Donner des conseils pour l’hygiène de vie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 300 du 01/02/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 300 du 01/02/2014

 

Cahier de formation

Savoir faire

Madame R., enceinte de trois mois, est immunisée contre la toxoplasmose mais a peur d’attraper la listériose. Doit-elle se séparer de son chat ?

Vous la rassurez car elle est immunisée contre la toxoplasmose. En revanche, pour minimiser les risques de listériose, elle doit éviter fromages au lait cru, charcuteries non recuites, produits d’origine animale crus ou peu cuits (viandes, coquillages, poisson cru ou fumé).

UNE ALIMENTATION ADAPTÉE

Prévenir les carences

Besoins augmentés

Pendant la grossesse, pour assurer le maintien de l’homéostasie maternelle et le développement fœto-placentaire, les besoins énergétiques augmentent de 100 Kcal par jour le deuxième trimestre (soit 2 100 Kcal/j en moyenne) et de 200 Kcal par jour le troisième trimestre. La ration journalière ne doit pas descendre en dessous de 1 600 Kcal, même en cas de surpoids.

Équilibrer suffit

Les mécanismes physiologiques de compensation (accroissement de l’appétit, du volume plasmatique, de l’absorption des nutriments…) couplés à une alimentation équilibrée suffisent généralement à couvrir l’augmentation des besoins.

L’alimentation recommandée diffère peu de celle qui est conseillée à tout adulte dans le PNNS (Plan national nutrition santé).

Les principes à rappeler

→ Respecter les rations et horaires des trois repas avec éventuellement une collation, mais ne pas manger pour deux.

→ Respecter l’équilibre des apports par groupe d’aliments.

→ Limiter les produits sucrés (pâtisseries, bonbons, sodas…).

→ Boire de l’eau (1,5 litre par jour), limiter le café et le thé, éviter les energy drinks (comme le Red Bull…) riches en caféine.

Ajuster aux besoins particuliers de la grossesse

Consommer des aliments riches en vitamine D (poissons gras type sardine, saumon), en iode (poissons, sel iodé), en calcium (trois à quatre produits laitiers par jour), en fer (légumes secs, viandes), en acides gras polyinsaturés (poissons gras, huiles d’olive…), en folates (levure en paillette, épinard, melon, noix…). Pour en savoir plus, lire Le guide nutrition pendant et après la grossesse du PNNS (voir ci-contre et partie Savoir plus p. 49).

Des suppléments : pour qui, pourquoi ?

Des suppléments médicamenteux (nutriments sous forme de médicaments) peuvent être prescrits selon les besoins.

Systématiquement

→ Les folates (vitamine B9). Le rôle d’une carence en vitamine B9 est établi dans le risque d’anomalies de fermeture du tube neural (essentiellement spina bifida et anencéphalie) qui se constituent très précocement, entre la troisième et la quatrième semaine de grossesse. Une Française sur deux présentant un déficit en folates, une supplémentation est systématiquement conseillée à raison de 400 µg par jour ou 5 mg par jour en cas d’antécédents familiaux (Spéciafoldine 0,4 mg ou 5 mg) deux mois au moins avant et deux mois après la conception.

→ La vitamine D. Une carence expose à une perte osseuse maternelle et à une hypocalcémie néonatale. Les besoins sont couverts pour deux tiers par la production cutanée sous influence des rayons solaires. Une supplémentation est recommandée par voie orale le plus souvent (ampoule à 100 000 UI) au début du septième mois de grossesse.

Selon les risques de carence

→ L’iode. Les besoins sont augmentés d’environ 50 UI par jour. Une carence expose à des anomalies du développement mental de l’enfant. Une supplémentation à raison de 100 µg par jour peut être mise en place (si tabagisme, grossesses rapprochées, régime végétalien…).

