Gérer le bourgeonnement jusqu’à l’épidermisation - L'Infirmière Libérale Magazine n° 291 du 01/04/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 291 du 01/04/2013

 

Cahier de formation

Savoir faire

En renouvelant le pansement de l’ulcère de jambe de madame R., vous vous rendez compte que le tissu de granulation dépasse le niveau des berges de la plaie.

C’est une situation d’hyperbourgeonnement qui va empêcher l’épidermisation de la plaie. Vous contactez le médecin pour la prescription d’un corticoïde qui, appliqué sur le tissu de granulation, pourra stopper la croissance du bourgeon charnu.

PRISE EN CHARGE

À la phase de bourgeonnement, l’infirmière doit trouver le bon équilibre entre excès d’humidité et plaie trop sèche. Elle doit adapter la capacité d’absorption du pansement et la fréquence de son renouvellement pour contrôler l’exsudation. Cette phase implique aussi la surveillance de la qualité du bourgeonnement et de l’état de la peau périlésionnelle.

CICATRISATION EN MILIEU HUMIDE

Un milieu plus propice à la cicatrisation

La cicatrisation est plus rapide en milieu humide qu’en milieu sec. Cette distinction a été établie pour la première fois en 1962, d’après des travaux de Georges D.Winter effectués à partir de plaies par brûlures sur des cochons. Au bout de 3 jours, la cicatrisation était plus avancée pour les plaies protégées par un pansement occlusif. Peu après, des conclusions similaires étaient retrouvées chez l’homme par Hinman et Maibach (1963).

Gérer le taux d’humidité

L’équilibre du taux d’humidité de la plaie et des berges est essentiel pour favoriser l’activité des cellules neutrophiles, des macrophages et des fibroblastes. Le taux d’humidité est lié à la quantité de l’exsudat. Un milieu humide favorise l’épidermisation et une cicatrisation plus rapide par la migration et la multiplication accélérée des kératinocytes. Dans le cas d’une plaie sèche, les cellules épithéliales restent sous le lit de la plaie (dans une zone humide). Toutefois, une plaie trop exsudative entraîne un risque de macération cutanée et réduit l’efficacité de la barrière bactérienne. L’humidité de la plaie est donc régulée par le choix de pansements qui hydratent la plaie ou qui absorbent l’exsudation. Contrairement à un a priori courant, l’humidité de la plaie n’augmente pas le taux d’infection.

PANSEMENTS “HUMIDES”

La théorie de la cicatrisation en milieu humide a engendré le développement d’une large gamme de pansements “actifs”. Ces pansements favorisent le maintien d’un milieu humide contrôlé en interagissant avec l’exsudat présent dans la plaie, d’autres hydratent les plaies trop sèches. En l’absence de signes d’infection, les pansements actifs peuvent être laissés sur la plaie jusqu’à saturation, entre un et dix jours.

L’EXSUDAT

Définition

Terme général donné à l’ensemble des sécrétions produites par les plaies aiguës ou chroniques, l’exsudat résulte de l’ensemble des éléments moléculaires et cellulaires qui traversent la paroi vasculaire au cours de l’inflammation et qui s’accumulent dans les tissus interstitiels. Ce volume diminue normalement au fur et à mesure que la plaie cicatrise mais, lorsque les plaies ne cicatrisent pas et sont bloquées au stade inflammatoire, l’exsudation peut rester importante.

La quantité d’exsudat

Elle guide le choix du pansement. En principe le fond de la plaie doit rester juste assez humide pour ne pas se ramollir. La quantité d’exsudat est notée :

→ exsudat 0 : absence d’exsudat ;

→ exsudat + : exsudat contrôlé ;

→ exsudat ++ : exsudat important qui nécessite un pansement absorbant ;

→ exsudat  +++ : exsudat très important qui nécessite un pansement très absorbant.

Évaluer l’exsudation par le pansement

Lors d’une phase de bourgeonnement correcte, le pansement est refait à peu près 2 fois par semaine, ce qui reflète une exsudation normale. Lorsque les changements deviennent plus fréquents, la plaie est plus exsudative. L’infirmière doit s’interroger sur cette exsudation augmentée et peut faire appel à un médecin.

QUALITÉ DU BOURGEONNEMENT

L’hyperbourgeonnement

La progression du bourgeon charnu doit être surveillée car il faut éviter l’évolution vers une hypertrophie, un granulome inflammatoire. Mou, friable, œdémateux et hémorragique, le bourgeon hypertrophique correspond à la formation excessive du bourgeon charnu (hyperbourgeonnement) qui dépasse le plan cutané soit dans sa totalité (aspect bombé de la plaie), soit par îlots. L’hyperbourgeonnement est un obstacle à l’épidermisation. « C’est une cicatrisation qui déborde et qui ne s’épidermise pas. Ce phénomène s’observe dans les plaies chroniques, surtout dans les ulcères de jambe », souligne le Dr Brigitte Faivre.

