Un droit pour tous ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 289 du 01/02/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 289 du 01/02/2013

 

TOILETTE MORTUAIRE

L’exercice au quotidien

Lors du décès d’un patient, il arrive que les familles demandent aux infirmiers d’effectuer la toilette mortuaire. Nathalie Wriggleworth, Idel à Bordeaux, n’a pas pu refuser, de peur que cela ne soit jamais fait.

Il y a quelques années, je travaillais dans un petit village rural où j’étais la seule infirmière. Pauline m’a appelée pour des soins de confort alors que son cancer était déjà bien avancé. De fait, je m’en suis occupée pendant six mois, avec juste quelques petits soins réguliers. En dehors de ces soins, il m’arrivait de la croiser à l’école du village, lorsque nous allions chercher nos filles, et nous discutions un peu.

Dernière toilette

Un dimanche après-midi, mon téléphone a sonné : un de ses cousins m’a annoncé que Pauline venait de décéder et qu’ils m’attendaient pour la “préparer”. Comme sa maison était à peine à cinq cents mètres de la mienne et que je connaissais les difficultés financières et sociales de la famille, j’ai eu peur qu’elle n’ait même pas droit à une dernière toilette. Je me suis donc convaincue que je le lui devais.

Sentiment de solitude

Lorsque je suis arrivée dans la chambre de Pauline, toute la famille s’est réfugiée dans la cuisine et m’a laissée seule avec elle et une bassine. J’ai donc fait ce que j’ai pu, avec mes habitudes de l’hôpital. Je lui ai fait une toilette, je l’ai “bourrée”(1) et puis je l’ai habillée. Pendant tout ce soin, je suis restée seule avec elle et je lui ai parlé, en évoquant nos souvenirs communs.

Des gestes logiques

Aujourd’hui, je ne regrette évidemment pas d’avoir fait ce soin – même s’il est certain que j’aurais apprécié un peu plus d’aide de la famille – mais je me pose quand même des questions… Tous les patients ont-ils droit, oui ou non, à une “préparation” avant un enterrement, même lorsqu’ils n’ont pas d’argent ? Et les gestes, que j’ai appris à l’hôpital et qui me semblaient logiques, étaient-ils vraiment utiles si quelqu’un allait de nouveau préparer le corps quelques heures plus tard avec du matériel professionnel, là ou je n’ai utilisé que du bon sens et ce que j’avais sous la main ? »(2)

(1) “Bourrer” signifie obstruer les orifices naturels pour éviter des écoulements post mortem. On le fait généralement avec du coton cardé ou toute autre matière absorbante.

(2) Pour information, la toilette mortuaire en elle-même ne fait pas partie de la NGAP et ne peut donc pas faire l’objet d’une rémunération, même sur prescription médicale.

Avis de l’expert
Thierry Trèfle, conseiller funéraire aux Pompes funèbres générales de Paris Drouot (IXe)

Les toilettes mortuaires, prestation facturée

« Effectivement, les toilettes mortuaires que nous pratiquons sont une prestation payante. Dans le cas des personnes en détresse financière, nous sommes mandatés par la mairie pour enlever le corps, mais nous ne le préparons pas et nous l’enlevons tel quel. La toilette mortuaire par les infirmiers libéraux s’avère ici utile, tout d’abord pour rendre le corps présentable à la famille dans les premières heures, et ensuite parce que, suivant le choix et les possibilités de la famille, il n’y aura peut être pas d’autre préparation. Pour l’habillage, en revanche, nous attendons en général 24 heures après le décès pour éviter que le corps ne salisse les vêtements avec des écoulements. Les gestes à faire sont alors les mêmes que ceux à l’hôpital, c’est-à-dire qu’il faut fermer les yeux, empêcher les écoulements et fermer la bouche. »