Déconventionnée, mais pourquoi ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 290 du 01/03/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 290 du 01/03/2013

 

CONDITIONS D’EXERCICE

Votre cabinet

Le déconventionnement sur le mode “sanction” peut sérieusement mettre en péril la survie du cabinet. Néanmoins, même si beaucoup l’ignorent, les Idels peuvent se conventionner ou non. Une option librement consentie qui présente alors certains avantages.

La convention : objectifs, adhésion et champs d’application

La dernière convention nationale des infirmières et des infirmiers a été conclue le 22 juin 2007 entre l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie (Uncam) et trois syndicats, Convergence infirmière, la FNI, l’Onsil et le Sniil. Elle a été approuvée par un arrêté du 18 juillet 2007, et publiée au Journal officiel du 25 juillet 2007. La convention nationale poursuit les objectifs de reconnaissance de la place de l’infirmière libérale dans le système de soins, l’optimisation de ses compétences, la préservation de l’accès aux soins sur le territoire, la valorisation du métier, etc.

L’adhésion à la convention n’étant pas obligatoire, pourquoi adhérer ?

D’abord, l’adhésion entraine la prise en charge par l’Assurance maladie des soins dispensés. Si elle n’est pas conventionnée, la professionnelle est certes libre de fixer ses honoraires, mais les remboursements des patients ne se feront que sur la base d’un tarif dit “d’autorité” (pour un AMI 0,18 à 0,21 euro – en fonction des zones – au lieu de 3,15 euros). En second lieu, l’Assurance maladie prend en charge une partie des cotisations sociales et contribue à la formation continue professionnelle. Enfin, la praticienne conventionnée bénéficie du régime d’Assurance maladie PAMC (Praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés), alors que les infirmières non conventionnées doivent cotiser au Régime social des indépendants (RSI), dont les montants des cotisations sont beaucoup plus élevés. L’adhésion à la convention ne se présume pas. C’est-à-dire qu’au moment de son installation, la professionnelle doit en faire la demande par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la Caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM). Son adhésion est effective à la date à laquelle la Caisse accuse réception de sa demande.

Le déconventionnement

La procédure de mise hors convention

Si l’adhésion à la convention est source d’avantages pour la professionnelle, elle comporte cependant des obligations : le respect les tarifs conventionnels et la NGAP, la télétransmission de 80 % au moins des feuilles de soins, l’impossibilité de s’installer librement dans les zones sur-dotées. Leur non-respect est susceptible de faire l’objet d’une procédure diligentée par la CPAM, pouvant conduire, selon l’importance des griefs, à un déconventionnement temporaire (1 semaine, 1, 3, 6, 9 ou 12 mois) ou pour toute la durée d’application de la convention. La CPAM du lieu d’implantation du cabinet professionnel principal qui constate le non-respect par une infirmière des dispositions conventionnelles lui adresse un avertissement par lettre recommandée avec accusé de réception. L’avertissement doit comporter l’ensemble des faits qui sont reprochés à la professionnelle, laquelle dispose alors d’un délai d’un mois pour modifier sa pratique. Si, à l’issue de ce délai, l’infirmière n’a pas modifié la pratique reprochée, la CPAM communique le relevé des constatations à l’infirmière par lettre recommandée avec avis de réception, avec copie aux membres titulaires des deux sections de la Commission paritaire départementale (CPD). À compter de la date de communication du relevé des constatations, la praticienne dispose d’un délai d’un mois pour présenter ses observations écrites éventuelles et/ou être entendue à sa demande par le directeur de la caisse ou son représentant. Elle peut se faire assister par un avocat ou une infirmière de son choix exerçant régulièrement sa profession et placée sous le régime de la convention. La CPD, pour donner son avis, invite l’infirmière à lui faire connaître ses observations écrites et demande à l’entendre dans un délai qu’elle lui fixe. L’avis de la CPD est rendu dans les 60 jours à compter de sa saisine. À l’issue de ce délai, l’avis est réputé rendu et les caisses décident d’une éventuelle sanction. Le directeur de la CPAM notifie à la professionnelle la mesure prise à son encontre par lettre recommandée avec accusé de réception, notification qui précise la date d’effet de la décision (laquelle doit être motivée) et les voies de recours. La décision de la caisse peut être contestée devant le tribunal des affaires de la Sécurité sociale.