Traitement de l’hyperbourgeonnement

Il vise à affaisser un bourgeon hypertrophique en utilisant :

→ un corticoïde local (Diprosone crème, Dermoval gel…) en couche épaisse sur les grandes surfaces. Sur prescription médicale, le traitement par corticothérapie locale est réévalué toutes les 24 heures et ne doit pas avoir de caractère systématique (en général, une ou deux applications) ;

→ le crayon de nitrate d’argent, ou sa solution, pour des bourgeons isolés dans la plaie cautérisés par contact.

Plaie atone

On parle de “plaie atone” lorsque le tissu de granulation inflammatoire est déficient, ce qui entraîne un bourgeon charnu atrophique pauvre en capillaires sanguins (atone : qui manque de vie, d’énergie). La cicatrisation est impossible. Les troubles de la micro-circulation locale liés au diabète en sont une cause fréquente. La plaie atone est souvent jaunâtre, sèche ou au contraire légèrement brillante avec des bords légèrement enroulés vers l’intérieur. Le dessèchement est nocif pour la cellule vivante et les pansements desséchés arrachent les bourgeons nouvellement formés. Le maintien de l’humidité 24 heures sur 24 est essentiel. Les pansements hydrogels sont préconisés.

PEAU PÉRILÉSIONNELLE

Facteurs de fragilité

La peau en périphérie de la plaie peut être fragile en raison de l’étiologie de la plaie comme la peau fine autour d’un ulcère artériel ou l’hyperkératose dans les plaies du pied diabétique. L’âge du patient est aussi un critère, car la peau devient plus fine et plus fragile avec le vieillissement. La peau périlésionnelle peut aussi être fragilisée par la plaie et son traitement local (macération liée à des exsudats trop importants, dermabrasion due à des adhésifs traumatiques, etc.

En prévention

→ Les pansements adhésifs ne sont utilisés que si la peau les tolère (vérifier les antécédents de réactions allergiques du patient).

→ Favoriser un retrait atraumatique du pansement en respectant la saturation du produit. L’application d’eau ou l’utilisation de solvant (Remove, éther) peut être nécessaire. Les pansements siliconés (sur les bords adhésifs) sont conseillés afin de minimiser les traumatismes. Dans la mesure du possible, Claude Maurier, infirmier référent en plaies et cicatrisation, opte pour des pansements non adhésifs maintenus par des bandes cohésives type “peha-haft”, pas trop serrées. « Surtout sur les ulcères artériels, pour lesquels la compression est particulière », ajoute l’infirmier.

Risque de macération

Le contact permanent avec l’humidité d’un exsudat qui suinte peut provoquer une macération des berges. La peau se ramollit, blanchit et s’abîme. La macération entraîne alors l’agrandissement des plaies et/ou l’apparition d’ulcères satellites. Il convient dans ce cas d’augmenter la capacité d’absorption des pansements et/ou d’utiliser un protecteur cutané (Cavilon, Conveen Protact). « Les pansements absorbants utilisés pour les plaies exsudatives doivent dépasser les berges pour éviter les phénomènes de macération, précise Claude Maurier. Les pansements gras ou humides utilisés sur les plaies sèches ne devraient pas dépasser sur les bords de la plaie. Dans le cas contraire, la peau périlésionnelle doit être protégée, avec de la pâte à l’eau par exemple. »

PRÉSERVER L’ÉPIDERMISATION

Une zone périlésionnelle saine présente un épiderme d’une couleur rouge-rosé, pas desquamant. Le halo d’épidermisation se forme à la surface du bourgeon, sur le pourtour de la plaie à partir des berges. Ce liseré épithélial, visible en périphérie de la plaie, n’adhère pas au bourgeon. Cet accrochage au bourgeon sous-jacent ne se fait que lorsque ce dernier est entièrement recouvert. Il est donc très fragile et peut être arraché lors du retrait du pansement. À cette phase, le pansement doit donc être plutôt gras ou humide, et non adhérent. Les renouvellements de pansement doivent être justifiés.

LES PANSEMENTS

En 2011, la HAS publie des recommandations en fonction du stade de cicatrisation des plaies chroniques et rappelle que « les données qui permettent de préférer certains types de pansements à d’autres demeurent d’un faible niveau de preuve ». Et que, « dans certaines indications, aucune catégorie de pansements ne peut être recommandée ». Elle limite ses recommandations :

→ en phase de bourgeonnement : aux interfaces ; hydrocellulaires (plaies très exsudatives) ; vaselinés ; hydrocolloïdes (toutes phases en cas de traitement non séquentiel) ;

→ en phase d’épidermisation : aux interfaces ; hydrocolloïdes.