→ Le fer. L’anémie en début de grossesse augmente le risque de prématurité, de mortalité périnatale et d’hypotrophie, mais l’excès expose au risque d’HTA ou de diabète gravidique. Seules les femmes présentant une anémie par carence martiale identifiée par dosage de l’hémoglobine (Hb < 11 g/dl) doivent être supplémentées, à raison de 40 à 60 mg par jour jusqu’à correction. Une numération formule sanguine (NFS) est donc recommandée en début de grossesse.

Limiter les risques infectieux alimentaires

Mesures générales

→ Se laver les mains et brosser les ongles plusieurs fois par jour, notamment avant et après manipulation des aliments, après avoir touché des animaux ou fait du jardinage…

→ Surveiller la température du réfrigérateur (2 °C dans la zone la plus froide), le nettoyer et le désinfecter régulièrement à l’eau de Javel, emballer et séparer les aliments crus et cuits.

À savoir : la congélation ne tue pas les bactéries mais empêche leur développement. Seuls les kystes de toxoplasme sont détruits par congélation plusieurs jours à -18 °C.

Toxoplasmose

→ Bien cuire la viande (bœuf, mouton, cheval, porc, gibier) dans toute son épaisseur, éviter les viandes marinées ou fumées. Si la cuisson est incertaine (comme au restaurant par exemple), il vaut mieux préférer les volailles et poissons.

→ Laver soigneusement les légumes et plantes aromatiques, le plan de travail et les ustensiles en contact.

→ Éviter tout contact avec les excréments de chats (y compris la litière, la terre…) : faire changer et désinfecter la litière par une tierce personne ou porter des gants (pour le jardinage également).

Listériose

→ Bannir les fromages à pâte molle à croûte fleurie ou lavée (camembert, brie, munster…), notamment au lait cru. Les fromages à pâte pressée cuite (comté, gruyère, parmesan…) et à tartiner peuvent être consommés (sans la croûte).

→ Éviter les charcuteries sans cuisson avant consommation : pâtés, rillettes, foie gras, en gelée…

→ Écarter les produits d’origine animale crus ou peu cuits : viandes, coquillages, poissons crus, fumés.

Salmonellose

→ Préférer la conservation des œufs au réfrigérateur.

→ Ne pas consommer d’œufs crus ou mal cuits. Les produits à base d’œufs sans cuisson (mayonnaises, pâtisseries, etc.) doivent être de préférence consommés dès réalisation.

Surveiller le poids

→ Maîtriser la prise de poids favorise une grossesse et un accouchement sans complication, un retour plus facile au poids antérieur après accouchement et prévient l’apparition à long terme de l’obésité, du diabète, de complications cardiovasculaires. Pour une femme de poids normal, la prise de poids considérée comme “idéale” est d’environ 12 kg (+ 3 à 4 kg si c’est une grossesse gémellaire). Généralement, la prise de poids est de 4 à 5 kg dans la première moitié de grossesse puis 1 à 2 kg par mois.

→ En cas de prise de poids excessive, commencer par adopter une alimentation équilibrée. Mais ne pas entreprendre de restriction calorique drastique. Le recours à des conseils diététiques est recommandé.

À noter : une prise de poids insuffisante doit également alerter car elle augmente le risque de fausse couche. Les conduites alimentaires à risque (anorexie, boulimie, vomissements…), préexistantes ou apparues lors de la grossesse nécessitent un suivi systématique pluridisciplinaire (psychologues, diététiciens…).

GARE AUX « MÉDOCS »

Pas d’automédication

Il est important de sensibiliser aux risques potentiels de tout médicament durant la grossesse.

Les règles d’or

→ Ne prendre aucun médicament en automédication, même un collyre ou une pommade.

→ Toujours consulter l’avis du médecin, de la sage-femme ou du pharmacien avant de prendre un médicament. Un conseil peut également être pris auprès des centres de pharmacovigilance (liste disponible sur le site www.sante.gouv.fr) ou du CRAT (Centre de référence sur les agents tératogènes, site Internet www.lecrat.org).

