Prado gagne du terrain - L'Infirmière Libérale Magazine n° 299 du 01/01/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 299 du 01/01/2014

 

POLITIQUE DE SANTÉ

Actualité

CÉCILE ALMENDROS  

COORDINATION → L’Assurance maladie développe ses Programmes d’accompagnement du retour à domicile après hospitalisation (Prado). Deux des trois formules existantes impliquent les infirmières libérales.

La stratégie nationale de santé du gouvernement prétend structurer les soins de proximité ? C’est aussi ce que fait la Caisse nationale d’Assurance-maladie des travailleurs salariés (Cnamts), avec ses programmes d’accompagnement du retour à domicile après hospitalisation (Prado), vante son directeur général Frédéric Van Roekeghem, lors d’un récent point d’information mensuelle de la Cnamts. L’objectif est double : satisfaire l’assuré en coordonnant l’intervention de professionnels libéraux autour de sa situation et dégager des économies pour l’Assurance maladie.

Une liste de libéraux

Fort de cette philosophie, Prado se décline déjà en trois volets, et ce n’est qu’un début. Tous sont construits sur le même modèle : avant l’intervention, l’équipe médicale hospitalière informe le patient de l’existence du programme et l’y préinscrit s’il le souhaite ; une fois l’éligibilité du patient confirmée, celui-ci reçoit la visite d’un conseiller de l’Assurance maladie qui lui soumet une liste de professionnels libéraux et informe son médecin traitant ; enfin, le conseiller prend rendez-vous avec les professionnels de ville qui assureront la prise en charge à domicile.

Optimiser la rééducation

Le premier volet, lancé en 2010, concernait l’accompagnement à domicile des jeunes femmes accouchées par des sages-femmes libérales. Sur 800 000 accouchements recensés chaque année en France, Prado maternité ne concerne que les femmes majeures ayant accouché, sans complication et par voie basse, d’un enfant unique, soit « une cible de 300 000 assurées », précise Frédéric Van Roekeghem. En 2013, la quasi-totalité des caisses primaires d’Assurance maladie proposaient le service(1), témoignant d’« une montée en charge réussie », se félicite la Cnamts. En décembre 2011 a démarré Prado orthopédie, un programme beaucoup plus médicalisé. L’objectif est d’optimiser la rééducation post-opératoire de six interventions chirurgicales(2), ciblées en raison notamment d’un taux de recours plus élevé que la moyenne aux soins de suite et réadaptation (SSR). « Une rééducation en SSR coûte 5 000 euros par patient en moyenne contre 700 à 800 euros pour une prise en charge en ville », note Frédéric Van Roekeghem. Or le recours aux SSR est très hétérogène, variant par exemple selon les régions de 25 à 61 % pour une opération de hanche… Prado orthopédie, proposé dans 43 établissements, coordonne l’intervention du médecin traitant, de l’infirmière libérale et du kinésithérapeute. La Cnamts estime à 150 000 le nombre de patients pouvant relever de ce service, qui affiche déjà un taux d’adhésion de 80 %(3). La satisfaction « très élevée » des chirurgiens orthopédistes et des patients conduit la Cnamts à vouloir généraliser le programme en 2014.

Protocole spécifique

Dernier-né des Prado, le volet insuffisance cardiaque (IC) est expérimenté depuis mai 2013 à Bordeaux, rejoint depuis par cinq autres sites(4). Il s’agit du plus structuré des trois programmes, censé réduire le taux de réhospitalisation et de mortalité pour décompensation cardiaque. Le protocole, validé par la Haute Autorité de santé, décrit très précisément les modalités d’intervention et le rôle du cardiologue, du médecin traitant et de l’infirmière libérale jusqu’à six mois après le retour à domicile. L’infirmière intervient ainsi une première fois dans les sept jours suivant la sortie d’hospitalisation, puis une fois par semaine pendant deux mois. Pour les patients en stade III et IV de la NYHA(5), elle poursuit ses visites deux fois par mois jusqu’au sixième mois. Quelque 170 patients bénéficiaient de ce service en décembre.

