Les règles de coopération - L'Infirmière Libérale Magazine n° 303 du 01/05/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 303 du 01/05/2014

 

ORDRE INFIRMIER ET JUSTICE

Votre cabinet

ME GENEVIÈVE BELTRAN*   VÉRONIQUE SOKOLOFF**  

En cas de manquement d’une infirmière aux règles professionnelles et déontologiques, l’Ordre des infirmiers peut exercer à son encontre des poursuites disciplinaires. Pour remplir sa mission, il a besoin d’être informé par le parquet, chargé des poursuites pénales, des infractions commises par des infirmières.

Chargé d’assurer le respect des devoirs incombant aux infirmières (lire en encadré), l’Ordre infirmier dispose du pouvoir d’exercer des poursuites disciplinaires contre ses membres. Encore faut-il qu’il soit informé précisément, correctement, en temps et en heure, par le parquet, qui regroupe les magistrats chargés des poursuites en matière pénale. L’enjeu est bien d’articuler les poursuites disciplinaires et les poursuites pénales, qui relèvent donc respectivement de l’Ordre et de la justice. Une circulaire du 24 septembre 2013* dépoussière les anciens textes de loi. Non seulement elle présente les interlocuteurs des parquets au sein de l’Ordre et leurs prérogatives, mais elle rappelle également les informations qui doivent être échangées entre les parquets et les ordres des professions en lien avec la santé publique.

Quelles informations le parquet transmet-il à l’Ordre 

Les informations transmises en cours de procédure

Nous distinguerons, d’une part, les informations qui doivent faire l’objet d’une communication en raison d’une obligation légale et, d’autre part, celles que le parquet peut juger “opportunes” de transmettre.

Les informations transmises de droit

Si l’Ordre est à l’origine d’un dépôt de plainte en justice, au pénal, le parquet doit l’informer des suites données à cette plainte, que soient ou non diligentées des poursuites. Citons, à titre d’exemple, les poursuites engagées pour exercice illégal de la profession ou utilisation frauduleuse de titres ou de diplômes. L’Ordre a également déposé plusieurs plaintes pour mise en danger de la vie d’autrui, en raison de la présence, dans des blocs opératoires, d’aides-soignants.

Lorsqu’il n’est pas à l’origine de la plainte, la seule façon pour l’Ordre d’être informé de l’enquête en cours (menée par le parquet ou un juge d’instruction) est de recourir à la procédure de constitution de partie civile au début de l’enquête, pendant l’enquête et/ou au tribunal.

Tel a été le cas en juin 2011. Un homme avait exercé la profession d’infirmier alors qu’il n’était pas détenteur du diplôme d’État mais d’un certificat technique du deuxième degré d’infirmier de l’armée de Terre délivré le 24 août 1979 par le service de santé des armées. Or, selon la réglementation, ce type de certificat n’est pas reconnu par les Agences régionales de santé pour exercer en qualité d’infirmier dans le civil. Bien qu’informée de cet état de fait, cette personne n’a pas pour autant renoncé à exercer l’art infirmier au sein d’un cabinet médical entre 2005 et 2008. Le 8 septembre 2011, le tribunal correctionnel de Nice l’a reconnu coupable d’exercice illégal de la profession d’infirmier et l’a condamné à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis. Il a en outre accueilli la constitution de partie civile du conseil départemental de l’Ordre des infirmiers des Alpes-Maritimes.

Aux termes de l’article L4312-7 du Code de la santé publique, « le Conseil national peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession d’infirmière ». Mais quels sont les faits susceptibles de porter atteinte à l’intérêt collectif de la profession ? La loi ne dit rien. Il faut se référer aux critères posés par la jurisprudence. Il s’agira ainsi des infractions commises par une infirmière dans l’exercice de ses fonctions et de nature à porter atteinte à la considération de l’ensemble de la profession, c’est-à-dire un fait susceptible de jeter le discrédit sur la profession.

Les informations transmises par “opportunité”

En principe, la communication de pièces pendant une instruction est interdite. Cependant, certaines informations peuvent intéresser directement l’Ordre, comme, par exemple, le placement d’une infirmière sous contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer sa profession, cette interdiction pouvant avoir un impact direct sur l’inscription de la praticienne au tableau de l’Ordre. Par ailleurs, le parquet peut être amené à communiquer certaines pièces de la procédure à l’Ordre, lorsque celui-ci envisage d’engager rapidement des procédures disciplinaires visant à prévenir toute atteinte à la santé publique.

La communication des décisions de justice

En vertu de l’article L4312-9 du Code de la santé publique, la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre peut prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre d’une infirmière condamnée par une juridiction pénale. Dès lors, il appartient à la justice d’informer au plus vite l’Ordre de toute condamnation devenue définitive. Ainsi, quelle que soit l’infraction visée dans la condamnation, et ce, même s’il n’existe aucun lien avec l’exercice de la profession, le parquet doit informer le Conseil national de l’Ordre. Rappelons, d’une part, qu’une condamnation pénale est de nature à remettre en question la moralité professionnelle d’une infirmière, ce qui constitue une condition d’inscription à l’Ordre et, d’autre part, que le juge disciplinaire est tenu par une décision pénale devenue définitive. Ainsi une infirmière à l’encontre de laquelle une mesure d’interdiction d’exercice définitive de la profession serait prononcée doit-elle être radiée du tableau de l’Ordre. Nous avons également évoqué (lire notre magazine n° 300 de février 2014) le cas d’une infirmière à qui l’on a refusé une inscription au tableau de l’Ordre pour avoir été condamnée, alors qu’elle exerçait le métier d’institutrice, à 18?mois de prison avec sursis pour actes de violence envers des mineurs. L’Ordre a considéré qu’elle ne remplissait pas les conditions de moralité exigées pour l’exercice de la profession, une décision approuvée par le Conseil d’État (CE, 6 mars 2013, n° 349582).

Quelles décisions l’Ordre transmet-il au Parquet ?

Les sanctions disciplinaires (interdiction d’exercice de la profession, ferme – donc sans sursis – ou encore une mesure de radiation), sous réserve qu’elles soient devenues définitives – donc n’étant plus susceptibles de recours contentieux – sont inscrites au casier judicaire de la praticienne. C’est donc l’Ordre qui, dans ce cas, informera le parquet des sanctions disciplinaires prononcées, informations qui seront transmises sous la forme de ce qui a été appelé une “fiche navette” type.

* Circulaire relative aux relations entre les parquets et les ordres des professions en lien avec la santé publique (NOR : JUSD1323940C).

ORDRE Le respect des principes éthiques

Aux termes des articles L4312-1 et L4312-2 du Code de la santé publique, l’Ordre national des infirmiers veille à maintenir les principes éthiques et à développer la compétence indispensable à l’exercice de la profession. Le Conseil national de l’Ordre prépare un code de déontologie (édicté sous forme de décret en Conseil d’État) énonçant notamment les devoirs des infirmières dans leurs rapports avec les patients, les membres de la profession et les autres professionnels de santé. Ce Conseil assure par ailleurs la défense, l’honneur et l’indépendance de la profession d’infirmier.