→ Ne prendre un médicament que si c’est strictement nécessaire, pendant une période la plus courte possible.

À retenir : le paracétamol demeure l’antalgique de référence au cours de la grossesse. Les AINS (y compris l’ibuprofène : Avil, Nurofen…) et aspirines à dose supérieure à 500 mg sont contre-indiqués, même à prise ponctuelle, à partir du sixième mois, et déconseillés tout au long de la grossesse.

Gérer les “petits maux”

Nausées, vomissements

→ Fractionner les apports : repas de faible volume mais plus fréquents (toutes les trois ou quatre heures).

→ Prendre une collation en soirée et éviter de prendre son petit-déjeuner dès le lever.

Si les troubles persistent, des méthodes naturelles comme le gingembre ou l’acupuncture peuvent être envisagées, voire un antihistaminique sur conseils du médecin ou de la sage-femme.

Remontées acides

→ Fractionner les repas, manger lentement en mâchant bien.

→ Éviter les aliments gras, acides, les boissons gazeuses, la caféine.

→ Ne pas se coucher immédiatement après le repas, surélever la tête du lit.

→ Sur conseil médical, les antiacides (sels de magnésium, alginates) peuvent être proposés en première intention.

Constipation/hémorroïdes

→ Privilégier des aliments riches en fibres (son, fruits et légumes verts).

→ Boire suffisamment : 1,5 litre par jour, et si besoin une eau riche en magnésium.

→ Sauf contre-indications, marcher l’équivalent d’au moins trente minutes par jour.

Si besoin, les laxatifs osmotiques (lactulose, sorbitol…) peuvent être utilisés et, en cas d’hémorroïdes et sur avis médical, les anesthésiques locaux et certains veinotoniques.

Jambes lourdes

Pour améliorer le retour veineux, marcher quotidiennement, surélever les jambes la nuit, éviter les sources de chaleur (comme les bains chauds, le chauffage au sol, le soleil…). Des bas de compression peuvent être prescrits.

ACTIVITÉS « PIANO »

Au quotidien

→ Respecter le besoin de sommeil accru, éviter de rester debout trop longtemps.

→ Éviter le port de charge lourde (risque de fausse couche ou accouchement prématuré).

Loisirs

→ Ne pas pratiquer les sports à risque de chute ou traumatisme (ski…), privilégier les activités relaxantes (natation, marche…).

→ Éviter les voyages longs en fin de grossesse (pas après huit mois), préférer l’avion ou le train.

Sexualité

Le couple peut conserver une vie sexuelle normale, sauf grossesse à risque (risque hémorragique, placenta en position anormale…). La baisse de libido est néanmoins fréquente chez la future mère.

DES COMPORTEMENTS À RISQUE À ÉVITER

L’Idel, notamment au domicile, peut tenir un rôle dans le repérage de comportements à risque, parfois tus par les futures mamans. En cas de suspicion, si une relation de confiance s’établit, une démarche en quatre temps est possible.

1. Dépister par un questionnement ciblé : “Buvez-vous un peu d’alcool depuis que vous êtes enceinte”, “Vous sentez-vous en sécurité dans votre couple”… Attention au ton ! Moraliser ou culpabiliser la mère revient souvent à bloquer ses confidences.

2. Informer sur les risques : même minimale, l’information montre son efficacité, surtout si elle est axée sur l’enfant : “consommer des drogues peut rendre le bébé dépendant”, “l’alcool peut engendrer des bébés de petite taille”… Des outils de documentation sont disponibles : pour les professionnels (Guide concernant l’usage de substances psychoactives durant la grossesse, www.drogues-info-services.fr, Alcool et grossesse, parlons-en, www.sante.gouv.fr) ou pour le grand public (Zéro alcool pendant la grossesse, Grossesse et tabac, sur www.inpes.fr).