« Bonne idée au rabais »

Si les patients semblent enchantés, que pensent les infirmières de Prado ? Le volet orthopédie « ne change pas grand-chose », estime Élodie Achard, Idel à Agneaux, dans la Manche : « Maintenant, c’est quelqu’un de la Sécurité sociale qui nous appelle et coordonne tout plutôt que le patient », résume-t-elle. Pour le reste, l’Idel dispense les soins habituels pendant la durée fixée par l’ordonnance médicale.

Le Prado IC, en revanche, rémunère spécifiquement l’infirmière. Une nouvelle lettre-clé (RAD pour retour à domicile) a été créée, cotée AMI4. « Comme pour les pansements lourds, nous aurions dû avoir en plus la majoration de coordination infirmière », pointe Valérie de Sousa, trésorière de l’URPS-infirmiers de Haute-Normandie. Entre le recueil des données cliniques, le point sur la prise du traitement, l’éducation thérapeutique, l’appel au médecin le cas échéant, la consultation hebdomadaire dure « au moins une demi-heure », observe-t-elle. Sans compter la formation préalable obligatoire de « trois heures » en e-learning. Bref, le Prado IC « est une bonne idée au rabais », déplore Valérie de Sousa.

Deux programmes en projet

Un point de vue que la profession pourra défendre lors des négociations sur les soins de proximité convoquées par le gouvernement au premier trimestre 2014, la Cnamts entendant saisir cette occasion pour promouvoir Prado. « On va chercher l’accord avec les professionnels de santé comme nous l’avions fait avec les sages-femmes » pour Prado maternité, confie Frédéric Van Roekeghem. La Cnamts testera dès 2014 deux autres Prado, relatifs à l’accompagnement du retour à domicile de patients hospitalisés pour broncho-pneumopathie chronique obstructive et plaies chroniques. Au total, plus de 200 000 assurés devraient donc être concernés par au moins l’un des volets du service Prado cette année.

(1) Prado maternité est désormais disponible dans 102 CPAM, soit au total 328établissements. Les quatre caisses qui n’ont pas lancé le service sont victimes du manque de sages-femmes libérales en exercice dans leur périmètre d’intervention.

(2) Quatre interventions programmées (chirurgie pour rupture de la coiffe des rotateurs, prothèse totale de hanche et de genou, ligamentosplastie du croisé antérieur du genou) et deux traumatologiques (prothèse de hanche pour fracture du col fémoral et ostéosynthèse fémorale après fracture trochantérienne).

(3) Selon les chiffres présentés le 22 octobre par la Cnamts, Prado orthopédie totalisait 433 adhésions sur 543 présentations du programme : les adhérents étaient âgés de 67 ans en moyenne et 55 % étaient des femmes.

(4) Strasbourg, Amiens, Rennes, Rouen et Nancy, pour une dizaine d’établissements au total.

(5) Classification de l’insuffisance cardiaque par la New York Heart Association.

Transport : ne pas faire les frais des frais

Les frais de transports constituent-ils un frein à la prise en charge en ville ? Le coût d’un séjour en SSR est en moyenne « cinq fois plus élevé que celui d’un patient bénéficiant d’un suivi à domicile dans le cadre du volet orthopédie de Prado », rappelle la directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de la Cnamts, Mathilde Lignot-Leloup. La Cnamts a donc un intérêt financier au développement de ce Prado. Mais les masseurs-kinésithérapeutes, entre autres, ont attiré son attention surle fait qu’en ville, les patients à qui une rééducation a été prescrite ont à supporter des frais de transport, par définition inexistants en SSR. Des frais susceptibles de dissuader d’adhérer à Prado. Leur prise en charge sera donc expérimentée en 2014 « sur un ou deux territoires choisis par le ministère dans le cadre des expérimentations Paerpa* », dont le cadre juridique permet cette dérogation, précise Mathilde Lignot-Leloup, « probablement en Gironde ». Pour le directeur général de la Cnamts, Frédéric Van Roekeghem, « il est légitime que les gains » générés par Prado « puissent être partagés et que les patients aient un incitatif positif » à y adhérer.

* Personnes âgées en risque de perte d’autonomie (lire L’ILM n° 296).