Soulignons par ailleurs que lorsqu’une professionnelle est condamnée, par une instance ordinale ou judiciaire, à une interdiction temporaire ou définitive de donner des soins ou d’exercer, ou à une peine effective d’emprisonnement, et que cette décision est devenue définitive (donc non passible d’appel), la professionnelle se trouve placée, de fait et simultanément, hors convention, à compter de la date d’application de la sanction, et pour une durée équivalente.

Exemples de condamnations

La section des assurances sociales a prononcé à l’encontre d’un infirmier une peine d’interdiction de donner des soins aux assurés pendant 6 mois (dont 3 mois avec sursis) pour avoir facturé des actes qu’il n’avait pas réalisés personnellement et qui avaient été effectués par d’autres personnes, lesquelles n’avaient pas la qualité d’infirmiers (décision du 10 juillet 2012). La même sanction a été prise contre une professionnelle qui se rendait de façon trop fréquente (plus de deux fois par semaine) au domicile de patients à jours fixes, de sa propre initiative, et sans qu’ils l’aient appelée (décision du 29 mars 2012).

Conséquences du déconventionnement

Dans la plupart des cas, l’infirmière n’est pas condamnée à une mesure de mise hors convention, mais à une interdiction de donner des soins aux assurés sociaux, qui la place ipso facto hors convention, et la prive pratiquement de toute activité, sauf hypothèse de soins donnés à des non-assurés sociaux. Il s’agit donc d’une sanction particulièrement grave. En aucun cas elle ne pourra se faire remplacer, un tel remplacement étant rigoureusement interdit par la loi : l’article R. 4312-43 du Code de la Santé publique dispose en effet « le remplacement d’un infirmier ou d’une infirmière est possible pour une durée correspondant à l’indisponibilité de l’infirmier ou de l’infirmière remplacé. Toutefois, un infirmier ou une infirmière interdit d’exercice par décision disciplinaire ne peut se faire remplacer pendant la durée de la sanction ».

Une mise hors convention aura certes des répercussions financières conséquentes, mais elle aura aussi, notamment si la sanction est publiée, un impact certain sur la relation de confiance que la professionnelle entretient avec ses patients.

Un choix pour le moins audacieux

Depuis le 27 mai 2012, la convention nationale des infirmiers s’est vu appliquer l’amendement n° 3 qui limite l’installation conventionnée des Idels en zones sur-dotées. Vous voulez sauter le pas pour vous installer où bon vous semble ?

Faites bien le calcul. Le déconventionnement peut présenter quelques avantages, au premier rang desquels la liberté de fixer ses propres tarifs. De quoi tenter celles qui souhaiteraient se spécialiser sur des soins destinés à des patients fortunés…

Mais, attention, pour les Idels faisant le choix du hors-convention, certaines cotisations seront plus élevées : 9,81 % des revenus contre 0,11 % pour la cotisation Assurance maladie et 500 euros par an contre 167 euros à la Carpimko.

C.M.

En chiffres

• Les derniers chiffres fournis par la Cnamts (2010) révèlent que, sur 63 752 infirmières libérales exerçant en métropole (+ 2 889 en outre-mer), une seule infirmière, résidant en Aquitaine, n’est pas conventionnée !

• Y a-t-il, chez les infirmières notamment, un chiffre noir, à savoir des professionnelles qui s’enregistreraient, non pas comme Idels, mais comme simples travailleurs indépendants, pour proposer leurs services de “garde-malades” à des patients fortunés ? Qui sait.

• Les médecins généralistes (59 549) totalisent 495 professionnels non conventionnés, les kinés (52 059), 63, les pédicures (9 125), 115 et les orthophonistes (15 329) un seul.