3. Noter dans le dossier le ou les facteurs de risque identifiés.

4. Inciter à une prise en charge spécialisée. Se constituer un carnet d’adresses de personnes ressources (tabacologues, addictologues, assistantes sociales…) et de structures de proximité spécialisées dans le domaine de l’addictologie (réseaux, etc.).

Orienter également vers des écoutes anonymes :

→ Tabac info service : 3989, www.tabac-info-service.fr.

→ Écoute cannabis : 0980 980 940.

→ Alcool info service : 0980 980 930.

→ Drogues info service 0800 231 313, www.drogues-info-service.fr.

→ SOS femmes (violences conjugales) : 3919 (anonyme et gratuit).

DES VACCINS AU POINT

Avant la grossesse

→ Diphtérie-tétanos-polio : mettre à jour si besoin.

→ Coqueluche : pas de risque de transmission in utero, mais la mère peut infecter son nouveau-né par voie respiratoire, avec, chez les nourrissons, un risque de complications respiratoires et neurologiques mortelles. La stratégie du cocooning est recommandée (lire encadré page ci-contre).

→ Rubéole : un rattrapage avec une dose de vaccin trivalent ROR est recommandé pour toutes les femmes nées avant 1980 non vaccinées et ayant un projet de grossesse, sauf si les résultats d’une sérologie confirment leur immunité.

→ Varicelle : plus de 90 % des femmes en âge de procréer sont immunisées. Néanmoins, devant les risques fœtaux (lésions cutanées, neurologiques, mort in utero), la vaccination est recommandée pour toute femme en âge de procréer sans antécédent clinique.

Pendant la grossesse

→ Les vaccins vivants atténués sont en général contre-indiqués (rubéole, rougeole, oreillons, varicelle, tuberculose, fièvre jaune…).

→ Les vaccins non vivants (hépatites ? A et B, méningocoques, pneumocoque, coqueluche…) peuvent être utilisés en cas de risque important : voyage, contexte épidémique…

→ Le vaccin contre la grippe saisonnière est recommandé chez toutes les femmes enceintes, quel que soit le trimestre de la grossesse.

Attention : les femmes enceintes, même vaccinées les années précédentes, ne sont pas incluses dans le dispositif simplifié permettant l’injection hors prescription médicale par les infirmières libérales.

Après la grossesse

Il est recommandé de vacciner :

→ contre la coqueluche, toute mère non vaccinée ;

→ contre la varicelle, les femmes sans antécédent clinique ;

→ contre la rubéole, les femmes dont la sérologie est négative ou inconnue.

Question de patiente

Faut-il prendre des compléments alimentaires ?

Les compléments alimentaires « spécial grossesse » disponibles en vente libre sont des mélanges de nutriments et acides gras essentiels, vitamines et oligoéléments indiqués en cas d’alimentation déséquilibrée ou de risque de carence. Mieux vaut demander l’avis du médecin ou de la sage-femme, car leur association entre eux ou à des suppléments médicamenteux expose à un risque de surdosage parfois délétère (notamment en fer ou en vitamine ? A, potentiellement tératogène).

La stratégie du cocooning

Pour protéger les nouveau-nés contre la coqueluche, on recommande la vaccination chez les adultes susceptibles de devenir parents dans les mois ou années à venir. Dans le nouveau calendrier vaccinal, un rattrapage coquelucheux avec le vaccin quadrivalent dTcaPolio (Repevax, BoostrixTétra) est proposé à l’occasion du rappel fixé à l’âge de 25 ans. Avant ou pendant la grossesse, il est de plus recommandé de vacciner les membres de l’entourage familial (père, enfant non à jour, grands-parents…). Chez l’adulte, le délai minimal séparant une vaccination dTPolio de l’administration du vaccin quadrivalent dTcaPolio peut être ramené à deux ans.

À noter : tous les professionnels de santé devraient être vaccinés contre la coqueluche.