Contrer le VIH au féminin - L'Infirmière Libérale Magazine n° 290 du 01/03/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 290 du 01/03/2013

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

RESSOURCES → Pour aider les professionnels de santé à mieux adapter leurs réponses aux spécificités des femmes touchées par le VIH/sida, des associations de patients et des soignants ont mis en place le programme “She’”.

Avec la pandémie de VIH/sida, nous sommes au cœur des rapports sociaux de sexe. Cette maladie demeure aujourd’hui un révélateur des inégalités entre hommes et femmes », déplore Hélène Freundlich, coordinatrice “Femmes et migrantes” à Sida Info service (SIS).

Cependant, après avoir été invisibilisées, puis considérées vulnérables au plan physiologique – ce qui a parfois masqué d’autres réalités fragilisantes d’ordre économique, social, culturel –, les femmes séropositives revendiquent désormais « que des réponses médicales mieux adaptées à leurs spécificités leur soient apportées ».

Effets indésirables

En particulier, elles attirent l’attention sur le fait que les effets indésirables liés aux traitements affectent différemment hommes et femmes, que les dosages des médicaments sont établis sur le modèle masculin ou encore que leur statut dans la société et le regard porté sur leur sexualité les isolent et nuisent à une bonne observance.

Pour avancer, poursuit Hélène Freundlich, « il faut que les professionnels de santé soient bien informés de leurs réalités et à l’écoute de leur mal-être et de leurs interrogations ».

Programme particulier

À cette fin, des associations de patients, des femmes vivant avec le VIH et des médecins spécialisés ont mis leur énergie en commun et élaboré un programme intitulé “She” (Strong, HIV positive, Empowered women), avec le soutien de Bristol-Myers Squibb. L’initiative, qui vise à améliorer la qualité de vie des femmes séropositives et à optimiser la prise en charge des soignants en les sensibilisant à la problématique, se construit depuis fin 2010 à un niveau européen. « Lors de réunions, nous avons partagé nos connaissances, constaté partout les mêmes manques de données en sciences médicales et sociales sur les femmes séropositives en dehors des questions de procréation, et défini des priorités de recherche », explique Stéphanie Dominguez, médecin au service d’immunologie clinique de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil.

Pour aider les femmes à s’approprier elles-mêmes des connaissances sur l’infection ou sur leurs droits, à reprendre confiance en elles et à développer leur autonomie, She propose une boîte à outils, construite autour de grands modules. L’objectif est de faciliter l’animation de groupes de parole, durant lesquels les femmes peuvent poser toutes les questions, faire part sans tabou de difficultés : peurs, discriminations, violences, sexualité… Autrement dit, de tout ce qui peut rarement être abordé lors des consultations, faute de temps, et qui n’obtient pas toujours de réponse.

De leur côté, les infirmières libérales peuvent aussi tirer de précieuses informations de cette boîte à outils. Tel est l’avis d’Hélène Freundlich : « Cela peut leur ouvrir des portes, les inviter à se poser des questions qu’elles n’avaient pas imaginé jusque-là, par exemple sur la manière dont leurs patientes vivent leurs traitements, les lipodystrophies, etc. » Un tel éclairage permet d’enrichir la pratique. « S’interroger sur ses connaissances aide à être plus attentif aux préoccupations des patientes. Quand on ne dispose pas des réponses, on passe souvent à côté des questions », poursuit-elle.

Réel besoin

Enfin, au-delà, les soignants impliqués dans She estiment que la dynamique lancée doit gagner du terrain. « Il faut absolument que les Corevih* s’emparent davantage de ces questions », pointe ainsi Florence Brunel, médecin au service des maladies infectieuses de l’hôpital Édouard-Herriot à Lyon, qui anime notamment des groupes de parole avec l’association Da Ti Seni. Pour elle, She « a été une superbe découverte, car cela permet des échanges de grande qualité et répond à un réel besoin, les femmes étant les grandes oubliées de l’épidémie ».

* Coordinations régionales de la lutte contre le VIH.

Une mine d’or

Support d’éducation, She est accessible sur le site www.sheprogramme.fr, qui fourmille d’informations téléchargeables et personnalisables. Parmi les modules proposés : diagnostic du VIH et impacts sur la santé ; accès aux soins ; relations avec les autres et sexualité ; rapport au corps et à la santé (fertilité, grossesse, ménopause…) ; bien-être, santé mentale, estime de soi, stigmatisation et discrimination ; traitement ; droit des femmes vivant avec le VIH.