Prothèses auditives trop chères : à qui la faute ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 302 du 01/04/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 302 du 01/04/2014

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

NATHALIE DA CRUZ  

AUDITION > De nombreux patients malentendants renoncent à porter des audioprothèses en raison du reste à charge très élevé. Or une audition insuffisante est un facteur de repli social.

Quelques semaines avant la 17e Journée nationale de l’audition le 13 mars, l’Union nationale des syndicats d’audioprothésistes français (Unsaf) a mis en exergue le faible taux de remboursement des prothèses auditives, qui expliquerait le sous-équipement des Français. « Notre pays compte 6 millions de malentendants, dont 2,5 à 3 millions devraient être équipés(1). Seuls 1,5 million le sont », déplore Luis Godinho, président de l’Unsaf. Un tiers des malentendants a entre 60 et 75 ans, un autre tiers a plus de 75 ans. En effet, l’âge entraîne irrémédiablement une baisse auditive, ou presbyacousie.

La surdité ou la démence ?

Or une prothèse auditive, ou audioprothèse, de gamme moyenne, coûte 1 500 euros. Sachant que la Sécurité sociale ne rembourse que 119 euros, et que les complémentaires ajoutent, en moyenne, 350 euros, le reste à charge moyen est donc de 1 000 euros par appareil…

À qui la faute ? On a tout entendu – si l’on peut dire – ces derniers mois : des fabricants trop cupides, des audioprothésistes pratiquant des marges faramineuses… Benoît Hamon, ministre chargé de la Consommation, a déclaré récemment qu’il voulait réguler les prix des audioprothèses. Et la Direction générale de la concurrence s’intéresserait de près aux pratiques des audioprothésistes, à la suite d’un rapport de la Cour des comptes pointant un secteur quelque peu opaque(2)

Pour l’Unsaf, c’est avant tout le faible montant du remboursement par la Sécurité sociale qui est à mettre en cause. Mais pas seulement. « Il existe aussi des freins psychologiques puissants », note Luis Godinho. Étrangement, si la cécité incite à la gravité, la surdité, elle, engendre ricanements et moqueries. Le malentendant préfère dissimuler son handicap, renoncer aux soins et s’isoler peu à peu. Or cette attitude est néfaste sur la durée. « Plusieurs études mettent en évidence une corrélation entre vieillissement, perte auditive et accroissement du risque de sénilité », insiste Bruno Frachet, chef de service ORL à l’hôpital Rothschild, Assistance publique – Hôpitaux de Paris. Mieux rembourser les audioprothèses pour faire des économies, à long terme, sur la prise en charge des démences ? C’est en substance l’enjeu du débat.

L’Unsaf prône une hausse du remboursement de la Sécurité sociale au niveau de nos voisins européens, de l’ordre de 600 à 700 euros. Et espère que la Stratégie nationale de santé, qui insiste sur la prévention et sur la prise en charge du handicap, va s’emparer rapidement de ce dossier.

(1) Selon un rapport de l’Igas sur les aides techniques pour les personnes handicapées, avril 2013.

(2) Rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, septembre 2013.

3 questions à

Dr Jean-Michel Klein, président du syndicat national des ORL

En termes de prise en charge, que doit faire une personne malentendante ?

Elle voit son médecin traitant, qui fait un premier examen clinique et l’oriente vers un médecin ORL. Si le port d’une prothèse est nécessaire, l’ORL donne les coordonnées d’au moins deux audioprothésistes.

Comment l’audioprothésiste intervient-il auprès du patient ?

Il doit tenir compte de son environnement et de ses activités quotidiennes pour lui proposer le produit le plus adapté. Il l’accompagne pendant la durée de vie d’une prothèse, qui est de cinq ans, en moyenne.

Les Idels ont-elles un rôle à jouer ?

Bien sûr ! Elles qui côtoient les patients au quotidien peuvent, dès qu’elles repèrent une déficience auditive, les inciter à voir leur généraliste. Je prépare une formation en développement professionnel continu sur le parcours de soins des déficiences auditives, notamment ouverte aux Idels. La formation devrait être déclinée en région à partir de 2015. Elle comprendra des simulations de cas cliniques. L’important est que les différents intervenants adoptent le même discours. Les Idels ont surtout un rôle à jouer pour inciter le patient, par un discours bien choisi, à consulter. Par les mots, elles le respectent tout en l’alertant.