EXERCICE EN GROUPE, LA SÉPARATION - L'Infirmière Libérale Magazine n° 296 du 01/10/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 296 du 01/10/2013

 

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FICHE PRATIQUE

La vie professionnelle a ceci de comparable à la vie amoureuse qu’elle est faite de “hauts et de bas”. Et puis, un jour, la séparation devient inévitable. Mais comment procéder afin qu’elle soit le moins dommageable possible ?

Rappelons tout d’abord que les règles professionnelles des infirmières prévoient que « toute association ou société entre des infirmiers ou infirmières doit faire l’objet d’un contrat écrit qui respecte l’indépendance professionnelle de chacun d’eux » (article R. 4312-35 du Code de la Santé publique, CSP). Cependant, de nombreuses professionnelles continuent d’exercer ensemble sans qu’aucune convention ne les lie. Qu’il existe ou non un écrit, il conviendra de trouver un arrangement à l’amiable et de respecter un certain formalisme.

Respecter un délai de préavis

Le retrait d’un associé d’une société civile professionnelle, SCP (R. 4381-69 CSP), ou d’une société d’exercice libéral, SEL (R. 4381-19 du CSP), prend effet à la date qu’il indique ou, à défaut, à celle de la notification à la société de son retrait. Toutefois, les statuts peuvent prévoir que le retrait ne prendra effet qu’à l’expiration d’un délai, sans que ce délai puisse excéder six mois à compter de la notification. En règle générale, les statuts prévoient un délai de six mois.

Les contrats d’exercice en commun prévoient le plus souvent un délai à respecter par la partie qui souhaite sortir du contrat ou dénoncer la convention.

Lorsque l’association de fait n’a pas été formalisée, il conviendra toutefois de respecter un délai raisonnable avant toute rupture définitive. En effet, une rupture trop brutale unilatérale pourrait être sanctionnée par les tribunaux dès lors qu’elle aurait occasionné un dommage aux autres membres du cabinet.

Céder ses parts ou partager la clientèle

L’associé d’une société d’exercice pourra monnayer son départ en cédant ses parts à l’acquéreur potentiel, avec l’accord des autres membres du groupe. Dans le cas de la SCP, la société sera tenue de les lui racheter. En cas de désaccord, la valeur des parts sera déterminée par un expert. En tout état de cause, la clientèle reste détenue par la société d’exercice et une clause de non–concurrence peut être opposée à l’associé retrayant ayant cédé ses parts.

En l’absence de contrat initial, il est préconisé d’établir un écrit précisant les modalités de la séparation, signé par toutes les parties. Ce document spécifiera la répartition des patients composant la clientèle. Toutefois, ce partage ne sera pas opposable au patient qui, informé, reste libre de choisir la professionnelle qui lui dispensera des soins. Cette liberté est rappelée à l’article R. 4312-8 du CSP : « L’infirmier ou l’infirmière doit respecter le droit du patient de s’adresser au professionnel de santé de son choix. »

Conséquences à prendre en compte

Le transfert de la propriété de la ligne téléphonique, jusqu’à récemment, pouvait être un enjeu dans le partage. Il était préconisé de ne plus utiliser le numéro et d’insérer une annonce sur le répondeur, précisant les nouvelles coordonnées de chaque ex-membre du groupe. Il l’est beaucoup moins avec l’utilisation des portables par les infirmières, même quand un numéro fixe existe.

Autre enjeu des litiges : le local, notamment dans les agglomérations où les locaux professionnels sont rares et donc chers. Il faut toutefois éviter de continuer à utiliser le même lieu, car la clientèle aura du mal à comprendre que “ses” infirmières n’exercent plus ensemble. Afin de garantir l’égalité des chances, il est préférable que chaque partie trouve un nouveau lieu d’exercice.

Conciliation

En cas de difficultés, il ne faut pas hésiter à faire appel à un médiateur, connaissant la profession et maîtrisant les règles de droit la régissant. Parfois, sa saisine est prévue par la convention. Cela peut être notamment un syndicat. Il est également possible de s’adresser au Conseil départemental de l’Ordre infirmier qui tentera de concilier les parties. N’oublions pas là aussi les règles professionnelles, et notamment l’article R. 4312 du CSP qui précise que « les infirmiers ou infirmières doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité. Il leur est interdit de calomnier un autre professionnel de la santé, de médire de lui ou de se faire écho de propos susceptibles de lui nuire dans l’exercice de sa profession. Un infirmier ou une infirmière en conflit avec un confrère doit rechercher la conciliation ».

Enfin, si aucune négociation amiable n’est envisageable, reste en dernier recours la possibilité de saisir les tribunaux.

Véronique Sokoloff

→ Juriste en droit pénal et droit de la santé

→ Formatrice en secteur libéral et hospitalier

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