L’INTERVENTION CHIRURGICALE, ULTIME RECOURS ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 291 du 01/04/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 291 du 01/04/2013

 

Obésité morbide

le débat

Face à l’augmentation des opérations chirurgicales de l’estomac, l’Assurance maladie tire la sonnette d’alarme : les interventions sont lourdes, trop risquées et pas toujours nécessaires. Dans son Plan national de lutte contre l’obésité 2010-2013, elle préfère encourager la prise en charge médicale.

Anne-Sophie Joly,

présidente du Collectif national des associations d’obèse (Cnao)

Pensez-vous que les opérations de l’estomac effectuées sur les patients atteints d’obésité sont trop nombreuses ?

Quinze ans auparavant, j’aurais probablement répondu oui. Mais, dorénavant, il y a des recommandations de bonnes pratiques. Les opérations ont un mode d’emploi. Il y a une dizaine d’années, la Cnam pensait que la prise en charge des patients obèses par le biais d’opérations chirurgicales coûtait trop cher. Mais nous lui avons démontré qu’à terme, une opération est plus économique en raison des pathologies chroniques associées et des arrêts de travail qui peuvent découler de l’obésité. De 15 000 opérations il y a cinq ans, nous sommes passés à 30 000 aujourd’hui, et cela ne m’étonne pas. Le nombre de personnes obèses augmente. Il est évident qu’avec le Plan obésité, on a mis en place un parcours fléché et sécurisé pour le patient. Cependant, il y a encore un point à régler : la réglementation de bonne pratique auprès des enfants de moins de 18 ans.

La chirurgie est-elle la solution pour traiter l’obésité ?

Dans un premier temps, il est important d’essayer l’éducation thérapeutique pour ainsi réapprendre l’importance de cuisiner en famille, sans pour autant mettre énormément de sel, de sucre ou de graisse. L’opération chirurgicale est la bonne solution de dernier recours. Les opérations sont efficaces sur les personnes qui acceptent d’être dans un process de soins. Si on en arrive à l’opération, c’est que le rapport vie/mort est plus proche de la mort que de la vie. On ne va pas au bloc opératoire par plaisir. L’opération implique un suivi à vie et elle n’est efficace que si elle est prise en charge de manière pluridisciplinaire avec les médecins de ville, les psychologues, les diététiciens ou encore les infirmiers.

Quelles sont les conditions à remplir pour pouvoir faire une opération ?

Le cahier des charges est multiple. Mais il est indispensable d’avoir une consultation avec un psychologue. Il faut être psychologiquement prêt à se faire opérer. Le patient doit entrer dans une démarche où il est acteur, car le changement de vie qui découle de l’opération est radical. Les patients opérés passent notamment par des phases où ils ne se reconnaissent plus.

Pr Jean-Marc Chevallier,

président de la Société française et francophone de chirurgie de l’obésité et des maladies métaboliques (Soffco)

Pensez-vous que les opérations de l’estomac effectuées sur les patients atteints d’obésité sont trop nombreuses ?

Ces opérations de chirurgie ont été créées pour aider les personnes atteintes d’obésité maladive, c’est-à-dire celles qui ont une surcharge de poids qui réduit leur espérance de vie. Actuellement, les critères pour décider de ces opérations se basent sur l’Indice de masse corporelle (IMC). S’il s’agit vraiment de ces malades qui sont concernés, nous ne pouvons pas dire qu’il y a trop d’opérations. L’argumentation de la Cnam se base souvent sur une comparaison avec d’autres pays. Et il est vrai qu’en Angleterre ou en Allemagne, où les personnes obèses sont plus nombreuses qu’en France, il y a moins d’opérations. Mais il s’agit d’une question de priorité de santé publique. De plus, en France, les opérations font l’objet d’une demande d’entente préalable. Si la Cnam accepte l’opération, cela veut donc dire que la demande respecte le cahier des charges.

La chirurgie est-elle la solution pour traiter l’obésité ?

Nous sommes tous d’accord pour dire que l’idéal serait que de moins en moins de patients soient opérés, mais la prise en charge médicale de l’obésité morbide ne fonctionne pas. Les patients atteints d’une telle obésité ne maigrissent pas avec des régimes ou avec les thérapies comportementales. Les médecins ont fait ce constat d’échec il y a vingt ans déjà. Nous pouvons souhaiter que, dans les années à venir, des moyens simples et médicaux soient trouvés. Mais, actuellement, il s’agit de la seule solution efficace.

Quelles sont les conditions à remplir pour pouvoir faire une opération ?

D’après les recommandations officielles et l’entente préalable avec le médecin-conseil, il faut être atteint d’une obésité maladive qui se définit avec un IMC supérieur ou égal à 40 ou un IMC égal à 35 avec une comorbidité susceptible de s’améliorer en perdant du poids. Il faut également avoir un constat d’échec après une année de prise en charge médicale, être stable psychologiquement, ne pas être dépendant à l’alcool ou à la drogue ou encore avoir entre 18 et 60 ans.