Le transfert “en maison” - L'Infirmière Libérale Magazine n° 293 du 01/06/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 293 du 01/06/2013

 

CARNET DE TOURNAGE

Actualité

Depuis le début du tournage, et déjà à l’époque du “film pilote”, nous avons assisté maintes fois à cette scène chez Mme C. Ce que nous apprendrons quelques semaines plus tard, c’est que ce jour-là nous y assistions probablement pour la dernière fois.

Comme toujours, la vieille dame n’est pas particulièrement pressée de se lever. Elle se recouchera d’ailleurs une fois les soins prodigués. Françoise la surnomme affectueusement la marmotte.

« Le 11 mai, c’est votre anniversaire : 90 ans ! Je vous apporte le champagne. Je vous l’ai promis ! » La vieille dame hausse les épaules et répond le plus sérieusement du monde qu’elle sera certainement morte avant. Le moral n’est pas bon ce matin. Depuis une mauvaise chute, quelque temps auparavant, Mme C. décline, et Françoise s’en inquiète. Sachant sa patiente toute seule pour ce lundi de Pâques, l’infirmière teste le système de téléassistance en pressant le bouton du bracelet dédié. Un système antichute ô combien précieux ! Une voix venue de nulle part envahit immédiatement l’appartement.

Françoise est rassurée, elle explique sa démarche à une opératrice attentionnée, l’échange est amical. Ce jour-là, nous ne nous attardons pas, contrairement au mois précédent où nous avions pris le temps de discuter avec Mme C. Elle avait accepté de nous parler une fois Françoise partie, un moment d’échange beau et touchant. Nous avions été bien inspirés de lui demander.

Trois semaines plus tard en effet, fin avril, peu de temps avant notre session de tournage du mois de mai, je reçois un long texto de Françoise : « 3 h 30, Mme C. sonne l’alerte car mal au genou et on me réveille car elle a appelé au secours ! Je lui donne 2 comprimés pour calmer la douleur et l’aide à se déplacer. Je lui pose la question de savoir si on la maintient à domicile car elle veut une assistance humaine jour et nuit. Les enfants sont loin et absents. Demain on fera venir son médecin pour soigner et soulager cette arthrose et, au retour, on envisagera un placement pour le confort de tous. » Le lendemain, je reçois d’autres textos. La situation évolue vite. Mme C. est demandeuse de ce placement, elle a trop peur de chuter, une chute de plus pourrait lui être fatale, si ce n’est physiquement, du moins moralement. Elle est en sérieuse perte d’autonomie. Dans l’après-midi, ses enfants décident de l’hospitaliser.

Le soir, Françoise m’apprend que Mme C. restera une dizaine de jours à l’hôpital ; outre l’arthrose, elle souffre d’une entorse et de troubles de la mémoire. Mais elle devrait être de retour avant le 11 mai, et nous maintenons le projet de venir tourner pour ses 90 ans.

Cette session de tournage n’aura pas eu lieu : Mme C. a finalement été transférée en maison. Un soulagement pour elle, désormais trop fébrile. Malgré tout, Françoise lui a fait porter la fameuse bouteille de champagne, mais Mme C. n’y a pas eu droit, question de règlement intérieur. De notre côté, nous sommes un peu tristes : c’est la première fois que nous “perdons” une patiente.