses pathologies. À terme, une perte d’autonomie peut se solder par une entrée en institution », explique-t-elle. Comment faire ? Quoi et sous quelle forme ? La solution : équipe pluridisciplinaire et prévention égalent ETP, en ville, pour une version au plus près des patients.

En binôme avec un médecin

Pour constituer une équipe compétente et motivée, ces professionnels contactent Solange Delpech-Granay, une infirmière de leur connaissance. Installée à Monclar, en zone rurale, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest d’Agen, cette dernière est convaincue qu’il ne faut pas rater le coche de l’ETP. « J’avais envie d’aborder le soin autrement, dit-elle, car on sait depuis longtemps qu’un patient impliqué dans son traitement gagne en qualité de vie. En plus, je trouvais ça frustrant de ne récupérer les patients qu’une fois dépendants. » Solange a suivi une formation diplômante universitaire (DU) à l’université Bordeaux-Segalen. Pour son mémoire de fin d’études, elle devait rendre compte d’un projet d’ETP, élaboré et animé par ses soins, en binôme avec un médecin. Elle a eu beau frapper aux portes des cabinets médicaux, assistantes sociales, hôpital local, etc. : pas de candidat. Au final, en 2009, la Mutualité sociale agricole lui offre une alternative : animer des ateliers de prévention des risques cardiovasculaires de son propre programme d’ETP. Elle accepte. Une manière de mettre le pied à l’étrier.

Une motivation sans faille

Martine, ses complices infirmières Isabelle Peyridieu et Anne Roche-Dubernet, Imad Chaaban, médecin généraliste qui fait deux nouvelles recrues stratégiques – la généraliste nutritionniste Dominique Zimmer et la diététicienne Anne Beaussier – et Solange sont faits pour s’entendre. Ils sont donc sept à se lancer dans l’aventure. Solange apporte ses connaissances, son expérience en ETP et tient le sujet de son mémoire universitaire. Le petit groupe de libéraux, doté d’une solide énergie militante, part en campagne. Nom de code : PluriLib 47. Devise : P comme proximité. Car l’équipe se veut mobile en Lot-et-Garonne.

Deux ans de bénévolat plus tard, leur premier programme, baptisé “Ensemble pour un meilleur accompagnement – Malnutrition des personnes âgées”, est fin prêt. Chaque professionnel s’est armé des cinquante heures de la formation de base à l’ETP. “La Clé des sens” leur fait confiance et finance un premier programme qui débute en 2013 avec quatre binômes aidant-aidé. « Ici, pas de cours magistral, indique Martine. On part de ce que les gens connaissent et de ce qu’ils sont, leurs habitudes, leurs croyances… La réussite de l’atelier tient à la confiance qui s’installe au fil des séances, et des échanges qui se nouent entre les différents binômes. » Et puis, en octobre 2013, l’Agence régionale de santé autorise le programme d’ETP.

Réunion au restaurant

Heureux de pouvoir mettre en commun leurs compétences, Martine et ses collègues s’appuient sur le travail d’équipe. « Nous nous répartissons en fonction de nos disponibilités et de façon à assurer le relais auprès des patients et de leurs accompagnants. » Une fois par mois, une réunion de travail se tient au restaurant, et le jeudi, en fin d’atelier, ceux qui le peuvent se rendent à un débriefing affiner quelques points d’organisation. « Le recrutement se fait dans nos patientèles et via la plateforme de répit, une démarche chronophage mais dans nos cordes. En revanche, remplir des dossiers de subvention, réaliser une plaquette de présentation, ça prend un temps fou et ce n’est pas notre métier. Heureusement, une personne de mon entourage travaille dans la communication et nous a pris en main… » Aujourd’hui, l’association est bien équipée avec, entre autres, logo, site Internet et dossier de presse. Un travail de professionnels, de bout en bout.

Un avenir mobile

Deux programmes d’ETP ont été planifiés avec “La Clé des sens” pour l’année 2014. Reste à diffuser l’information pour convaincre d’autres structures de santé, sociales ou communales, de les accueillir à Agen et ailleurs dans le département. « Le 20 mars, sur la commune de Monclar, nous avons organisé une soirée adressée aux professionnels. Sur une centaine d’invités, vingt sont venus, surtout des infirmières, un médecin, des représentants de l’Association de services et de soins à domicile et de l’Aide à domicile en milieu rural, pas de dentistes, ni de kinésithérapeutes et encore moins de mairies. » Pour toucher le plus grand nombre, « on fait aussi du porte-à-porte, pour ma part auprès des pharmacies, qui sont réceptives ». Le projet séduit, il est opérationnel et porte ses fruits, mais il lui manque l’ancienneté pour déclencher les financements officiels.

Malgré les difficultés, PluriLib 47 affirme haut et fort son indépendance, fière de prouver que libéral peut rimer avec travail d’équipe pour le bien du patient. « Nous sommes prêts à accueillir d’autres professionnels désireux de se lancer sur un autre thème. » D’ores et déjà, un organisme d’ETP basé à Bordeaux les a sollicités pour animer un programme de prise en charge de la bronchopneumopathie chronique obstructive sur le Lot-et-Garonne. Les professionnels sont en cours de formation. Le septuor ne manque pas de projets et ne lésine pas sur la qualité. « En juin, nous allons assister à deux conférences à Paris, l’une sur l’ETP et l’autre sur l’alimentation et le cancer. À l’automne, on va refaire une formation à l’entretien motivationnel. Nous l’organisons à Agen avec un prestataire. Nous ne sommes qu’au début de l’aventure et l’idée est de continuer à avancer », s’enthousiasme Martine, en se référant à l’idée d’une équipe vraiment mobile. Comment ? Avec un bus PluriLib 47 !